C dans l'air : La campagne s'enlise...

Télévision · 3 fév. 2007 à 22:44

C dans l'air

Lundi 29 janvier 2007, Yves Calvi consacrait son émission à l'élection présidentielle et la mauvaise tournure que prend la campagne électorale. Pourquoi y'a-t-il eu un basculement vers la polémique ? Quelles sont les stratégies des candidats ? Deux journalistes ont notamment participé à l'émission et répondu à ses questions : Eric Dupin et Christophe Barbier.

Pourquoi la campagne a-t-elle basculé dans les polémiques au détriment du débat de fond ?

Le début de campagne était plutôt bon, les thèmes s'enchaînaient selon les semaines : pouvoir d'achat, immigration. Et puis il y a eu un basculement dans les polémiques, les attaques personnelles au détriment du débat de fond. Christophe Barbier explique ce basculement par deux raisons : tout d'abord, la gauche n'a pas vu venir le bon début de campagne de Sarkozy. Perdant un peu pied, les socialistes se sont donc raccrochés à la 1ère polémique celle concernant l'enquête des Renseignements Généraux sur le conseiller pour l'environnement de Ségolène Royal. La gauche a donc alimenté cette polémique, et la presse s'est saisie du dossier pour tenter d'approfondir cette affaire. L'autre élément qui explique le dérapage de la campagne est l'attitude de l'UMP : puisque Ségolène Royal n'a pas encore publié son programme, la droite a du mal à répondre à la candidate, à débattre avec un adversaire insaisissable. Du coup, alors que le débat de fond était engagé sur le thème de la fiscalité, on est passé de la question de l'ISF aux impôts de Ségolène Royal. Le thème de campagne de l'ISF a été transformé par l'UMP en affaire privée sur les impôts de la candidate.
Ce sont ces deux événements qui se sont déroulés quasiment en même temps qui expliquent le dérapage de ce début de campagne présidentielle.

Deux candidats à la stratégie opposée

Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, en raison des circonstances, ont adopté deux stratégies opposées. Pour devenir incontournable à droite, Nicolas Sarkozy a du multiplier les propositions au cours de ces dernières années : immigration, sécurité, pouvoir d'achat. Puisqu'il souhaitait rassembler son camp, toutes ces positions sont ancrées à droite et il ne rate pas une occasion d'ailleurs pour rappeler qu'il n'a pas à s'excuser d'être de droite. Autrement dit, puisque le rassemblement autour d'un projet de droite est acquis, Nicolas Sarkozy peut se permettre quelques incursions dans le camp adverse pour tenter de récupérer des voix, d'où sa campagne plus paisible, ces répliques sur les "patrons voyous" qui ont des indemnités de licenciement indécentes, ou encore ses références à Jaurès ou Blum. Il peut tenter de surprendre par des propositions plus sociales puisque son image d'homme de droite est définitivement acquise.
La stratégie de Ségolène Royal est exactement l'inverse. Lors de la campagne pour l'investiture socialiste, Ségolène Royal s'est distinguée de ses adversaires, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, en faisant des propositions plus à droite sur certaines questions : la possibilité de camp militaire pour jeunes délinquants, la critique sur les 35 heures, sa volonté de ne pas augmenter les impôts quand le projet socialiste prévoit de revenir sur les baisses faites par la droite, sous-entendu on les augmente pour les remettre au niveau de 2002. Elle a donc construit sa popularité sur une image plus droitière, ou centre droit, elle va donc avoir des difficultés pour rassembler à gauche. Il faut donc qu'elle prenne des positions plus à gauche à l'avenir pour prétendre rassembler son camp. On comprend donc mieux les propositions de François Hollande sur la fiscalité. D'une certaine manière, en rappelant que le PS souhaite revenir sur les baisses d'impôts, en fustigeant les riches, il repositionne la candidate plus à gauche.
La différence de stratégies entre les deux candidats apparaît donc plus favorable à Nicolas Sarkozy qu'à Ségolène Royal pour la simple raison que la cohérence des propositions est davantage du côté de l'UMP que du côté du PS pour l'instant.

Une valse à contre-temps

Nicolas Sarkozy a fait beaucoup de propositions. Selon lui, les idées sont les "airbags de la politique". Quand on développe des idées, des propositions, un homme politique est moins fragile, moins sujet aux polémiques, aux critiques. Et c'est ce qui arrive à Ségolène Royal aujourd'hui, elle n'a pas l'airbag des idées et se retrouve donc dans la tourmente. Ces gaffes prennent plus d'ampleur car on est obligé de se raccrocher à peu de choses. Selon Eric Dupin, sur beaucoup de sujets, on a l'impression qu'elle n'a pas beaucoup d'idées, elle a donc tendance à être d'accord avec son interlocuteur du moment (Liberté du Québec, indépendance de la Corse). Elle veut écouter, reformuler et du coup, elle ne va pas dans le sens de la cohérence. C'est ce qui serait à l'origine de ces multiples bourdes.

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