Revue de presse · 3 mar. 2011 à 08:29
Dimanche 20 février 2011, Christine Lagarde était l'invitée du Grand Jury sur RTL. Très optimiste quant à la santé économique de la France, elle a notamment affirmé que la croissance serait de 2 % en 2011 en se basant sur les dernières prévisions de la Banque de France. Les économistes, eux, sont plus réservés et prévoient une croissance d'environ 1,5 %.
Mais la ministre de l'Économie s'est particulièrement illustrée en annonçant que le chômage avait baissé en 2010. Ce que le journaliste de RTL, Jean-Michel Aphatie, a contredit. Qui a raison ? En réalité, ils n'ont pas pris le même chiffre. En effet, le taux de chômage en France différencie d'une source à l'autre.
C'est Libération qui a détaillé les raisons de cet écart, dans sa rubrique Desintox du 2 mars 2011
Le BIT est le Bureau international du travail. C'est sur ses calculs que la ministre s'appuie pour affirmer que le taux de chômage a baissé de 0,3% en 2010. C'est l'Insee qui s'occupe de sonder des foyers français chaque trimestre pour faire des statistiques. Est chômeur pour l'Insee toute personne qui n'a pas travaillé dans la semaine de référence, est disponible dans les quinze jours et surtout a entrepris des démarches de recherche d'emploi. D'après ces critères, il en résulte que le taux de chômage a baissé de 0,3% non pas en 2010 mais entre le quatrième trimestre 2009 et le troisième trimestre 2010. Les résultats du quatrième trimestre ne sont pas connus à ce jour.
Sur RTL, Christine Lagarde s'est vu contredite par le journaliste Jean-Michel Aphatie qui affirme, de son côté, que le taux de chômage a augmenté en 2010. Il ne se base pas sur les mêmes données que la ministre. Le journaliste se fie aux chiffres de Pôle Emploi qui a noté une augmentation de 173 000 chômeurs de plus qu'en 2009. Pôle emploi ne se base pas sur les mêmes critères que l'Insee pour établir ses données. Ainsi est considéré comme chômeur, toute personne inscrite à Pôle Emploi.
Avec des critères si différents, il est difficile de savoir précisément quel est le taux de chômage. Un chômeur, par exemple, peut parfaitement ne pas s'inscrire à Pôle Emploi. Dans ce cas, pour cette agence, il n'est pas considéré comme chômeur alors que le BIT estimera qu'il correspond à tous les critères et sera donc comptabilisé comme tel. Mais de son côté, Pôle Emploi peut accepter des demandeurs d'emploi qui travaillent mais qui n'exercent pas plus de 78 heures par mois. Cette situation ne peut être prise en compte par l'Insee qui considèrera ces personnes comme ayant déjà une activité. De même, l'Insee laissera de côté toute personne au chômage mais qui n'est pas en recherche active d'un emploi.
Alors que la plupart des politiques et des journalistes s'appuient sur les chiffres de Pôle Emploi rendus publics mensuellement, Christine Lagarde préfère ceux de l'Insee. Et pour cause, tandis que Pôle Emploi affirme que le taux de chômage a augmenté en 2010, l'Insee note une baisse de 0,3% (de 9,6% à 9,3%) , de quoi justifier l'optimisme de Christine Lagarde sur la croissance économique de la France.
Par Anne-Sophie Demonchy
Source : Luc Peillon, Baptiste Bouthier, "Chômage : Lagarde choisit ses chiffres", Libération, 2 mars 2011