Zapping radio · 9 jan. 2007 à 18:44
Hier, lundi 8 janvier à 19 heures, Alain Duhamel a arbitré le premier « Grand Débat » RTL / Le Monde dans la perspective des présidentielles, entre le secrétaire du PS, François Hollande et la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie. Les invités ont eu une heure pour débattre autour des grands thèmes de société : l’emploi, l’éducation, le régime des retraites, l’immigration, le mariage homosexuel et la réforme des institutions. Chaque intervenant a eu quelques minutes pour exposer clairement sa position et les solutions envisagées.
En guise d’introduction, Alain Duhamel demande à Michèle Alliot-Marie
si elle se rendra au Congrès de l’UMP dimanche prochain. Elle affirme
qu’en tant que citoyenne et membre du parti, elle se doit de voter sans
préciser si elle se prononcera en faveur de Nicolas Sarkozy. Duhamel la
pousse dans ses retranchements en lui montrant qu’elle tient des propos
contradictoires : elle souhaite à la fois se porter candidate aux élections
présidentielles et ne pas vouloir diviser la droite. Mais elle rétorque
: « J’ai envie de défendre mes convictions ». L’auditeur
attend de savoir lesquelles.
Quant à François Hollande, il se définit, non pas comme
le compagnon de la « candidate unique, investie, du rassemblement »,
mais comme premier secrétaire du PS. Son rôle est de convaincre
les Français de voter pour Ségolène Royal.
Duhamel commence par demander à ses invités comment stimuler la
croissance. Pour Michèle Alliot-Marie, la croissance passe d’abord
par celle des entreprises. Elle propose donc de les aider en allégeant
leurs charges pendant 5 ans, de simplifier la fiscalité et d’assouplir
la réglementation sur les 35 heures. Il faudrait permettre à ceux
qui veulent gagner plus d’argent de travailler davantage. Enfin, la création
de parcours professionnalisés sécurisés permettrait de redonner
confiance aux employés qui, diplômés ou non, ne trouvent pas
de travail.
François Hollande est alors ironique : « Qu’est-ce que ce serait
si vous étiez au pouvoir depuis cinq ans ? ». Malgré un bilan
plutôt positif annoncé par Alliot-Marie, Hollande déclare
que les entrepreneurs comme les consommateurs ont perdu confiance et sont angoissés
par rapport à l’avenir. Le PS se donne donc pour objectif de soutenir
la consommation et de changer l’investissement, l’innovation et la
recherche. En ce qui concerne la recherche, Hollande propose d’augmenter
de 10% son budget. Contrairement à la ministre de droite, il pense que
la croissance passe par la création d’emplois par les jeunes, qui
au bout de 6 mois de chômage, doivent obtenir un emploi aidé ou une
formation. D’autre part, il faut augmenter les impôts sur les sociétés
qui partagent les bénéfices avec leurs actionnaires.
Le deuxième point sur l’économie porte sur les régimes
spéciaux des retraites. François Hollande estime que la loi Fillon
(en 2003) est une réforme injuste car elle a pénalisé des
travailleurs et surtout n’a pas assuré la pérennité
des régimes par répartition. Mais, Michèle Alliot-Marie
n’accepte pas cette accusation car François Fillon a eu le courage
de réformer les retraites afin de conserver la répartition et
d’harmoniser la durée des cotisations. Il n’y avait pas d’autres
solutions. D’ailleurs, François Hollande n’a rien à
proposer si ce n’est d’abroger cette loi et de réviser les
régimes spéciaux selon les cas. Ce n’est pas cette idée
qui va renflouer les caisses…
Pour François Hollande, l’université est une priorité budgétaire : étudiants comme établissements manquent de moyens. Il propose donc de donner aux étudiants une allocation autonomie afin d’éviter les trop nombreux abandons forts coûteux. D’autre part, les régions, dans le cadre du projet de décentralisation, doivent financer davantage les équipements des universités. Enfin, il faut attirer les financements d’entreprises pour offrir aux étudiants des parcours professionnalisés. C’est au tour de Michèle Alliot-Marie, qui au lieu de rétorquer immédiatement à M. Hollande qu’il n’apporte guère de solutions aux problèmes de fond des universités, à savoir la mauvaise orientation des étudiants et le peu de débouchés de certaines filières, revient sur la question des impôts. Elle met en œuvre sa technique, toute politicienne, pour gagner du temps et ne pas répondre à des questions plus sensibles. Finalement, elle déclare qu’il faut revoir les orientations et proposer des passerelles entre les filières. En ce qui concerne la recherche, les deux invités sont du même point de vue : il faut se tourner vers les pôles de compétitivité. Pour Alliot-Marie, l’avenir est, cependant, en Europe.
Par manque de temps et surtout de propositions, les thèmes sur l’immigration,
le mariage homosexuel et la réforme des institutions ont été
rapidement abordés.
Michèle Alliot-Marie a pratiqué la langue de bois en se contentant
d’affirmer, après de longues digressions, que l’immigration
pouvait être positive en ce qui concerne la venue d’étudiants
étrangers en France. Quant au mariage des homosexuels, elle s’y oppose.
Elle n’a pas de position affirmée sur l’adoption de ces couples.
François Hollande n’a pas été tellement plus loquace.
Il est pour le mariage et l’adoption des homosexuels. D’autre part,
selon lui, matériellement, il n’est pas possible, comme voudrait
le faire croire le ministre de l’Intérieur, de raccompagner à
la frontière tous les sans-papiers. Il dénonce d’ailleurs
son hypocrisie : à Cachan, les immigrés ont tous été
régularisés ! Il faudrait donc régulariser les situations
en fonction des cas. Les deux invités sont d’accord sur un point
: il s’agira, dans l’avenir, d’obtenir des contrats avec les
pays d’origine afin d’assurer leur développement.
Enfin, en ce qui concerne la réforme des institutions, en tant que porte-parole
de Ségolène Royal, le secrétaire du PS serait pour la création
d’une VIème République, si ce n’est une amélioration
des institutions actuelles. Ainsi, le président de la République
doit être responsable et le pouvoir du Parlement renforcé. Ensuite,
M. Hollande s’égare et parce qu’il n’a pas eu le temps
ou l’opportunité de placer précédemment ses propositions
sociales, il les glisse maintenant : il souhaite faire voter une loi de décentralisation
et mettre en place une « démocratie sociale » qui permettrait
aux syndicats d’avoir plus de pouvoir au sein des entreprises. Ces propositions
n’ont aucun rapport avec les institutions… Quant à Michèle
Alliot-Marie, elle est tout à fait satisfaite de la Constitution actuelle
mais propose simplement un renforcement du Parlement.
Finalement Michèle Alliot-Marie et Fançois Hollande, qui ont eu près d’une heure pour s’exprimer librement et surtout proposer des solutions à des problèmes concrets, ont, comme souvent, passé plus de temps à s’attaquer qu’à défendre des idées. Ils ont discuté la légitimité des chiffres annoncés par l’un ou l’autre (ceux du chômage, du déficit des retraites, etc.) alors que les auditeurs et citoyens savent parfaitement que selon leur position, ils ne se réfèrent pas aux mêmes sources. Et finalement, ces chiffres ne font pas avancer le débat. On regrette aussi le fait que ni l’un ni l’autre n’aient proposé de réformes sur l’immigration. La langue de bois, par crainte des réactions de l’électorat, est de mise. Pourtant, les Français ont besoin de connaître la situation réelle et surtout la position de chacun des candidats face à ce problème.