Ripostes : Allons enfants de la patrie

Télévision · 26 jan. 2007 à 13:29

Ripostes, l'émission

Dimanche 21 janvier, Serge Moati a organisé une émission sur le thème de l'identité française. En effet, ces deux dernières années ont été marquées par des événements forts : le rejet du Traité constitutionnel européen, la crise des banlieues en novembre 2005, la polémique sur la mémoire coloniale... Serge Moati a donc invité Marine Le Pen, Jean-François Copé, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Claude Tchicaya et Arlette Laguiller et la journaliste Sylvie Pierre-Brossolette pour débattre sur ce thème de l'identité française.

Que signifie être Français ?

Pour Jean-Claude Tchicaya, porte-parole du collectif Devoirs de mémoires, « il n'y a qu'une France, et à l'intérieur de cette France, il y a les dites banlieues et les quartiers. Mais le sentiment d'appartenance à la liberté, l'égalité et la fraternité est contesté de génération en génération à des personnes que l'on appelle « issues de l'immigration » parce qu'elles sont Noires ou autre ». En effet, les gens issus de l'immigration se sentent Français mais à chaque fois qu'ils cherchent du travail ou un logement, on leur signale qu'ils ne sont pas de souche française, ce qui pose évidemment problème. Cette question identitaire doit donc être au cœur de la campagne.

Pour Marine Le Pen, est Français celui qui aime la France, celui qui connaît l'Histoire française sans en rejeter des épisodes qui lui semblent peu élogieux (comprendre : la colonisation). Etre français partager une langue, des valeurs, un territoire. C'est aussi avoir le sentiment d'être un héritier et donc en tant que tel on se doit de transmettre ce patrimoine. Le problème est qu'« on a vidé la nationalité française de son contenu et donc, les gens ont besoin d'une identité, ils se tournent vers une identité soit religieuse, soit régionaliste ».

De son côté, Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement, estime que cette question identitaire est bien au cœur du débat politique. Certes… Malgré la question clairement posée, Copé ne donne pas de définition claire de ce qu'est être français.

Selon Jean-Pierre Chevènement, « depuis la Révolution française, la France est une communauté de citoyens, elle ne se définit pas comme étant une communauté de souche. Nous sommes un peuple brassé et l'on peut faire, avec tous, des Français (...) Etre Français, c'est avoir la volonté d'être Français ». Le problème vient surtout du fait que les élites sont responsables de cette situation, « elles refusent qu'à l'intérieur de la France il y ait un projet qui permettent d'orienter l'Europe ».

L'intégration : quelles solutions ?

Le grand-père de Jean-François Copé était roumain, il arrivé en France dans les années 20. A cette époque, on suivait le modèle de l'assimilation, c'est-à-dire qu'on apprenait le français le plus rapidement possible pour se fondre dans la population. Ce modèle, aujourd'hui, ne fonctionne plus. La diversité de la population oblige à trouver une autre voie : l'intégration. Copé déplore le fait que les gens n'ont pas tous la même égalité des droits et des devoirs.

Selon la définition de Marine Le Pen, « l'intégration, cela consiste à dire à celui qui vient : « Surtout, ne vous fondez pas dans la communauté nationale, restez tel que vous êtes, conservez votre culture, votre religion, votre langue, votre manière de vivre ». L'assimilation, c'est abandonner une partie de tout cela, c'est une violence. On abandonne une partie de soi pour se fondre dans la communauté nationale, et c'est parce qu'il existe ce sacrifice que la communauté nationale vous adopte d'autant plus facilement. C'est deux concepts différents, or là, on a fait un mille-feuille. On a pris des communautés et on les a agrégées les unes au dessus des autres ». Ces affirmations se vérifient, selon elle, par le fait que la langue française est en train de disparaître au profit des langues étrangères ou régionales. En Bretagne, par exemple, tout est traduit en breton, on est confronté au phénomène du bilinguisme. Elle donne un autre exemple : dans l'école de sa fille, on propose de donner des cours de langue et de culture d'origine. Or, cette idée pose justement le problème de l'intégration. Il n'est pas possible de s'intégrer si on renvoie sans cesse les gens à leur ancienne culture. C'est la meilleure façon de perdre ses repères. L'école doit être au contraire le creuset républicain.

Arlette Laguiller ne partage évidemment pas ce point de vue. Pour elle, il faut arrêter de parler d'intégration. « Le problème, aujourd'hui, c'est l'emploi, c'est le chômage. Le meilleur facteur d'intégration, c'est l'emploi, exactement comme les femmes ont pu gagner leurs droits en travaillant, et bien, c'est la même chose dans les banlieues. Les jeunes d'origine étrangère n'aspirent qu'à une chose, c'est pouvoir avoir un travail ». La diversité culturelle n'est pas un problème mais un enrichissement.

Le FN propose de « revaloriser l'identité française » grâce au concept de « préférence nationale » qui a pour vocation de s'appliquer à tous les Français. Comme la nationalité s'hérite ou se mérite, il n'est pas question de naturaliser les étrangers de façon automatique. Il faudrait donc rendre aux Français la préférence nationale au logement, à l'emploi et aux allocations familiales. Quant aux étrangers, en situation régulière : en France, il n'y a pas de travail, dans ce cas, la France ne peut subvenir à leurs besoins. Ils doivent rentrer dans leur pays ou se débrouiller par eux-mêmes. Jean-François Copé rappelle qu'il y a de nombreux emplois non pourvus et l'immigration choisie, comme le propose Nicolas Sarkozy, permettrait de trouver des employeurs. Pour Marine Le Pen, la priorité revient aux Français. Pour elle, il est scandaleux de faire venir de l'étranger des gens qui accompliraient des tâches que les Français ne veulent pas faire parce qu'elles sont pénibles et mal rétribuées. Arlette Laguiller s'insurge contre l'idée du « pauvre immigré ». Elle répond à Marine Le Pen qui refuse de prendre en considération les étrangers en situation irrégulière : « à chaque fois que l'on parle de l'identité française, on nous remet l'immigration clandestine. On dirait que les immigrés clandestins sont des délinquants, or ce sont des travailleurs, dans ce pays. Ils ne seraient pas clandestins, si on leur donnait des papiers ». La solution serait donc pour Arlette Laguiller de donner du travail aux étrangers et surtout la possibilité de pouvoir voter.
Jean-François Copé propose donc trois solutions permettant une meilleure intégration des étrangers : d'abord, il faudrait casser les ghettos, mixer les populations, ensuite tenir un discours républicain : que tout le monde ait les mêmes droits et devoirs. Enfin, il propose à chaque Français d'observer la manière dont fonctionnent les autres pays.

Le débat a-t-il fait avancer la réflexion ?

Au final, on est légitimement en droit de se demander si le débat a fait avancer la réflexion. En effet, chaque invité donne sa définition de l'identité française, propose ses solutions. S'ils s'écoutent les uns les autres, c'est uniquement pour dénier ou parfois appuyer un propos. Mais aucun des invités n'est revenu sur ses dires, n'a fléchi. Quant aux solutions, elles sont bien maigres : du travail pour Arlette Laguiller et Chevènement, la fin des ghettos pour Copé, la préférence nationale pour Marine Le Pen. Le débat est loin d'être clos.

Commentaires