Vidéos · 18 fév. 2007 à 11:32
Jeudi 15 février 2007, la direction de France Télévisions a annoncé la mise à l'écart d'Alain Duhamel qui aurait pris publiquement position pour François Bayrou, dans une vidéo qui circule sur internet depuis plusieurs jours. Or, un journaliste politique se doit d'afficher une certaine neutralité afin de ne pas être soupçonné de complaisance à l'égard d'un homme politique. Dès que France 2 a pris connaissance de la vidéo, la direction a décidé de suspendre Alain Duhamel. Ses chroniques sur RTL sont également interrompues le temps de la campagne présidentielle. Cette histoire amène deux questions :
On s'était déjà posé la question pour la vidéo de Ségolène Royal sur les profs. Ici, le problème est le même. Diffuser une vidéo sur internet pose un problème éthique à la fois dans le procédé et dans l'instrumentalisation qui en est faite. On peut légitimement dénoncer la mise en ligne de vidéos diffusées sans autorisation des principaux acteurs. Par ailleurs, la mise en ligne de telles vidéos a pour but de nuire à l'intéressé. Dans les deux cas, celui de Ségolène Royal et celui d'Alain Duhamel, Internet est instrumentalisé et exerce un pouvoir de nuisance très puissant. Dès lors, que faire ? Diffuser la vidéo et participer à ce lynchage ou ne pas la diffuser et passer sous silence une information ? En réalité, le problème n'est pas de savoir s'il faut diffuser ou pas, sauf si les images sont dégradantes ou humiliantes, mais plutôt de savoir ce qu'on veut en faire. Or, dans le cas de la vidéo de Duhamel, la déformation des propos et les raccourcis faits par les médias sont suspects.
Le principal problème de cette histoire est là : au cours de son intervention dans l'Amphithéâtre de Sciences Po, Alain Duhamel porte un regard critique sur le début de campagne de François Bayrou. Pendant de longues minutes, il critique la stratégie du candidat de l'UDF et justifie ses critiques par des arguments de fond. Ce n'est qu'au détour d'une phrase, dans un aveu lâché spontanément, qu'Alain Duhamel déclare : "En ce qui concerne l'Europe - je le dis d'autant plus que c'est quelqu'un que j'aime bien et que je voterai pour lui pour dire les choses, je n'ai pas d'hostilité de principe - mais j'ai été très déçu par sa campagne pour le référendum européen."
Nul doute qu'il aurait du s'abstenir de faire cet aveu devant ces étudiants UDF. Mais cette vidéo, cette phrase lâchée est loin de la réalité décrite par les médias et résumée ainsi de manière malhonnête : "Alain Duhamel soutiendra François Bayrou".
Il est de notoriété publique que la plupart des journalistes politiques entretiennent des relations étroites avec les hommes politiques. Certains s'interdisent tout contact en dehors des plateaux de télévision, d'autres jouent de cette proximité pour obtenir des informations confidentielles, ou des impressions confiées en "off" c'est-à-dire qui n'ont pas vocation à être publiées. De plus, ces journalistes politiques sont aussi des électeurs et même s'ils n'ont pas à afficher leur soutien, l'objectivité d'un individu n'est qu'apparente. Finalement, le plus important n'est pas une objectivité qui ne serait qu'illusoire mais l'esprit critique exercé par des journalistes qui sont de toute façon des êtres subjectifs, comme tout le monde.
A cet égard, après plus de 30 ans de journalisme politique, on peut difficilement mettre en doute l'intégrité et le professionnalisme d'Alain Duhamel. Pour cette raison, le procès d'intention qui lui est fait est d'une hypocrisie totale et relève d'une malhonnêteté intellectuelle.
Pour étayer cette démonstration et ne pas participer à la déformation de la réalité opérée par les médias, voici la vidéo dans son intégralité :