Zapping radio · 13 mar. 2007 à 21:50
Après les propos scandaleux et antisémites de Raymond Barre tenus lors d'une interview sur France Culture le 1er mars dernier, Olivier Duhamel a fait une chronique alarmiste, mettant en garde tous ceux qui minimiseraient l'incident.
Raymond Barre a commencé par défendre le bras droit de Le Pen, Bruno Gollnisch, élu FN au conseil municipal de Lyon, condamné pour propos négationnistes, en déclarant : « J'ai dit en parlant de Bruno Gollnisch que je blâmais ce qu'il avait dit mais que pour le reste, je l'avais connu et que c'était un homme bien ». Il a également pris la défense de Maurice Papon, condamné en 1998 pour complicité de crime contre l'humanité pour son rôle dans la déportation de Juifs sous l'Occupation et a affirmé qu'il était alors un « grand commis de l'Etat ».
Enfin, il a maintenu les propos tenus après l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic, en 1980, à Paris. Il avait alors distingué la triste perte des «Français innocents» à cause de « juifs coupables ». A l'antenne, il met encore en cause le fait que « ceux qui voulaient s'en prendre aux Juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs. Mais pas du tout, ils font un attentat aveugle et il y a trois Français, non juifs». Et sur France Culture, vingt-sept ans plus tard, de mettre en cause un « lobby juif ».
Pourquoi Raymond Barre, ancien Premier ministre centriste, a-t-il pris la défense d'un leader du Front national en pleine campagne électorale ?
Selon Olivier Duhamel, l'ancien Premier ministre a dérapé sur trois points.
D'abord, il évoque un « lobby juif » alors que jamais il n'a mis en cause de lobby catholique, protestant ou musulman. Le chroniqueur estime que ces propos relèvent de la présomption d'antisémitisme.
Ensuite, il revient sur la répression sauvage de la manifestation de la rue de Charonne le 8 février 1962. On aurait rendu responsable Papon de ce drame sous prétexte qu'il était préfet de police. Ce jour-là, en effet, des milliers de personnes défilaient dans la rue pour la paix en Algérie et contre l'OAS. Le rassemblement était interdit et Maurice Papon mit donc en oeuvre une répression violente des forces de l'ordre faisant plusieurs morts et des centaines de blessés. De même, Raymond Barre, quand on lui demande s'il ne regrette pas, rétrospectivement, d'avoir nommé Maurice Papon ministre du Budget entre 1978 et 1981, il déclare au contraire qu'il « était un grand commis de l'Etat » et qu'il a « payé surtout à cause de Charonne, le reste c'était un alibi ». Et Olivier Duhamel d'annoncer la troisième étape franchie : l'éloge d'un homme condamné pour complicité de crime contre l'humanité. En effet, il estime que si Maurice Papon a organisé la déportation des juifs, c'était pour « faire fonctionner la France » et que « Quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou à plus forte raison dans le pays on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur ». Donc, pour Raymond Barre, le refus de collaborer avec les nazis ne relève pas d'un intérêt majeur.
Pour Olivier Duhamel, Raymond Barre a profané des infamies. Le problème, c'est que les réactions dans le monde politique ont été lentes et peu nombreuses. Cela en dirait long sur l'antisémitisme latent en France aujourd'hui. Il est choquant d'entendre ou de lire des propos anti-juifs et de rester silencieux ou indifférents.
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Sur le web
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