Télévision · 14 mar. 2007 à 19:39
Lundi 12 mars 2007, l'émission "Mots Croisés" présentée par Yves Calvi était consacrée à la campagne électorale : « Présidentielles : rien n'est joué ! ». Le débat a débuté sur la percée de François Bayrou. Il est crédité de plus de 20% d'intentions de voix. Mais qui sont les électeurs de François Bayrou ? Et pourquoi veulent-ils voter pour lui ?
Nicolas Domenach, directeur adjoint de la rédaction de Marianne, s'est rendu à plusieurs meetings de François Bayrou et a rencontré de nombreux sympathisants de l'UDF mais aussi les nouveaux électeurs, séduits par le discours du candidat centriste. Il distingue ces nouveaux électeurs en quatre groupes.
1. Tout d'abord, il a rencontré de nombreux électeurs votant à gauche ou à l'extrême gauche et pensant que pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, le candidat le plus efficace est François Bayrou. Autrement dit, pour empêcher Sarkozy de devenir président, il faudrait voter Bayrou dès le premier tour. Ce serait en quelque sorte le nouveau vote utile.
2. Il y a ensuite des militants PS déçus de la tournure de la campagne de Ségolène Royal. Celle-ci a remporté les primaires socialistes en affichant des propositions inhabituelles sur le rôle de l'armée pour encadrer les jeunes délinquants, sur la carte scolaire ou encore en critiquant les 35 heures. Depuis qu'elle a été désignée candidate officielle du PS, Ségolène Royal a dû prendre en compte le programme du PS et a même rappelé à ses côtés les éléphants du PS. Elle a donc perdu de sa singularité.
3. Parmi ceux qui pourraient voter Bayrou, on trouve aussi des militants de l'UMP qui sont inquiets par Nicolas Sarkozy, qui représente une droite dure, surtout depuis ses propos sur l'immigration et l'identité nationale.
4. Enfin, au cours des meetings de François Bayrou, Nicolas Domenach a rencontré des sympathisants frontistes qui assimilent désormais Le Pen au système. Jean-Marie Le Pen a toujours eu ce rôle de contestateur. Il est arrivé au second tour en 2002, mais cela n'a rien changé. Il s'est donc banalisé en étant un contestataire du système tout en en faisant partie puisque sa première candidature à l'élection présidentielle remonte à 1974.
Comment expliquer que Bayrou récupère autant d'électeurs si différents ? En réalité, Domenach explique que depuis le début de la campagne, l'élection est une sorte de course à celui ou celle qui incarnera mieux l'anti-système. Le système, ce serait Chirac, la politique à l'ancienne, la langue de bois, l'incapacité des hommes politiques à agir. Il faut donc une candidature anti-système et ils se sont tous présentés comme ça : la rupture de Sarkozy, la révolution Royal, et Le Pen qui a toujours été dans cette posture. Sauf que dans cette stratégie de campagne, c'est François Bayrou qui incarne mieux l'anti-système. Il s'est montré le meilleur en portant la contestation, au départ, au sein du TF1 sur les puissances médiatiques et les puissances de l'argent qui auraient déjà choisi leurs candidats de second tour, Royal/Sarkozy. Sa stratégie a donc très bien fonctionné.
Dans un deuxième temps, Bayrou a attaqué ses adversaires sur le thème du manque de sincérité, pour ne pas dire le mensonge des autres candidats qui multiplient les promesses électorales alors même que la dette n'a jamais été aussi élevée. Du coup, son programme est assez mince, mais ça fonctionne bien. Le raisonnement des électeurs seraient le suivant : s'il ne promet pas beaucoup, alors au moins, cela signifie qu'il est honnête, qu'il ne ment pas.
Il a donc gagné la bataille d'image, celle de l'authenticité, notamment en raison de ses origines qu'il met constamment en avant : il a vécu dans un village des Pyrénées et possède une exploitation agricole. Ce n'est donc pas le candidat du système, le candidat du petit milieu parisien mais le candidat de la province. Personne ne l'a vu venir. Tous les hommes politiques et les médias l'ont méprisé au départ comme il l'avait été en 2002 avec son bus au colza. Sauf qu'en plaçant le cœur de la campagne sur la dénonciation d'un système politique dépassé, c'est François Bayrou qui s'en sort le mieux sur ce registre, d'après les derniers sondages.
Pour Elie Cohen, économiste et professeur à Sciences Po, François Bayrou est un candidat anti-système conformiste. Dans ces discours, il s'en prend aux 100 000 personnes qui ont tous les pouvoirs : le pouvoir économique, financier, le pouvoir de l'information et il veut être le candidat des sans voix, des sans pouvoir.
En même temps, son programme est très modéré. Il envisage de dépenser 22 milliards d'euros grâce à 22 milliards de recettes financées par des économies et la suppression de niches fiscales qui permettent à certains d'échapper à l'impôt.
Sa politique économique consiste à vouloir favoriser les très petites entreprises en récupérant ce qui est donné aux plus grandes entreprises. Mais en retirant des subventions aux uns, pour les donner aux autres, l'opération risque d'être nulle. Il pourrait même détruire de l'emploi d'un côté pour en créer de l'autre. Par conséquent, cette mesure économique n'aurait aucun effet.
On a souvent reprocher aux hommes politiques de ne pas faire ce qu'ils ont dit pendant la campagne lorsqu'ils sont au pouvoir. C'est ce qu'on appelle les fameuses promesses. Bayrou a dénoncé les promesses de ces adversaires. Lui ne dilapide pas l'argent public, il le répartit différemment.
Selon Elie Cohen, Bayrou est le seul à se fixer des objectifs très modérés de croissance de la dépense publique. Il est le seul à se donner des contraintes de cohérence que les autres n'appliquent pas : baisser la dette, les impôts et faire des promesses coûteuses.
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Sur le web
- Site web de l'émission Mots Croisés sur France 2