Questions d'actualité · 13 avr. 2007 à 19:12
Michel Rocard, ancien Premier ministre socialiste, a publié une tribune dans le journal Le Monde dans laquelle il appelle François Bayrou et Ségolène Royal à s'allier sous peine de voir une victoire de Nicolas Sarkozy. François Bayrou s'est aussitôt réjoui de cette démarche, les socialistes ont quant à eux rejeté toute alliance avec l'UDF. L'UDF de François Bayrou est un parti de centre-droit appartenant à ce qu'on appelle la social-démocratie. Le Parti Socialiste est un parti de gauche qui cherche son identité entre socialisme réformisme (François Hollande) et social-démocratie (Dominique Strauss-kahn).
Toute la question est de savoir quelles sont les différences entre le socialisme et la social-démocratie ? Ces deux courants peuvent-ils se rapprocher en France ?
Le socialisme est un courant de pensée apparu au XIXe siècle en Europe qui s'oppose au capitalisme. L'objectif du socialisme est d'instaurer une société plus juste, le collectif, la société prime sur l'individu. Au début du XXe siècle, le socialisme se divise en deux camps principaux : ceux qui souhaitent une révolution et renverser le système capitaliste, notamment par la force, et ceux qui veulent réformer la société capitaliste de manière progressive en accédant au pouvoir par les élections. De là sont nés le communisme et le socialisme réformiste.
Le Parti socialiste se revendique encore aujourd'hui du socialisme réformiste. En 2002, quand Lionel Jospin avait déclaré que son programme présidentiel n'était pas socialiste, il avait été fortement critiqué. Comment pourrait-on définir le socialisme français en deux mots ? On pourrait caractériser ce socialisme par l'importance accordée au conflit social comme moyen de pression efficace pour changer la société et par le rôle accru de l'Etat dans le domaine économique. L'interventionnisme étatique et les luttes sociales font partie de la culture socialiste.
Le terme de social-démocratie fait référence aux mouvements socialistes du Nord de l'Europe et du Royaume-Uni. Les partis sociaux-démocrates sont étroitement liés aux organisations syndicales ce qui explique l'importance pour les sociaux-démocrates de recourir à la négociation, à la concertation avec les syndicats, les patronats pour réformer la société. Les sociaux-démocrates n'ont pas cette culture de lutte sociale comme peut l'avoir le socialisme français.
Plusieurs événements sont venus bousculer les mouvements socialistes et sociaux-démocrates. Avec la mondialisation, la hausse du chômage, les limites des politiques de relance de la demande en faveur du salarié, l'endettement de l'Etat qui est un frein à son interventionnisme dans le domaine économique, les mouvements socialises et sociaux-démocrates ont du revoir leur programme politique.
Dans les différents pays européens, les sociaux-démocrates se sont convertis au "social-libéralisme" qui consiste à accepter le libéralisme (liberté d'entreprendre, diminution du rôle de l'Etat) tout en corrigeant les dérives grâce aux aides de l'Etat en période de chômage par exemple. Ainsi, en Angleterre, Tony Blair a mis en place une politique social-libérale en privatisant une grande partie des secteurs d'activité, en augmentant l'âge de la retraite, en diminuant les impôts pour libérer l'activité. L'Etat joue désormais un rôle secondaire dans l'économie.
En France, cette tendance blairiste est rejetée par les socialistes.
François Bayrou est un social-démocrate qui souhaiterait passer une alliance avec les socialistes. Ces derniers refusent. On peut avancer plusieurs explications liées à l'histoire de ces deux tendances et au contexte politique du moment.
Historiquement, en France, le PS a toujours rejeté les tendances sociale-démocrates en Europe même si un dirigeant comme Dominique Strauss-Kahn se revendique de ce courant. Cette réticence est liée à l'importance de l'Extrême gauche en France. Les socialistes ont donc un discours plus à gauche que les autres partis sociaux-démocrates européens.
Politiquement, cette alliance semble également difficile en raison de la culture politique de l'UDF. Ce parti de centre-droit a été fondé par Valéry Giscard d'Estaing. Si François Bayrou a affiché une volonté d'indépendance à l'égard du grand parti de droite, l'UMP, il n'en reste pas moins que l'UDF a toujours passé des alliances avec la droite. La bipolarisation est trop forte en France si bien que François Bayrou est régulièrement invité à clarifier sa position, s'il incline plutôt à gauche ou à droite. Pour des raisons tactiques, il entretient le flou.
Par conséquent, socialisme et social-démocratie sont deux courants différents historiquement et culturellement. Le Parti Socialiste n'a pas encore accepté de suivre la tendance social-démocrate en Europe en maintenant des positions plus à gauche sur certaines questions. Mais l'appel de Michel Rocard, ancien Premier ministre, à une alliance PS/UDF, le risque de voir une victoire écrasante de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle de 2007 pourraient changer la donne.
Articles de Politique.net
- Biographie de François Bayrou
- Biographie de Ségolène Royal
- Biographie de Michel Rocard
- La naissance du Parti Socialiste
- La droite divisée : création du RPR et de l'UDF