Télévision · 18 avr. 2007 à 16:11
En 1981, l'alternance possible avec la victoire de la gauche était l'événement majeur de la campagne. En 1988, Mitterrand avait fait campagne sur la France unie. En 1995, le thème de campagne était la "fracture sociale" de Jacques Chirac. En 2002, la campagne s'est jouée sur les questions d'insécurité. Et 2007 ? Il y a d'abord eu le pacte écologique de Nicolas Hulot, les impôts, l'ISF, les polémiques du Canard Enchaîné, le pouvoir d'achat, le travail, l'identité nationale, l'immigration, l'insécurité. Pourquoi ce zapping ? Pourquoi aucun thème ne s'est imposé ? Les invités de l'émission d'Yves Calvi, C dans l'air, ont tenté de répondre à ces questions le 12 avril dans une édition intitulée "Votez pour moi".
Dominique Reynié, politologue, s'étonne de l'absence de thème majeur dans cette campagne présidentielle étant donné que les préoccupations des Français sont toujours les mêmes : emploi, santé, éducation, retraites. Les candidats ont abordé ces thèmes mais en surface sans qu'ils parviennent à traiter en profondeur l'un de ces thèmes. De nombreux sujets ont même été occultés comme celui du développement durable, à peine abordé avec le pacte écologique de Nicolas Hulot, les questions internationales, la manière de résorber l'endettement de l'Etat, etc.
Jean-François Kahn, directeur du magazine Marianne, estime que ce zapping est du en grande partie à la manière dont les médias ont abordé cette campagne présidentielle. A l'origine, le rôle du président de la République est de proposer un projet global, une vision de la France, les grandes lignes d'un projet politique. La proposition et l'application de mesures concrètes sont normalement du ressort d'un Premier ministre et d'un gouvernement nommés en fonction du résultat des élections législatives.
Or, sous la pression des médias, les candidats à l'élection présidentielle sont contraints de présenter des mesures précises, qui auparavant étaient faites lors des élections législatives. Un candidat à l'élection présidentielle devrait donc avoir une vision de la France mais celle-ci est noyée cette année par l'accumulation des petites propositions des candidats.
Par ailleurs, l'impatience des médias expliquerait qu'au bout de deux semaines, les journalistes ironisent sur l'absence d'idées nouvelles des candidats. Ces derniers se retrouvent alors contraints de faire de nouvelles propositions comme le contrat première chance de Ségolène Royal ou la proposition de TVA sociale de Nicolas Sarkozy. Non seulement, ils ont donc un programme très précis, mais ils sont obligés de sortir de nouvelles mesures tous les quinze jours. Ceci contribue à faire de cette campagne, une campagne zapping.
Puisque les candidats sont contraints à faire des propositions précises, tous les lobbies veulent que les candidats se prononcent sur tous les sujets : Nicolas Hulot les interpelle sur l'écologie, le collectif AC le feu exige la signature de leur pacte pour la banlieue, le magazine Elle organise une journée sur la question des femmes, les candidats sont invités à participer à des colloques pour s'exprimer sur des sujets pointus.
L'impression de passer sans cesse d'un sujet à l'autre est liée également à la volonté des candidats d'avoir réponse à tout. Aucun des candidats à l'élection présidentielle n'a osé affirmer que sur telle question pointue, il n'avait pas la réponse. Or, il est normal qu'un homme ou une femme politique ne sache pas tout sur tout. Selon Jean-François Kahn, ils devraient avoir le courage de rappeler qu'il s'agit de tracer des perspectives et que c'est au gouvernement de les mettre en application dans le détail.
Le problème est que les responsables politiques refusent systématiquement d'admettre qu'ils n'ont pas réponse à tout pour la simple raison qu'à la première hésitation, les médias stigmatisent leur ignorance d'où les fameuses "bourdes" de campagne. Dans ce cas de figure, la pression des médias est extrêmement forte.
Selon Bruno Dive, journaliste au quotidien Sud-Ouest, cette campagne présidentielle n'est pas tout à fait une campagne zapping. Il a relevé un thème constant : la question de l'identité. Ce n'est pas simplement l'identité nationale de Nicolas Sarkozy. Rarement des hommes politiques ont fait autant de références historiques dans leur discours (Blum, Jaurès), Nicolas Sarkozy revient souvent sur le thème de la repentance sur les sujets historiques délicats comme la colonisation. Cette question d'identité joue un rôle important au point que Ségolène Royal, après avoir fortement critiqué la proposition de Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l'immigration et de l'identité nationale, s'est empressée de reprendre à son compte la thématique du drapeau français.
Ces thèmes sont liés à des difficultés à se projeter dans l'avenir. Le Non au référendum européen en 2005 reflète cette peur d'ouverture aux autres, d'où l'agitation d'épouvantail comme "le plombier polonais" qui viendrait prendre des emplois. L'élection de 2007 place donc de manière centrale, du moins en cette fin de campagne, la question de l'identité ce qui n'est pas sans risque, Nicolas Sarkozy affirmant dernièrement que le Christianisme était un élément déterminant de l'identité nationale, quitte à exclure tous les autres.
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