Télévision · 14 mai 2007 à 21:04
Le "Modem" de François Bayrou pourrait n'avoir aucun député. Selon les derniers sondages, des candidats du nouveau parti de François Bayrou pourraient se maintenir au second tour des Législatives dans seulement 50 circonscriptions sur 577. Et le Modem n'en gagnerait que 2 ou 3 ou pourrait même toutes les perdre. D'un groupe de 29 députés, l'UDF-Mouvement Démocrate pourrait disparaître de l'Assemblée Nationale. Comment expliquer ce retournement de situation alors que François Bayrou a réuni 18,5% des voix au premier tour de l'élection présidentielle il y a 3 semaines ? Les invités d'Yves Calvi pour C dans l'air ont répondu à toutes ces questions.
Selon Gérard Grunberg, du centre d'étude de la vie politique française, le pari de Bayrou était d'arriver au second tour de l'élection présidentielle. A partir du moment où il n'y est pas, tout devient difficile pour lui. Les députés UDF sortants veulent se faire réélire. Ils ont donc opté pour une alliance avec Nicolas Sarkozy car, en 2002, ces députés ont été élus avec les voix de la droite.
Pour se maintenir au second tour des élections législatives, il faut obtenir 12% des voix. Par conséquent, la probabilité des candidats du "Modem" de se maintenir au second tour est faible. Quant aux chances de gagner, elles sont encore plus faibles.
François Bayrou mène en quelque sorte le second round après 2002. Au lendemain de la victoire de Jacques Chirac, l'UDF de Bayrou avait tenu face à la création de l'UMP. Les fidèles de François Bayrou étaient restés et l'UDF avait réussi à maintenir 29 députés sur les 113 députés sortants aux législatives.
En 2007, sur ces 29 députés, 24 ont rejoint l'UMP. Malgré la création du Mouvement Démocrate, François Bayrou apparaît encore plus isolé qu'en 2002. Beaucoup de députés ont cru à sa victoire à l'élection présidentielle. Mais face à la réalité du paysage politique au lendemain du premier tour, la plupart des derniers fidèles l'ont lâché.
Selon Eric Dupin, journaliste, Bayrou croit que ses 18,5% sont une base d'appui pour construire une base politique nouvelle. Or, un vrai centre, un centre pur, c'est "un point" dans l'espace politique. S'il veut être plus large, il faut un espace : c'est le centre droit, le centre ou le centre gauche". Les 18,5% sont une addition du centre droit qui avait peur du programme de Nicolas Sarkozy, du centre gauche qui rejetait la candidature de Ségolène Royal au PS, et d'un vrai centre "ni droite, ni gauche". Au deuxième tour, le centre droit a basculé à droite, le centre gauche a basculé à gauche, et une minorité des électeurs de François Bayrou s'est abstenue. C'est donc en fonction de cette analyse que les députés UDF ont décidé de quitter François Bayrou.
Eric Dupin considère qu'au premier tour de la présidentielle, François Bayrou n'a remporté qu'une victoire d'un jour en profitant d'une mauvaise candidate de gauche et d'un candidat de droite qui a un positionnement politique très à droite. Il a donc profité d'un contexte politique favorable. Mais ce positionnement n'est pas tenable dans le cadre d'élections législatives à deux tours qui favorisent la bipolarisation de la vie politique.
Selon Christophe Barbier, c'est impossible à cause du financement des partis politiques. L'Etat finance les partis politiques en fonction des résultats aux élections législatives. Les résultats à ses élections déterminent le budget d'un parti pendant 5 ans. Or, le dépôt des candidatures doit être fait le 18 mai. Le laps de temps est donc trop court pour une refondation politique en profondeur.
Par ailleurs, pour créer un grand parti social démocrate, il faudrait un chef incontestable. Or, il y a au moins 2 prétendants à ce poste : Dominique Strauss-Kahn et François Bayrou. Si Bayrou prend le risque de perdre tous ses soutiens, notamment les députés UDF sortants, c'est pour faire une OPA sur l'opposition et être l'opposant numéro 1 pendant 5 ans de Nicolas Sarkozy. Il compte sur l'effondrement du PS pour être dans cette configuration.
François Bayrou a tenté une aventure politique avec des fidèles. Et cette aventure est sur le point de se transformer en une longue traversée du désert solitaire.
Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde, explique que François Bayrou est persuadé qu'il a un destin national. Au deuxième tour de la présidentielle, il aurait pu lancer une offre aux deux candidats, se ralliant à celui ou celle qui accepterait ses conditions. Au lieu de cela, il a choisi une stratégie rebelle en refusant de choisir publiquement. Il s'est donc volontairement isolé en se coinçant entre l'UMP et le PS. Il fait donc un pari sur l'avenir, pour 2012, car il a toujours cru en son destin personnel. Mais en attendant 2012, il faudrait que son nouveau parti réussisse les Législatives.
Selon les derniers sondages, les candidats du Mouvement Démocrate pourraient se maintenir au second tour des Législatives dans moins de 50 circonscriptions. Et dans ces circonscriptions, les députés sortants seraient en position de force selon Raphaëlle Bacqué. Autrement dit, il n'est pas à exclure que le Mouvement Démocrate ne parvienne qu'à maintenir 2 ou 3 députés quand le groupe UDF en comptait 29.
De l'avis général, François Bayrou est donc dans une situation très délicate. Il considère qu'il peut profiter de l'affaiblissement du PS qui restera socialiste et que lui pourra fédérer les sociaux-démocrates. C'est un pari que les invités de C dans l'air considèrent qu'il est en train de perdre.
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