Télévision · 28 mai 2007 à 18:35
Ingrid Betancourt, franco-colombienne, est otage des FARC depuis le 23 février 2002. Depuis plus de 5 ans, elle vit dans la forêt amazonienne, en Colombie, non loin de la frontière brésilienne. Nicolas Sarkozy a fait de la libération d'Ingrid Betancourt une priorité. Yves Calvi a consacré une émission de C dans l'air à Ingrid Betancourt notamment en présence de sa fille pour comprendre les coulisses et les enjeux de cette prise d'otage hors norme.
Dossier complet :
1. Colombie, le pays aux 30 000 otages
2. Ingrid Betancourt, une preuve de vie après 4 ans de silence
3. La vie quotidienne des otages dans la jungle
4. Qui sont les FARC ?
5. Quelles sont les conditions posées par les FARC à la libération d'Ingrid Betancourt ?
6. Une rançon a-t-elle été demandée à la famille d'Ingrid Betancourt ?
7. Le président colombien mène une politique de fermeté
8. Le rôle ambigüe des paramilitaires contre les FARC
9. Les relations entre le président colombien et la famille Betancourt
10. Les difficiles négociations entre Nicolas Sarkozy et le président colombien
En Colombie, il y a toute une économie qui tourne autour de la sécurité. Dans ce pays, il y aurait huit gardes du corps pour un policier en moyenne. Des milliers de voitures blindées sont vendues chaque année. Des vestes blindées, des gilets par balle sont en vente. Depuis 10 ans, 30 000 personnes ont déjà été prises en otage. La nuit, à Bogota, les voitures ne s'arrêtent plus au feu rouge pour éviter les attaques. Aujourd'hui, environ 3000 otages sont encore dans la jungle. Chaque semaine, deux enfants sont pris en otage.
La prise d'otage fait partie de la vie quotidienne en Colombie si bien que la mobilisation pour libérer ceux qui sont dans la jungle a eu tendance à s'affaiblir ces derniers temps en raison d'une certaine lassitude de la population. La famille fait tout pour maintenir la mobilisation pour la libération d'Ingrid Betancourt. C'est une course contre l'oubli, pour la vie. En Colombie, Ingrid Betancourt est une otage parmi d'autres. Des anciens ministres, des soldats, des policiers sont également séquestrés. Mais face à l'indifférence, les proches d'Ingrid Betancourt craignent qu'elle finisse par craquer après toutes ces années.
La fille d'Ingrid Bétancourt, Mélanie Delloye explique qu'elle n'avait pas eu de preuve de vie de sa mère depuis 4 ans. Un ex-otage a réussi à s'évader le 28 avril après avoir été séquestré pendant plus de 8 ans et demi. Pour la première fois, quelqu'un peut donc témoigner du quotidien d'Ingrid Betancourt. Ce témoignage permet de savoir qu'elle est en vie. L'ex-otage l'a vu le jour de son évasion. Il avait passé 2 ans et 9 mois auprès d'Ingrid Betancourt.
Après plus de 4 ans de silence, la famille d'Ingrid Betancourt avait demandé aux FARC une preuve de vie en décembre 2006. Mais ils n'avaient pas répondu favorablement. Ils n'ont pas voulu donner des signes de vie à la famille. Ce lourd silence peut s'expliquer par l'isolement de son lieu de détention. Mais ce n'est pas une justification suffisante. En réalité, il semble qu'Ingrid Betancourt fait partie d'un groupe d'otage qui est détenu par la partie la plus dure de la guérilla des FARC. C'est donc la branche la plus extrême qui la détient car les plus FARC plus modérés donnent des nouvelles aux familles d'otage.
Jhon Pinchao, le policier qui s'est évadé fin avril après plus de 8 ans dans la jungle, a pu témoigner du quotidien des otages. Ils dorment sur des paillasses, ils ont accès à la radio, parfois à de vieux journaux. Ingrid Betancourt a pu entendre à la radio les appels à la libération prononcés par ses enfants. La radio reste son principal lien avec le reste du monde.
Les otages bénéficient de soins médicaux, Ingrid Betancourt a notamment été soigné pour une hépatite l'année dernière. Elle serait aujourd'hui en bonne santé. Mais, les soins médicaux sont forcément limités dans la jungle.
Enfin, selon Jhon Pinchao, Ingrid Betancourt a essayé de s'évader cinq fois, elle a subi des représailles suite à ces évasions ratées. Les conditions de vie sont difficiles et Jhon Pinchao pense que ces compagnons d'infortune sont en train de payer le prix de son évasion.
Les Forces Armée Révolutionnaires Colombiennes sont nées dans des régions agricoles dans les années 1940-1950. Il s'agissait de paysans qui voulaient défendre leur terre. C'était donc une logique communautaire. Aujourd'hui, la plupart des dirigeants des FARC ont donc des origines rurales.
Dans les années 1980, les FARC se tourner vers le trafic de drogue pour se renforcer et financer leurs activités. Les ressources vont considérablement augmenter, les effectifs de la guérilla vont suivre. La formation va se diversifier, le recrutement va rendre ce groupe plus hétérogène, moins structuré politiquement. Malo Landa est le dirigeant historique des FARC. Mais pour les jeunes qui s'engagent dans les FARC, la figure de ce dirigeant paysan historique, a beaucoup moins d'importance.
En se développant, la guérilla s'est disséminée un peu partout dans le pays. Ceci a eu pour conséquence d'affaiblir les liens internes au sein de l'organisation et ces liens s'affaiblissent encore. Des fronts régionaux peuvent donc prendre des décisions qui ne sont pas validées par la direction. Dans ce contexte, il apparaît de plus en plus difficile de pouvoir négocier avec les FARC.
Ils ont toujours fait la même demande depuis 5 ans : les FARC souhaitent que deux communes du Sud-Ouest de la Colombie soient démilitarisées. Il s'agit des communes de Florida et de Pradera, situées au sud-ouest de la Colombie. C'est une zone d'un peu moins de 800 km². Cette zone serait démilitarisée, encadrée par les armées des trois pays qui oeuvrent activement à la libération des otages (France, Suisse, Espagne). La sécurité des FARC et des représentants du gouvernement colombien serait donc assurée par des armées étrangères. Cette démilitarisation durerait de 3 semaines à un mois, le temps des négociations.
Mais pour un Etat souverain, mettre entre parenthèse une partie de son territoire n'est pas une demande anodine. Au début, les FARC réclamaient la démilitarisation de deux départements entiers, ils ont donc réduit leur exigence à deux communes. Dans l'histoire en Colombie, la démilitarisation de zone pour négocier a déjà eu lieu dans les années 1980 et les années 1990.
Sébastien Deurdilly, journaliste pour C Dans l'air, précise que la démilitarisation d'une zone est le point de blocage pour le gouvernement et le peuple colombien. Les FARC sont rebelles, des trafiquants de drogue, la Colombien produisant l'essentiel de la cocaïne du monde entier. Les FARC sont classés comme groupe terroriste par les Etats Unis et l'Union Européenne.
La fille d'Ingrid Betancourt affirme que non. Elle aurait d'ailleurs préféré qu'il y en ait une pour pouvoir la payer. Or, pour l'instant, les FARC ont des revendications politiques pour les otages les plus médiatisés. Ils veulent libérer les 500 prisonniers FARC retenus par le gouvernement. La famille Betancourt est donc entièrement dépendante du gouvernement et du président Uribe pour l'ouverture éventuelle de négociations.
En revanche, une solution armée est très risquée pour les otages. En mai 2003, l'armée colombienne est intervenue pour tenter de libérer les otages. L'opération s'est soldée par l'exécution de 2 otages politiques et 8 policiers.
Le gouvernement colombien considère qu'on ne peut pas mettre sur le même plan, une démocratie de 44 millions d'habitants et 15 000 rebelles, trafiquants de drogue et terroristes. Tant que le président Uribe sera au pouvoir, des négociations seront difficiles. Il a été réélu en 2006, il est donc au pouvoir jusqu'en 2009.
Le président Uribe s'est présenté aux élections sur un message de fermeté et a fait de cette confrontation avec les FARC une priorité. Il s'est donc fait réélire sur une ligne dure, d'opposition frontale, il n'y a donc pas de négociations possibles. Depuis 2002, Uribe a obtenu de vrais résultats en terme de sécurité dans son pays et il s'est fait réélire essentiellement sur cette ligne politique avec un certain succès. Il apparaît donc peu probable qu'il revienne sur ses positions.
Il existe des groupes paramilitaires qui se sont constitués dans les années 1980 contre la guérilla des FARC, extrême gauche. Ces organisations paramilitaires ont attaqué les militants des FARC mais aussi, d'une manière plus générale, les personnalités de gauche, des militants des droits de l'homme. Plus récemment, ces organisations paramilitaires ont pris une dimension politique, en affichant leurs revendications.
Le président Uribe a négocié avec les paramilitaires. Or, ces organisations paramilitaires sont également considérées par les Etats-Unis et l'Union Européenne comme des organisations terroristes. Uribe n'hésite donc pas à négocier avec ce type de groupes armés. Ces négociations ont conduit à un désarmement partiel et à une insertion des anciens paramilitaires dans la société.
En Colombie, des enquêtes en court sont en train d'établir des liens étroits entre Uribe et ces groupes paramilitaires ce qui terni l'image du président colombien.
Quand le président Uribe s'est fait élire en 2002, il s'est rendu au domicile de la mère d'Ingrid Betancourt et il lui a promis de faire tout ce qu'il peut pour que les otages soient libérés. Il affirmait vouloir négocier de façon souterraine. Pendant un temps, la famille Betancourt y a cru. Mais il s'est avéré que rien n'a été fait et il a tout fait pour saboter toutes tentatives de dialogue, même avec l'aide de l'ONU ou de l'Eglise colombienne.
En septembre dernier, Uribe avait accepté les conditions des FARC. Mais une bombe dans une école militaire à Bogota a mis un terme à la politique d'ouverture du président colombien. Or, il apparaît, après enquête, que cette bombe n'a pas été placée par les FARC mais par l'armée colombienne elle-même. Cette bombe avait d'ailleurs été placée entre deux camions blindés à une heure où personne ne pouvait être à proximité. Elle n'a fait aucune victime. C'était donc un prétexte pour arrêter les négociations.
La libération d'Ingrid Betancourt est une priorité pour Nicolas Sarkozy. 48 heures après son entrée à l'Elysée, Nicolas Sarkozy a reçu la famille d'Ingrid Betancourt pour souligner la détermination de la France. La veille, il avait appelé le président colombien pour rappeler que la France souhaite des négociations pour la libération des otages. Il y a donc un changement de style à la tête de l'Etat, le nouveau président de la République prend directement le dossier en main.
Agacé par les pressions exercées sur lui, Alvaro Uribe souffle le chaud et le froid et tient un discours particulièrement virulent contre les FARC, 24 heures après la demande de négociations formulée par Nicolas Sarkozy. Ainsi, il annonce que c'est par la force que les otages seront libérés. Il refuse de négocier avec les FARC et surtout de démilitariser une zone de Colombie pour des discussions dans une zone neutre. Ce serait pour lui une humiliation pour la Colombie que de céder, même provisoirement, une partie de la souveraineté de son territoire.
Mais face aux critiques venues de Paris, le président Uribe change de ton le lendemain et explique qu'il ne fera rien qui pourrait mettre en danger la vie des otages. Ces derniers jours, Alavaro Uribe a même affirmé qu'il était prêt à libérer des prisonniers FARC début juin. Paris aurait envoyé un émissaire pour entrer en contact directs avec des représentants des FARC. L'objectif est de permettre un dialogue entre la guérilla et le gouvernement colombien afin de négocier un échange humanitaire : les otages contre les prisonniers FARC. L'espoir renaît depuis quelques jours.
Article de Politique.net
- Ingrid Betancourt, sujet de discorde entre Sarkozy et Uribe
Sur le web
- www.ingridbetancourt-idf.com
- Emission "C dans l'air" sur le site de France 5