Enquête · 7 juin 2007 à 16:26
Ségolène Royal vient d'annoncer qu'elle briguerait le poste de Premier secrétaire du Parti Socialiste l'année prochaine. Ce choix était connu de tous depuis qu'elle a annoncé qu'elle ne se représenterait pas aux élections législatives au nom du non cumul des mandats. En effet, pour incarner l'opposition à Nicolas Sarkozy, elle se doit de prendre la place de François Hollande. Mais cet acte de candidature intervient en pleine campagne législative alors même que le PS n'a pas tiré les leçons de l'échec à la présidentielle au nom de la nécessaire unité pour tenter de sauver les meubles aux élections législatives.
L'annonce de Ségolène Royal est donc tactique : en se portant candidate à la tête du PS, elle veut prendre tout le monde de court et empêcher un débat critique sur les raisons de son échec et se placer directement en vue de l'élection de 2012. Même si cette dernière refuse de parler de défaite et a réussi à faire croire aux militants qu'obtenir 46,9% des voix est une victoire, le Parti Socialiste a perdu en 2007 sa troisième élection présidentielle d'affilée. Les sondages effectués par le CEVIPOF (Centre d'Etude de la Vie Politique Française) apportent des éléments sur les raisons d'une défaite que Ségolène Royal ne veut pas reconnaître.
La candidate socialiste a dominé Nicolas Sarkozy dans trois catégories de la population. Elle a recueilli 63% des suffrages parmi les électeurs de moins de 25 ans. En cela, elle obtient un meilleur score que Lionel Jospin en 1995 et François Mitterrand en 1988 auprès de cette tranche d'âge. De même, elle devance Nicolas Sarkozy auprès des jeunes diplômés puisque 56% des électeurs ayant au moins de le bac ont voté pour elle. Enfin, 56% des Français déclarant avoir un parent étranger ont voté pour la candidate socialiste.
Nicolas Sarkozy a battu Ségolène Royal dans ces trois catégories de la population : 58% des électeurs ayant arrêté leurs études avant l'âge de 20 ans ont voté pour lui, 67% des retraités ont apporté leur voix au candidat de droite. Nicolas Sarkozy est également arrivé en tête dans les communes de moins de 5000 inscrits à hauteur de 56%. Quant aux ouvriers, ils ont voté à 51% pour Nicolas Sarkozy et 49% pour Ségolène Royal alors que le vote ouvrier apparaissait plus facile à capter par la gauche que par la droite. Enfin, malgré l'insistance de Ségolène Royal à rappeler le caractère révolutionnaire de l'arrivée au pouvoir d'une femme à la présidence de la République, elle n'a pas réussi à convaincre les femmes elles-mêmes. 46% des femmes ont voté pour elle contre 54% pour Nicolas Sarkozy.
Les enquêtes d'opinion montrent que Ségolène Royal a été distancée sur un grand nombre de thèmes par Nicolas Sarkozy : il est apparu plus crédible sur la sécurité et l'immigration, thèmes classiques de droite. En revanche, plus surprenant, elle n'a pas réussi à convaincre sur le chômage et le pouvoir d'achat. Selon un sondage IPSOS, Nicolas Sarkozy était jugé le plus crédible pour résoudre le problème du chômage à 50% contre 31% à Ségolène Royal. Toutes ces données montrent que la candidate socialiste ne s'est pas imposée sur des thèmes de campagne qu'elle avait pourtant mis en avant : l'ordre juste, la vie chère.
Plus grave pour Ségolène Royal est son manque d'expérience aux yeux de l'opinion. 40% des Français estimaient qu'elle avait la carrure pour devenir chef d'Etat contre 60% pour Nicolas Sarkozy. Ces multiples handicaps auraient du aboutir à une débâche de la gauche. Celle-ci n'a pas eu lieu en raison d'une vague anti-Sarkozy relativement forte. Une grande partie des électeurs qui ont voté pour Ségolène Royal l'ont fait par opposition à son adversaire contrairement à Nicolas Sarkozy qui a eu davantage un vote d'adhésion. Ce vote par rejet souligne les limites de la campagne électorale de la candidate socialiste.
1. La difficulté pour Ségolène Royal était de défendre un projet socialiste auquel elle ne croyait qu'en partie. La polémique sur la fiscalité entre elle et le premier secrétaire du PS a montré les tensions qui existaient entre le projet du parti et ce qu'elle souhaitait réellement.
2. L'impréparation de son équipe de campagne est un autre élément de l'échec de la campagne socialiste. Ségolène Royal a voulu contourner l'appareil du PS qu'elle ne maîtrisait pas en installant un deuxième QG de campagne non loin du siège du PS. Or, elle s'est entourée d'une équipe qui manquait singulièrement de professionnalisme : envoi par erreur d'un brouillon de discours aux journalistes, prise de rendez-vous annulé à la dernière minute. Le staff de Ségolène Royal était extrêmement mal organisé et personne ne savait vraiment qui faisait quoi.
3. A ce manque de professionnalisme s'est ajouté un isolement accru dans la campagne. Toujours pris dans le dilemme d'être indépendante du PS tout en ayant le soutien du parti, elle n'a pas recherché à rassembler les éléphants du PS (Jospin, Strauss-Kahn, Fabius). Il y a bien eu une tentative de rassemblement avec l'équipe du pacte présidentiel mais ils ne sont jamais réunis et elle a changé de tactique quelques semaines plus tard en proclamant qu'elle reprenait son indépendance.
4. La précipitation et le manque de préparation expliquent qu'elle apparaissait très approximative sur un certain nombre de sujets. L'improvisation d'un contrat première chance, dont les modalités d'application changeaient au gré des interviews, illustre cette impréparation.
5. Sa stratégie a également souffert d'un manque de lisibilité : jusqu'au premier tour, elle a tiré à boulet rouge sur les centristes et François Bayrou de peur de ne pas être au second tour, rejetant même une alliance avec l'UDF. Au lendemain du premier tour, virage à 180 degrés. Ce qui n'était pas possible hier devenait envisageable au deuxième tour, quitte à aller encore plus loin que le PS en déclarant que François Bayrou pourrait même être son premier ministre.
Nul doute que Ségolène Royal fera tout pour être en position de se représenter en 2012. Pour gagner, elle devra mettre en place une meilleure organisation, préparer un projet plus cohérent, étoffer son argumentation et ses connaissances des dossiers, convaincre les couches populaires de voter pour elle. Si tout ce travail est fait d'ici 2012, la gauche peut espérer l'emporter après 17 ans de présidence de droite.
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