Zapping radio · 18 juin 2007 à 13:02
Alors que la gauche célébrait une demi-victoire dimanche soir, l'information, qui est venue perturber la soirée électorale, est tombée vers 22h : Ségolène Royal et François Hollande ne sont plus ensemble. Sur le plateau de France 2, Laurent Fabius et Jean-Luc Mélenchon ont eu du mal à cacher leur embarras face à l'immiscion du privé dans la sphère publique. Certes, cette information a une dimension politique étant donné que l'un et l'autre ont d'importantes responsabilités politiques. Les ratés de la campagne entre Ségolène Royal et François Hollande, notamment sur la fiscalité, prennent une autre dimension. Mais fallait-il rendre public l'information un soir d'élections ?
Ségolène Royal a enregistré une interview pour France Inter samedi 16 juin 2007. Elle devait être diffusée mardi 19 juin, soit deux jours après les élections, et la veille de la publication d'un livre "Les coulisses d'une défaite" dans lequel elle révèle qu'ils sont séparés. Mais le plan de communication a échoué. Aussitôt l'interview réalisée et l'annonce de la publication d'un livre faite, des fuites ont eu lieu dans la presse. Dimanche matin, le Journal du Dimanche annonçait une prochaine clarification des relations entre Royal et Hollande. Dimanche soir, le site internet de l'hebdo Marianne publiait un communiqué faisant état de cette séparation. Finalement, les journalistes de l'AFP, auteurs du livre et qui devaient garder le silence jusqu'à lundi, ont été contraints de rédiger une dépêche pour confirmer l'information.
Ségolène Royal ne souhaitait donc pas rendre public cette séparation le soir de l'élection. Mais ce raté dans le plan de communication cache tout de même une stratégie politique douteuse qui consiste à mettre en scène la vie privée. Ségolène Royal s'attendait à une lourde défaite du Parti Socialiste et voulait probablement profiter de cet échec cuisant pour à la fois annoncer sa séparation d'avec François Hollande et sa déclaration de candidature à son poste. L'idée était de donner l'image d'une femme libre qui part à la conquête du PS. Ce scénario n'a pas eu lieu, la gauche s'en est plutôt bien sortie, et l'information a été rendue publique pendant la soirée électorale. Ce qui devait être le symbole d'une liberté retrouvée est alors apparu comme une mise en scène du privé pour chercher un profit politique.
Suite à ce raté, France Inter a décidé d'avancer de 24h la diffusion de l'interview de Ségolène Royal que voici en intégralité.
>> France Inter : Ségolène Royal, bonjour, vous avez décidé aujourd'hui de rendre publique une décision à caractère privé et politique...
Ségolène Royal. Cela fait un certain temps qu'un certain nombre de supputations circulent sur moi et François Hollande. Je crois qu'il était nécessaire à un moment de clarifier les choses. Je voudrais dire très simplement que nous avons décidé de ne plus être ensemble. Comme beaucoup de couples, nous avons connu des difficultés. Ces difficultés, j'avais choisi de les mettre entre parenthèses pendant la campagne de l'élection présidentielle puis pendant la campagne des élections législatives. C'était pour moi une nécessité pour protéger mes enfants. Aujourd'hui, je crois que nous rentrons dans une nouvelle étape et c'est important de dire les choses telles qu'elles sont pour que les choses soient bien au clair, que ce soit vis-à-vis de nous-mêmes ou vis-à-vis des autres. Je ne vais pas donner de détails personnels sur notre organisation familiale mais c'est vrai que j'ai proposé à François de vivre sa vie de son côté et qu'il l'a accepté. C'est une séparation de fait : nous ne sommes plus au même domicile et je crois que ça correspond à la réalité de notre relation.
>> Révéler cette séparation se fait en plein accord avec François Hollande ?
Oui, d'ailleurs nous rendrons public un communiqué commun dans lequel nous affirmons que nous avons décidé de vivre séparément pour des raisons strictement personnelles et qu'en même temps une fois faite cette mise au point, nous rappelons que la vie privée de chacun de nous est un droit fondamental et que nous la ferons respecter. Je crois que ça, c'est important, et d'ailleurs je vous donne là quelques éléments de compréhension de ce qui peut se passer et je ne m'exprimerai plus sur ce sujet, sur quelque autre média que ce soit.
>> Pourquoi avoir décidé de parler alors que vous toujours été extrêmement sourcilleuse sur ces questions de vie privée, on a vu une Ségolène Royal pendant toute la campagne qui ne voulait pas qu'on parle de ça et qu'on parle des enfants... Pourquoi aujourd'hui ?
Il y a des raisons intimes que je n'ai pas à expliquer mais il y a aussi des raisons publiques qui font qu'il y avait beaucoup d'interrogations sur les relations qui nous liaient et l'impact qu'elles pouvaient avoir sur la vie politique. Et puis à un moment j'ai aussi besoin de vérité, de clarté, de transparence.
>> En fait, la rumeur a gagné ?
Disons que les rumeurs ont fait en effet beaucoup de dégâts. Leur dimension particulière, au regard de l'impact qu'elles ont eu sur mes enfants, ont créé beaucoup de dégâts, c'est vrai. Je crois que pour eux aussi la vérité et la volonté de clarification est un élément d'apaisement.
>> Vous en avez souffert, vous ? Est-ce que, à un moment donné, vous avez eu envie de jeter l'éponge ?
Je pense que toute personne qui aurait subi cela aurait profondément souffert. En même temps, je n'ai pas, moi, à mettre en avant mes souffrances intimes. Mais aujourd'hui, à partir du moment où je peux clarifier les choses sans porter préjudice à qui que ce soit, je le fais.
>> Est-ce que cette démarche, au fond, ne va pas donner du grain à moudre à ceux qui au PS, parce qu'on a vu que les attaques venaient surtout de votre propre camp, dénoncent depuis des mois et des mois, je pense par exemple à Manuel Valls, une sorte de prise en otage du Parti socialiste par le couple Royal-Hollande ?
Je ne le crois pas, ceux qui disent cela tiennent des propos un peu condescendants, puisqu'on a vu notre autonomie politique. En tous cas aujourd'hui, les choses seront beaucoup plus claires, et c'est un reproche que l'on ne pourra plus nous faire. Et de cette façon-là les décisions que nous aurons à prendre l'un et l'autre sur la vie politique, c'est-à-dire sur l'avenir de la France et sur le rôle que nous pouvons remplir au service de l'intérêt général et au service de la gauche seront lues, désormais, avec un regard différent qui nous accordera, à chacun, notre libre détermination, notre liberté de jugement et d'action.
>> Alors, justement, il y a cette question du parti. C'est vrai qu'elle agite beaucoup les socialistes et même l'opinion. François Hollande est aujourd'hui premier secrétaire, il a dit qu'il le resterait jusqu'au congrès en 2008. Vous n'avez pas caché votre désir éventuellement de diriger le PS : comment est-ce que vous allez vivre cette concurrence ? Et d'abord est-ce qu'il y a une concurrence entre vous deux ?
Vous comprendrez bien que compte tenu de la gravité du sujet que nous venons d'aborder, la question du Parti socialiste est complètement disjointe et je n'ai même pas envie d'aborder cette question-là dans ce contexte. Et en même temps, je sais aussi que les électeurs de gauche se la posent. J'ai une responsabilité par rapport à ça, je ne suis pas la seule à l'avoir. On dit souvent que j'agis seule, mais non, j'ai le sens du collectif mais j'ai aussi le sens de la décision. Et les échéances à venir me permettront, sans doute, de prendre mes responsabilités et, s'il le faut, je les prendrais.
>> François Hollande et vous-même vous ne serez jamais adversaires ?
En effet, je crois que je ne ferai rien contre lui.
>> Ceux qui diront que cette campagne présidentielle, vous l'avez perdu peut-être à cause d'un problème sentimental, vous leurs répondez quoi ?
Non, je pense que c'est tout à fait faux. Et au contraire, je pense que la candidature à l'élection présidentielle m'a donné des responsabilités particulières qui ont fait que j'ai pu mettre entre parenthèses un certain nombre de problèmes personnels.
>> Et ceux qui diront que vous avez été candidate pour reconquérir François Hollande auront tort aussi ?
Oui, je pense que ce type d'attaque est extrêmement blessant. Ça voudrait dire qu'il suffirait d'avoir un problème personnel pour être candidat à l'élection présidentielle. C'est ridicule. Une décision comme celle-ci est un long cheminement. Cette théorie qui fait l'objet d'un commentaire dans un livre est tout à fait déplacée.
>> Vous aimeriez bien être premier secrétaire, candidate en 2012 ?
Ce n'est pas être première secrétaire pour être première secrétaire. C'est continuer un engagement politique fort que j'ai entamé lors de cette campagne présidentielle. Et oui j'ai envie de continuer cet itinéraire politique. Je veux le faire en femme libre, assumant ses responsabilités et ayant clarifié sa situation personnelle. Sans aucune rancœur ou rancune à l'égard de mon conjoint auquel j'accorde toute l'admiration que je lui ai toujours accordée et tout le respect que je lui dois et réciproquement.