Enquête · 21 juin 2007 à 21:31
La bourde sur la TVA sociale aurait "coûté" à la droite environ 60 députés selon Jean-Pierre Raffarin. La polémique sur l'augmentation de la TVA pendant la campagne du second tour des législatives explique en partie le fait qu'il n'y ait pas de eu de vague bleue à l'Assemblée. Tous les députés UMP ont désigné le responsable de cette contre-performance : Jean-Louis Borloo. En évoquant maladroitement l'éventualité d'une TVA sociale le soir du premier tour, Jean-Louis Borloo a commis une erreur. De nombreux responsables de droite réclamaient une sanction. Au lieu de cela, il a été promu n°2 du gouvernement avec le statut de ministre d'Etat, en remplacement d'Alain Juppé démissionnaire pour cause de défaite. Promotion ou sanction ? Dans son édition du Mercredi 20 juin, le Canard enchaîné décrit les coulisses de cette nomination, ou comment Nicolas Sarkozy a du recycler Jean-Louis Borloo...
Lors de la soirée électorale du premier tour, Laurent Fabius a interpellé Jean-Louis Borloo sur TF1 à propos d'un projet de TVA sociale. Venu commenter les résultats de la soirée électorale, le ministre de l'économie s'est trouvé pris au dépourvu et n'a pas réussi à botter en touche. Il a confirmé que le gouvernement étudiait la faisabilité d'une TVA sociale, c'est-à-dire d'une hausse de la TVA pour financer les dépenses sociales. La gauche s'est emparée aussitôt de cette annonce pour dénoncer le projet du gouvernement d'augmenter les impôts indirects. Deux jours après, le Premier ministre, cherchant à éteindre l'incendie, a annoncé qu'il n'y aurait pas d'augmentation de TVA en 2008 mais pour ajouter aussitôt que le gouvernement avait comme projet de l'augmenter de 5 points en 2009, la TVA passant de 19,6% à 24,6%. Au lieu de mettre un terme à la polémique, le Premier ministre l'a donc relancé.
Résultat, alors que l'UMP espérait plus de 400 députés, la majorité de droite en a obtenu moins qu'en 2002. Pire, le numéro 2 du gouvernement, Alain Juppé, a été battu dans une circonscription détenue par la droite depuis 1946 et a donc été contraint à la démission.
La démission d'Alain Juppé a obligé Nicolas Sarkozy à procéder à un remaniement du gouvernement beaucoup plus large que prévu. Le président de la République devait faire face à plusieurs difficultés. Alain Juppé était une pièce maîtresse du gouvernement. Ministre d'Etat, il était à la tête d'un grand ministère du développement durable qui demandait un réel savoir-faire et une autorité politique indiscutable. La principale difficulté de ce ministère est la fusion de plusieurs départements qui étaient opposés par le passé, notamment l'écologie et les transports. Or, les hauts fonctionnaires du ministère des transports sont beaucoup plus nombreux que ceux du ministère de l'écologie. Par conséquent, l'architecture du ministère nécessite une autorité politique forte pour que le rapport de force au sein des administrations ne se fasse pas au détriment... du développement durable. Nicolas Sarkozy ne pouvait donc pas placer un second rôle à la tête de ce ministère.
Par ailleurs, il avait promis pendant la campagne qu'il ferait du développement durable une priorité, en conformité avec le pacte écologique de Nicolas Hulot. Pendant un instant, Nicolas Sarkozy a envisagé le démantèlement de grand ministère et la nomination de deux ministres, sans le statut de ministre d'Etat. Mais cette hypothèse a rapidement été écartée, le président de la République ne pouvait pas revenir sur une de ses promesses 1 mois et demi après son élection. Il fallait donc trouver un poids-lourd de la politique pour occuper le poste de ministre d'Etat.
En réalité, Nicolas Sarkozy a profité de la démission d'Alain Juppé pour accomplir un objectif qui était devenu prioritaire ces derniers jours : retirer Jean-Louis Borloo du ministère de l'économie. Sa maladresse sur la TVA sociale n'est que l'élément apparent d'un plus grand malaise au sein de Bercy depuis sa nomination.
Selon le Canard Enchaîné, les hauts fonctionnaires de Bercy ont rapidement rapporté à l'Elysée que Jean-Louis Borloo n'avait pas les capacités d'assumer sa charge de ministre de l'économie : en un mois, il est apparu brouillon, désorganisé. Il ne connaissait pas ses dossiers. Son image de dilettante avait déjà été soulignée lorsqu'il était ministre de la cohésion sociale mais le poste de ministre de l'économie est beaucoup plus exposé et complexe. Au bout de deux semaines, Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, est averti des difficultés de Jean-Louis Borloo. Rapidement, Nicolas Sarkozy comprend qu'il y a eu erreur de casting.
Deux anecdotes vont le conforter dans l'idée que déplacer Jean-Louis Borloo était devenu impératif. Lors des premières réunions interministérielles et des rencontres internationales, le ministre de l'économie aurait fait preuve d'une désinvolture qui aurait choqué ses interlocuteurs, quittant même un sommet de ministres européens avant la fin. Autre alerte, le 14 juin, le vice-président du conseil d'Etat a fait savoir au Premier ministre qu'il avait trouvé l'attitude de Jean-Louis Borloo scandaleuse. Motif de cette indignation ? Le ministre de l'économie avait oublié d'envoyer un de ses représentants au conseil d'Etat lors de la présentation du texte sur les mesures fiscales du gouvernent. Cet oubli est apparu comme un signe de mépris du ministre à l'égard de cette institution.
Et voilà comment Nicolas Sarkozy, profitant de la démission d'Alain Juppé, a réussi à extirper en douceur Jean-Louis Borloo du ministère de l'économie. Ce dernier s'était battu pour obtenir ce poste et souhaitait le garder. Mais il a du se résoudre à quitter Bercy en se consolant avec le statut de numéro 2 du gouvernement et de ministre d'Etat. Co-fondateur de Génération écologie, le nouveau ministre du développement durable apparaît plus qualifié à ce poste qu'au ministère de l'économie. Et voilà comment une promotion/sanction est devenue un recyclage réussi pour un ministre qui espère cette fois-ci avoir obtenu un poste... durable.
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