Zapping radio · 25 juin 2007 à 15:49
Depuis 2005 et le rejet de la constitution européenne par la France et les Pays-Bas, l'Union Européenne est en panne. Avec 27 pays membres, l'UE ne peut plus fonctionner comme elle le faisait à 15. Les institutions sont paralysées, l'UE doit donc adapter son mode de fonctionnement. Nicolas Sarkozy a proposé à ses partenaires européens de reprendre les mesures les plus consensuelles de la constitution européenne pour sortir de ce blocage. Dans sa chronique sur France Culture, Olivier Duhamel est revenu sur le traité européen simplifié que viennent d'accepter les dirigeants européens.
Samedi 23 juin 2007, à 4h30 du matin, un accord a été signé par les 27 chefs d'Etat de l'Union Européenne pour élaborer un traité européen simplifié destiné à sortir l'Europe du blocage institutionnel. Cette signature obtenue à l'arraché, les Polonais ayant refusé de signer avant de céder à la dernière minute, est un succès diplomatique pour la France et Nicolas Sarkozy. Isolée depuis l'échec du référendum en mai 2005, la France est de retour en tant qu'acteur majeur de la construction européenne.
L'adoption d'un traité simplifié pour réformer les institutions était la seule solution pour sortir l'Europe de ce blocage. Un compris entre les eurosceptiques et les pro-européens était la seule issue possible. Nicolas Sarkozy a déployé tous ses efforts pour convaincre, un par un, ses partenaires européens.
La plupart des avancées de la constitution européenne sont maintenues :
1. Présidence stable de l'Union pendant deux ans et demi, au lieu d'une présidence tournante du conseil tous les six mois.
2. Création d'un poste de "haut représentant" aux affaires étrangères pour représenter l'UE dans les institutions internationales.
3. Composition réduite de la Commission européenne pour une plus grande efficacité.
4. Passage du vote à l'unanimité à un vote à la majorité qualifiée notamment en matière de coopération judiciaire et de coopération policière. Cette réforme se traduit par une augmentation des pouvoirs du Parlement européen, co-législateurs dans ces domaines avec le conseil des ministres.
5. Délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres : l'Union douanière, le commerce, la concurrence, la politique monétaire restent des compétences exclusives de l'UE. En revanche, la politique sociale, le marché intérieur, l'énergie restent des compétences partagées avec les Etats.
6. Instauration d'un droit d'initiative citoyenne, qui permettra à un million de citoyens de faire une proposition à la commission européenne.
Le terme de "constitution" a donc disparu du traité. La référence aux symboles de l'UE (drapeau, devise, hymne) disparaît. Enfin, la partie III de la constitution qui était une synthèse de tous les traités économiques antérieurs a également disparu.
Symboliquement, le traité simplifié est donc beaucoup moins fort que la constitution européenne. Les dirigeants européens ont tenu compte des critiques et retiré toute la partie III, économique, qui n'avait rien à faire dans une constitution qui est un texte de loi censé définir le rôle et le rapport de chacun des pouvoirs (législatif, exécutif).
Par conséquent, il ne reste dans ce traité simplifié que les avancées institutionnelles, qui faisaient relativement consensus en Europe. En proposant un texte simplifié qui ne touche qu'aux institutions, les dirigeants européens n'auront pas besoin d'organiser de référendums et pourront ratifier le traité par leur parlement.
Olivier Duhamel a titré sa chronique "L'Europe masquée" car, en reprenant point par point les mesures du traité simplifié, il démontre que tout ce qui a été retiré de la constitution européenne, reste dans les faits.
- Premier exemple : les symboles européens ne figurent plus dans le traité simplifié pour satisfaire les souverainistes et les fervents défenseurs de l'identité nationale. A leurs yeux, les hymnes nationaux, les drapeaux des pays sont plus importants. Le traité simplifié n'a donc pas repris le paragraphe sur tous les symboles européens. Cependant, ceux-ci existent toujours : l'hymne à la Joie de Beethoven reste l'hymne européen, le drapeau est toujours bleu avec 12 étoiles, le 9 mai reste la fête de l'Europe. Autrement dit, ces symboles ne figurent pas dans le texte mais ils restent en vigueur car présents dans les précédents traités.
- Deuxième exemple : les dirigeants nationaux ont renoncé à créer le poste de ministre des affaires étrangères pour l'UE car les pays veulent garder leur souveraineté en matière de politique étrangère. Pour autant, ils ont créé le même poste, sous une dénomination plus neutre "haut représentant aux affaires étrangères". Autrement dit, si le nom change, la fonction reste identique.
- Troisième exemple : la charte des droits fondamentaux qui est un texte destiné à protéger les citoyens européens a été très critiquée par les plus libéraux qui y voyaient une contrainte pour le marché. En 2000, elle avait été adoptée par tous les Etats membres mais elle n'avait pas de force juridique, les objectifs affichés n'étaient pas obligatoires mais facultatifs. Cette charte des droits fondamentaux avait valeur juridique dans la constitution.
Dans ce traité simplifié, le texte complet de la charte n'y figure plus, ce qui pourrait passer pour une victoire des libéraux. Mais le traité simplifié mentionne l'existence de cette charte. Cette simple phrase officialise le statut juridique de cette charte. L'avancée de la constitution européenne est donc préservée.
- Quatrième exemple : le terme de "concurrence libre et non faussée" avait été fortement critiqué par les partisans du Non au référendum européen en 2005. Ces derniers y voyaient la victoire de l'ultra-libéralisme. Cette expression "concurrence libre et non faussée" n'a donc pas été reprise dans le traité simplifié. Victoire des altermondialistes ? En réalité, ce terme de "concurrence libre et non faussée" figure dans le traité de Rome de 1957. Ce traité fondateur est toujours en vigueur. Par conséquent, les dirigeants européens n'avaient pas besoin de le remettre dans ce traité simplifié puisque le principe s'applique déjà.
En définitif, les partisans du non au référendum s'étaient battus contre des mesures qui existaient déjà dans les traités antérieurs. Les européens avaient voulu synthétiser tous ces traités dans un même texte pour plus de cohérence. En rejetant la constitution européenne, les partisans du Non remportaient une victoire seulement symbolique car toutes les mesures dénoncées restaient en vigueur dans les précédents traités.
Les dirigeants européens ont donc retenu la leçon. Ne figure dans ce texte que les avancées institutionnelles et tout ce qui est polémique a été écarté. Tout ce qui fâchait n'est donc plus écrit, mais tout ce qui fâchait est conservé intact dans les traités antérieurs. Cette façon de biaiser, de cacher une réalité, d'avancer masqué est le symbole d'une Europe honteuse d'elle-même et est une victoire de l'hypocrisie en politique.
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