Raymond Barre, un économiste à Matignon

Rétrospectives · 25 août 2007 à 18:18

Décès de Raymond Barre

Raymond Barre est décédé samedi 25 Août, à l'âge de 83 ans. Ancien Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing, Raymond Barre est l'un des rares hommes politiques à avoir cumulé le poste de Premier ministre et de ministre de l'économie en même temps. Retour sur sa carrière politique.

Premier ministre en 1976

Le jour de la démission de Jacques Chirac, le 25 Août 1976, Raymond Barre était nommé premier ministre. A la demande de Giscard d'Estaing, Jacques Chirac avait retardé d'un mois l'annonce de sa démission afin de laisser le temps au président de bien choisir son nouveau premier ministre. Le choix pour Giscard était restreint. La majorité à l'Assemblée Nationale étant gaulliste, il pouvait reprendre un gaulliste, Alain Peyrefitte était pressenti, mais puisque Jacques Chirac quittait le gouvernement, il était convaincu que la nomination d'un gaulliste ne serait de toute façon pas un gage de soutien indéfectible du mouvement gaulliste. De fait, il a préféré choisir un homme politique qui n'appartenait ni à l'UDF, ni au RPR pour ménager les deux camps tout en choisissant la sécurité de nommer un homme peu connu dont la fidélité ne ferait pas défaut. Le choix s'est donc porté sur Raymond Barre, ministre du commerce dans le gouvernement Chirac.

Deux postes à la fois : premier ministre et ministre de l'Economie

Peu connu du grand public, Raymond Barre n'était pas un proche de Giscard d'Estaing mais il respectait la hiérarchie et la prédominance du président sur le premier ministre. Il était surtout connu pour ses compétences en économie. D'ailleurs, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, Raymond Barre va cumuler le poste de premier ministre et celui de ministre de l'Economie et des Finances. Ainsi, le premier ministre entend mener lui-même la politique économique de son gouvernement. Pendant un mois, il consulte beaucoup, patronat, syndicats pour élaborer un plan économique, voté au parlement le 22 septembre 1976.

Le plan Barre de 1976

La politique économique de Raymond Barre était en rupture avec la politique précédente, qui se faisait au coup par coup et qui apportait une réponse à chacune des différentes difficultés qui se présentaient sans qu'il y ait une politique cohérente et une vision d'ensemble. A l'inverse, Raymond Barre décide de faire une politique sur le long terme destiné à combattre l'inflation, maintenir la stabilité monétaire et lutter contre la hausse du chômage. Pour lutter contre l'inflation, il décide de baisser les coûts de production (baisse de la TVA sur certains produits), de limiter le crédit pour éviter une hausse des prix, et de présenter un budget en équilibre en augmentant les impôts. Mais devant l'opposition de gauche, l'hostilité de certains gaullistes rangés derrière Jacques Chirac démissionnaire, Raymond Barre a du renoncer à une partie des mesures de son plan. D'ailleurs, la perspective d'élections législatives en 1978 l'empêchait de prendre des mesures radicales. C'est seulement après ces élections législatives qu'il a pu mettre en place une politique économique vraiment différente.

Le deuxième gouvernement de Raymond Barre (1978)

Depuis 1976, l'action du premier ministre se devait d'être plus ou moins consensuelle en vue de la préparation des élections législatives de 1978. Avec la victoire de la droite, le président et le gouvernement disposent d'une plus grande marge de manoeuvre pour mettre en place une politique économique plus ambitieuse. Le gouvernement est reconduit presque dans son intégralité. Raymond Barre abandonne le ministère de l'Economie et des Finances au profit de deux ministres. René Monory est nommé ministre de l'économie. Maurice Papon, député RPR, ancien préfét de police de Paris dont le passé sous Vichy n'était pas encore connu, est nommé ministre du budget.

Une politique économique plus libérale

1978 marque un tournant vers une politique beaucoup plus libérale. Un des axes de cette politique est la défense de la libre concurrence et la libération des prix, qui étaient bloqués jusqu'à présent en raison des problèmes d'inflation (hausse des prix du marché liée à une forte consommation). Cette politique de libération des prix a fortement marqué l'opinion, notamment en raison de la libéralisation du prix du pain en août 1978, prix qui était fixé jusqu'à présent par l'Etat par l'intermédiaire de taxes depuis 1791. Cet acte symbolique reflète donc, aux yeux de l'opinion, la politique libérale du gouvernement de Raymond Barre. Dans le même temps, pour éviter une hausse soudaine des prix, il entendait favoriser la concurrence industrielle.

Le second choc pétrolier et la hausse du chômage

Il est difficile d'évaluer les effets de cette nouvelle politique économique car, l'année suivante, le second choc pétrolier replonge la France dans la crise économique. En 1979, les pays de l'OPEP décident d'une nouvelle hausse du prix du baril de pétrole. En quelques mois, le prix du baril double. Même si la politique de Raymond Barre permet de limiter les dégâts en matière économique, la politique sociale est un véritable échec. En 1979, on compte plus de 1 300 000 chômeurs alors qu'en 1974, on en comptait 690 000 chômeurs. Le nombre de chômeurs a donc doublé sous la présidence de Giscard d'Estaing.

Le retour à une politique conservatrice

Pendant les deux dernières années du mandat de Giscard d'Estaing, on constate un changement de politique. Alors que le début du septennat avait été marqué par des mesures plutôt progressistes, on assite au retour d'une politique plus conservatrice. Beaucoup de réformes n'aboutissent pas comme la limitation du cumul des mandats. En revanche, Alain Peyrefitte, garde des sceaux, fait voter un projet de loi « Sécurité et liberté » répressif qui marque un retour à l'ordre.

Les affaires politiques : le suicide d'un ministre (1979)

Parallèlement à ce tournant conservateur, les dernières années de la présidence Giscard sont marquées par une série d'affaires qui touchent directement ou indirectement le pouvoir. Ainsi, le 30 octobre 1979, Robert Boulin, ministre dans le gouvernement de Raymond Barre, est retrouvé mort. Ce suicide est lié au scandale qui avait éclaté quelques semaines plutôt. Boulin était accusé d'avoir construit illégalement une villa à Ramatuelle sur un terrain vendu par un escroc. La presse s'est déchaînée contre le ministre, et Robert Boulin n'a pas vraiment été soutenu par le pouvoir en place. Ce suicide a provoqué une vague d'émotion dans l'opinion et a contribué à alourdir le climat politique.

L'après 1981

Raymond Barre quitte Matignon après la défaite de Valéry Giscard d'Estaing en 1981.
Durant les années 1980, il est l'un des hommes politiques les plus populaires de France grâce à sa bonhomie et ses compétences reconnues. Néanmois, lorsqu'il se présente aux élections de 1988, il n'obtient que 16,55 % des voix et appelle à voter au second tour pour Jacques Chirac.
Maire de Lyon entre 1995 et 2001, il souhaite faire du « Grand-Sud Est européen » une région forte et de premier plan. Raymond Barre est l'un des seuls politiques français à avoir occupé de hautes fonctions sans avoir adhéré à aucun parti. Il avait pris sa retraite politique en 2002.

*** Liens

Les années Giscard d'Estaing (1974-1981)
- L'élection de 1974
- Les réformes sous Giscard d'Estaing
- Le gouvernement de Jacques Chirac
- La démission de Jacques Chirac
- Le nouveau premier ministre, Raymond Barre
- La droite divisée : création du RPR et de l'UDF
- Les élections législatives de 1978
- La fin du septennat

Actu
- Le dérapage de Raymond Barre à propos de Maurice Papon (13 mars 2007)

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