Questions d'actualité · 28 août 2007 à 23:33
Dominique de Villepin, a annoncé qu'il ne saisirait pas la cour de justice de la République dans le cadre de l'affaire Clearstream. Depuis des mois, l'ancien Premier ministre est poursuivi dans cette affaire de dénonciation calomnieuse. On lui reproche d'avoir pris connaissance de l'existence de faux numéros de compte en banque attribués à Nicolas Sarkozy dans le but de lui nuire et d'avoir ordonné des enquêtes alors même que la vérité était connue. En juillet, Dominique de Villepin a donc été mis en examen pour dénonciation calomnieuse.
La procédure judiciaire qui a débuté est une procédure classique. Or, pendant un temps, les avocats de l'ancien Premier ministre ont laissé entendre que ce dernier pourrait saisir la Cour de Justice de la République et entraîner la fin de l'instruction des actuels juges qui l'ont mis en examen. Mais qu'est-ce que la Cour de Justice de la République ?
La Cour de Justice de la République (CJR) est l'institution chargée d'instruire les dossiers judiciaires et de juger les ministres pour des faits qui se sont déroulés dans le cadre de leur fonction. Si un ministre commet un crime ou un délit, ce n'est donc pas un tribunal classique qui peut le juger. Cette juridiction d'exception s'explique par le caractère particulier de la fonction de ministre. Au nom de la séparation du pouvoir entre l'exécutif et le judiciaire, la justice ordinaire ne peut inculper un ministre si l'affaire concerne des faits qui se sont déroulés dans le cadre de sa fonction. Autrement dit, si un ministre attaque une banque, il sera jugé par la justice ordinaire car sa fonction de ministre n'a rien avoir avec l'affaire. En revanche, si un ministre détourne de l'argent en recevant une commission d'une vente d'arme, il sera jugé par la CJR.
Le tribunal se compose de 15 juges : 12 parlementaires (six sont élus par l'Assemblée nationale et six autres par le Sénat) et 3 magistrats de la cour de cassation. La cour est présidée par l'un de ces trois juges. Mais pourquoi des députés peuvent-ils juger des hommes politiques ? Le principe de la CJR peut surprendre puisque ce sont essentiellement des députés qui jugent des ministres issus souvent de leur propre parti. Le soupçon de connivence est régulièrement dénoncé. Mais l'idée de départ est de considérer que l'exercice du pouvoir est très particulier et que seuls des députés qui connaissent les rouages de l'Etat peuvent véritablement juger ce type de faits.
A l'origine, seul le parlement pouvait engager des poursuites contre un ministre auprès de la Haute Cour de Justice. Avec la création de la Cour de Justice de la République, n'importe qui peut porter plainte auprès de la CJR contre un ministre. Une commission des requêtes composée de magistrats de la cour de cassation est chargée d'étudier le dossier pour voir si la plainte est recevable. Si c'est le cas, une commission d'instruction instruit le dossier et renvoie le cas échéant le ministre devant la CJR pour être jugé.
La CJR a été créée en juillet 1993 suite à l'accumulation d'affaires politico-financières et à l'affaire du sang contaminé pendant le deuxième mandat de François Mitterrand. Auparavant, il existait une Haute Cour de Justice, mais celle-ci ne pouvait être saisie qu'après un vote du parlement. La procédure limitait donc le recours à la CJR, les députés refusant souvent de mettre en accusation un de leur ministre.
Le contexte des années 1990 a poussé le gouvernement de gauche à revoir la procédure, notamment suite à l'affaire du sang contaminé. Jusqu'en 1985, le dépistage du sida n'était pas obligatoire pour les donneurs de sang. Or, plusieurs milliers de personnes vont être transfusées avec du sang contaminé par le virus du sida. Dès le milieu de l'année 1985, Laurent Fabius, Premier ministre de l'époque, avait annoncé un dépistage obligatoire des donneurs. Mais, les stocks de produits sanguins non vérifiés ont été utilisés jusqu'en octobre 1985 car leur valeur avoisinait les 30 millions de francs. Laurent Fabius et sa ministre de la santé, Georgina Dufoix, ont été mis en cause pour "homicide involontaire" afin de savoir s'ils avaient connaissance du danger. Suite à ce scandale, le pouvoir a donc créé la CJR qui devait permettre plus facilement le jugement d'un ministre.
Les affaires qui impliquent un ministre sont rares. La CJR a donc instruit peu de dossier : les plus connus sont ceux du sang contaminé et des détournements de fond de Charles Pasqua. S'agissant de l'affaire Clearstream, Dominique de Villepin aurait pu saisir la CJR sous prétexte qu'il agissait en tant que ministre des Affaires étrangères au moment des faits. Mais la saisie de la CJR aurait été perçue comme un moyen pour l'ancien Premier ministre de contourner la justice, la CJR étant considérée comme plus clémente que la justice ordinaire puisque ce sont des députés qui jugent des ministres. Pour éviter toute polémique, Dominique de Villepin a donc annoncé qu'il laisserait la procédure classique se poursuivre et qu'il ne saisirait pas la CJR dans le cadre de l'affaire Clearstream.
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