Turquie : qui doit décider de son adhésion à l'Union Européenne ?

Enquête · 14 sep. 2007 à 22:54

La Turquie et l'Union Européenne

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargée de l'Union Européenne, a jeté un pavé dans la mare en déclarant que le gouvernement pourrait revenir sur la promesse de Jacques Chirac d'organiser un référendum pour valider les nouvelles adhésions à l'Union Européenne. En 2005, la Constitution française avait été modifiée : toute nouvelle adhésion à l'UE devait être ratifiée par un référendum populaire. A l'époque, l'objectif était de rendre obligatoire la tenue d'un vote populaire sur l'entrée de la Turquie et d'éviter ainsi toute polémique sur son éventuelle entrée, à quelques mois d'un référendum qui s'annonçait difficile. S'agissant de l'entrée dans l'UE du pays d'Ataturk, les Français auront le dernier mot. Mais Jean-Pierre Jouyet a évoqué la possibilité d'annuler cette disposition dans la constitution, pourquoi ? Et au fond, qui doit décider de l'adhésion à l'Union Européenne ?

La commission européenne négocie avec la Turquie

Pour rentrer dans l'Union Européenne, la Turquie doit franchir deux étapes. Tout d'abord, elle doit remplir plusieurs critères précis pour prétendre à rentrer dans l'UE : respect des droits de l'homme, libéralisation du marché, garantie de certains droits sociaux, etc. Les critères d'entrée sont multiples et ne seront vraisemblablement remplis que dans une dizaine d'années. Une fois cette première étape franchie, la Turquie doit être acceptée par l'ensemble des Etats membres de l'UE qui doivent ratifier l'arrivée d'un nouveau membre.

Les Etats doivent accepter ou pas l'entrée de la Turquie

Les Etats membres de l'UE ont deux possibilités pour accepter l'entrée d'un nouveau membre : soit il y a un vote du parlement, soit il y a un référendum populaire. Jusqu'à présent, l'entrée d'un nouveau pays dans l'UE était ratifiée par le parlement. Députés et sénateurs ont une bonne connaissance des enjeux politiques et économiques de la construction européenne et sont les plus qualifiés pour juger de la pertinence ou non d'une adhésion. Mais en France, depuis 2005, un référendum doit obligatoirement être organisé pour l'acceptation d'un nouveau membre dans l'UE. C'est inscrit dans la constitution.

Des élargissements successifs contestés

En 2004, 10 nouveaux Etats sont entrés dans l'Union Européenne qui est ainsi passée de 15 à 25 membres. En 2007, deux nouveaux Etats (Bulgarie et Roumanie) sont venus compléter la liste. Désormais, l'Union Européenne compte 27 membres. Et d'autres Etats, comme la Turquie ou des pays de l'Est, négocient avec Bruxelles leur entrée. A chaque fois, les élargissements successifs ont été décidés par les gouvernements des pays européens sans tenir compte de l'avis de la population. En 2005, l'échec du référendum sur la constitution européenne a montré le scepticisme des Français à l'égard d'une construction européenne qui inquiète, notamment dans le domaine économique avec l'ouverture sur des pays dont la main d'oeuvre est moins chère.

Qui doit décider de l'adhésion à l'Union Européenne ?

Pour éviter que la construction européenne ne se fasse sans le peuple, Jacques Chirac avait donc décidé de rendre obligatoire la consultation des Français pour toute nouvelle entrée dans l'UE. Si ce système tient compte de l'opinion publique, il pose également quelques problèmes. La Turquie ayant une grande partie de son territoire en Asie, la question de son adhésion à l'Union Européenne se pose légitimement. Mais qu'en est-il de l'entrée des pays d'Europe de l'Est dont l'adhésion n'est pas soumise à débat puisque ces pays font bien partie de l'Europe ? Le risque d'un référendum est connu : démagogie, choix du vote pour d'autres raisons que la question posée, fort taux d'abstention. Les possibilités d'une victoire du non sont donc grandes. En revanche, un vote par les parlementaires se déroule dans un climat plus serein.

Finalement, c'est Nicolas Sarkozy qui devra trancher cette question soulevée par son secrétaire d'Etat. Il a annoncé qu'il ne se prononcerait pas avant la remise du rapport Balladur sur la modernisation des institutions. D'ici là, deux camps vont s'affronter : ceux qui sont favorables à un référendum (généralement, ce sont ceux qui refusent l'entrée de la Turquie) et ceux qui sont favorables à un vote du parlement, les parlementaires étant plutôt enclin à accepter l'entrée de ce pays situé à la frontière entre l'Orient et l'Occident.

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