Télévision · 2 oct. 2007 à 15:54
Dominique Strauss-Kahn savoure sa victoire. Hier à l'Elysée, puis au 20h de France 2, il ne cachait pas son plaisir d'avoir été élu à la tête du Fonds monétaire International pour une durée de 5 ans. Avec un salaire de 300 000 dollars par an, défiscalisé, DSK obtient un poste d'envergure internationale. Nicolas Sarkozy fait coup double : poursuivre la politique d'ouverture et écarter provisoirement un concurrent. Mais comment DSK a-t-il réussi à se faire élire au FMI ? Quel a été le rôle de Nicolas Sarkozy ? Les invités de C Dans l'air, Elie Cohen, Christophe Barbier, Gérard Grimbert, ont tenté de répondre à ces questions. Retour sur les coulisses d'une élection.
Dès la nomination de DSK, Nicolas Sarkozy a affirmé qu'il s'agissait d'une victoire de la diplomatie française et qu'il se réjouissait du succès de sa politique d'ouverture. Selon le directeur de l'Express, Christophe Barbier, le mérite de cette élection revient d'abord à Dominique Strauss-Kahn. Ses compétences en économie sont reconnues de tous, il parle couramment anglais, allemand, il a des notions en espagnole et en italien. Il a fait une campagne dynamique en parcourant plus de 100 000km pendant l'été. Il est allé voir tous les pays qui comptent. La deuxième raison de son succès est l'appui de sa candidature par l'Union Européenne. Le rôle de Nicolas Sarkozy n'aurait pas été aussi important qu'on le dit.
A l'origine, l'idée de présenter DSK à la direction du FMI n'est pas de Nicolas Sarkozy mais du dirigeant luxembourgeois Jean-Claude Juncker. C'est DSK lui-même qui a appelé Nicolas Sarkozy le 1er juillet 2007 pour obtenir son soutien selon l'enquête de Raphaëlle Bacqué publiée dans le Monde du 22 septembre 2007. Par conséquent, Nicolas Sarkozy a récupéré cette idée pour illustrer sa politique d'ouverture.
La version de Christophe Barbier, directeur de l'Express, est différente. Dans sa stratégie d'ouverture, Nicolas Sarkozy avait prévu d'utiliser Dominique Strauss-Kahn. Il y avait le Fonds Monétaire International, mais aussi d'autres postes internationaux envisageables. Si la nomination de DSK au FMI est bien une idée du premier ministre luxembourgeois, elle avait déjà été envisagée par Nicolas Sarkozy comme une hypothèse parmi d'autres.
Selon Christophe Barbier, pour éviter de faire échouer la nomination de DSK à la tête d'une importante organisation internationale, l'Elysée a favorisé l'élection de DSK lors des législatives à Sarcelles au mois de juin. En effet, en cas de défaite, la candidature DSK au FMI ou ailleurs n'aurait plus été crédible. Par conséquent, ce sont des membres du cabinet de Nicolas Sarkozy qui auraient eux-mêmes contacté le Canard Enchaîné pour discréditer la candidate UMP, Sylvie Noachovitch. Quelques mois auparavant, celle-ci avait tenu des propos douteux sur les noirs. La polémique qui a suivi a plombé la campagne de la candidate UMP alors que DSK était en position délicate au deuxième tour de l'élection. Ce coup de bluff de Nicolas Sarkozy paraît improbable. Pourtant, Christophe Barbier est formel. Et selon lui, faire échouer la candidate UMP ne posait pas de problème étant donné que la majorité à l'Assemblée nationale était assurée.
Le siège du FMI se trouve à Washington. DSK va donc y passer les 2/3 de son temps, le tiers restant étant consacré aux déplacements. Selon Christophe Barbier, Dominique Strauss-Kahn va davantage voyager que ses prédécesseurs pour échapper à l'ennui de la capitale américaine. En outre, DSK va devoir réformer de fond en comble cette institution : donner plus de poids aux pays du Sud dans le processus de vote au FMI, adapter la politique économique du FMI pour aider les pays en développement en tenant compte des spécificités de chaque pays. On reproche souvent au FMI d'accorder des aides financières à condition que les Etats appliquent des politiques ultra-libérales dont les populations subissent les dégâts collatéraux (baisse des dépenses sociales, d'éducation, au nom de la rigueur budgétaire). DSK devra donc adapter la doctrine du FMI.
Dès que sa nomination a été rendue publique, la question de son retrait de la vie politique française s'est posée. Selon Christophe Barbier, DSK ne peut revenir sur sa promesse de faire la totalité de son mandat. Autrement dit, il s'est exclu de la course à l'Elysée en 2012, mais peut envisager 2017. Toutefois, le directeur de l'Express n'écarte pas l'hypothèse d'un retour précipité six mois avant l'élection de 2012.
Selon Elie Cohen, DSK n'a pas renoncé à ses ambitions nationales et fait remarquer que les deux prédécesseurs de DSK au FMI ont démissionné prématurément de leur mandat pour retourner à la politique nationale : l'un pour devenir président de l'Allemagne, l'autre pour se présenter aux élections au Portugal. Pendant sa campagne pour se faire élire directeur du FMI, DSK était obligé de dire qu'il resterait en poste jusqu'au bout. Mais dans les faits, il peut très bien renoncer six mois avant l'échéance présidentielle de 2012 pour se présenter à l'élection.
Le politologue Gérard Grimbert est plus prudent. Selon lui, rien n'indique que DSK sera en situation de se présenter. Le FMI est une institution lointaine et la politique qu'on y mène est assez éloignée de la gauche socialiste française. Rien ne dit que DSK sera en situation de revenir dans un parti socialiste qui aura vécu sans lui.
*** Sources
- C dans l'air, "Le quinquennat de DSK", France 5, Lundi 1er octobre 2007
- Raphaëlle Bacqué, "DSK sans frontières", Le Monde, Samedi 22 septembre 2007