La lettre de Guy Moquet, une commémoration politique contestée

Revue de presse · 22 oct. 2007 à 21:58

La lettre de Guy Mocquet

Aujourd'hui, une lecture de la lettre de Guy Moquet devait avoir lieu dans toutes les classes des lycées de France. Nicolas Sarkozy avait décidé de faire de ce 22 octobre, une journée de commémoration en l'hommage du jeune résistant Guy Moquet. Mais cette décision unilatérale, sans concertation, n'a pas fait l'unanimité au sein du monde enseignant. La journée fut même mouvementée pour certains membres du gouvernement.

Qui est Guy Moquet ?

En 1941, Guy Moquet est un jeune résistant communiste de 17 ans. Symbole de la jeunesse qui lutte, il est exécuté le 22 octobre 1941 avec 26 de ses camarades en représailles de l'assassinat de l'officier nazi Karl Hotz par trois communistes le 20 octobre 1941. Les prisonniers ont été livrés aux allemands par le Ministre de l'Intérieur du Maréchal Pétain Pierre Pécheu.
La veille de sa mort, Guy Moquet a pris le temps de rédiger une lettre à ses parents et à son frère. C'est cette missive poignante que les enseignants étaient censés lire aujourd'hui aux élèves de lycée.

Guy Moquet pendant la campagne électorale de 2007

Contrairement à ce qui se dit dans la presse, Nicolas Sarkozy n'a pas évoqué Guy Moquet uniquement le jour de son investiture en tant que président. Pendant la campagne électorale, il a fait référence à plusieurs reprises à ce jeune résistant communiste : le 14 janvier 2007 dans son discours d'investiture, le 18 mars 2007, dans son discours du Zénith de Paris. Ce soir-là, Nicolas Sarkozy en a même fait une explication de lecture. Il avait même déclaré : "À ceux qui ont osé dire que je n'avais pas le droit de citer Guy Môquet parce que je n'étais pas de gauche, je veux dire que je demeure stupéfait de tant de sectarisme. Guy Môquet appartient à l'histoire de France et l'histoire de France appartient à tous les Français".

La lecture de la lettre dans les lycées : une idée contestée

C'est le jour de son investiture en tant que président de la République que Nicolas Sarkozy a déclaré que sa première décision en tant que président serait de faire lire la lettre de Guy Moquet à chaque rentrée scolaire aux lycéens de France.
Finalement, la lecture de la lettre a été repoussée au 22 octobre, date de la mort du jeune résistant communiste. Cette décision présidentielle répond à une émotion et s'apparente à une forme de récupération politique. C'est la première fois qu'un président de la République impose une commémoration au monde enseignant, sans concertation.
Lire simplement la lettre n'a aucun intérêt pédagogique. Pour donner du sens, il faut rappeler le contexte, inclure ce texte dans un cours sur l'histoire de la Résistance. Mais pourquoi imposer une lecture à une date donnée, sans tenir compte de l'évolution du programme ? Lire la lettre en plein milieu d'une séquence de géographie ou d'un cours d'histoire médiévale n'a aucun sens.

Des ministres chahutés dans les établissements scolaires

Nicolas Sarkozy, qui avait initialement prévu de lire personnellement la lettre du jeune martyr au lycée parisien Carnot, où il fut scolarisé, a renoncé à le faire au dernier moment. Officiellement, pour des questions d'agenda. En réalité, le chef de l'Etat avait été mis au courant des résistances du monde enseignant à cette lecture imposée d'en haut.
Plusieurs ministres se sont rendus dans les établissements scolaires. A Périgueux, Xavier Darcos a été tancé par des enseignants hostiles à la lecture de la lettre. Ce fut le cas également de Rachida Dati. D'une manière générale, les enseignants ont contesté l'intervention de l'Elysée dans l'organisation pédagogique en critiquant ce qui est considéré comme une récupération de l'Histoire.

Reste à connaître les chiffres de la participation à cette commémoration politique contestée. Le ministère de l'Education avance des chiffres de l'ordre de 90%, voire 99%. Une mobilisation qui étonne par rapport aux différents témoignages qui remontent du terrain.

Articles de presse du 22 octobre 2007

- Hommage disparate au jeune résistant Guy Môquet (nouvelobs)
- Henri Guaino ravive la polémique sur Guy Môquet (Le Figaro)
- La lettre de Guy Môquet analysée par un psychiatre (Le Monde)

Document : la lettre de Guy Moquet

Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,

Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas ! J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je l'escompte sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée.

Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.

17 ans et demi, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine.

Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon coeur d'enfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime
Guy
Dernières pensées : Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !

*** Liens

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