Pourquoi les étudiants bloquent-ils les universités ?

Enquête · 8 nov. 2007 à 20:54

Manif Sorbonne

Avec la réforme des régimes spéciaux, le gouvernement s'attendait à des manifestations en novembre. En revanche, Nicolas Sarkozy et François Fillon n'avaient pas prévu un réveil des étudiants. Depuis une semaine, des dizaines d'universités ont été bloquées par des étudiants qui protestent contre la loi Pécresse instaurant l'autonomie des Universités. Mais cette loi a été votée au mois de juillet. Pourquoi manifestent-ils 3 mois plus tard ? Quelles sont les craintes des étudiants ?
Décryptage.

Des étudiants contre l'autonomie des Universités

La loi Pécresse prévoit une autonomie accrue des universités, ce qui signifie concrètement qu'elles peuvent avoir davantage recours à des financements privés. Tous les observateurs s'accordent à dire que l'enseignement supérieur manque cruellement d'argent. Mais puisque l'Etat n'a pas les moyens d'assurer un effort financier plus important, le gouvernement a trouvé comme solution le financement privé.
Les étudiants s'opposent à cette idée parce qu'elle instaure une logique marchande dans les universités : les filières scientifiques et attractives trouveront facilement des financements, mais les filières littéraires, artistiques ou de sciences humaines risquent de se retrouver sans argent. Nicolas Sarkozy, durant sa campagne, avait évoqué le problème du coût des universités et des échecs des étudiants au cours du premier cycle. Son gouvernement souhaite donc rétablir la situation en laissant plus d'autonomie aux universités qui pourront limiter les inscriptions aux étudiants et gérer comme elles le souhaitent leur établissement. Les étudiants craignent alors que cette loi génère un enseignement à deux vitesses : les universités attractives et les autres. Certaines filières risquent donc d'être en péril.

Une réaction tardive : 3 mois après le vote de la loi

Les étudiants ont mis du temps à réagir puisque la loi relative aux libertés et responsabilités des universités a été votée le 10 août dernier par le Parlement. Les premières manifestations de révolte sont nées à Rouen et à Toulouse dans les facultés de lettres, psychologie et sociologie, filières les plus touchées par cette loi. Ces facultés sont en grève depuis le 30 octobre. Ont suivi celles de Tolbiac et d'Aix-Marseille, fermées administrativement. Mais le mouvement a tardé à se mettre en place tout simplement parce qu'en été, les étudiants étaient en vacances. La rentrée universitaire n'a eu lieu qu'en octobre. Depuis les différentes associations syndicales se sont organisées pour informer les étudiants qui se mobilisent aujourd'hui.

Une pirouette comptable : les exonérations d'impôts

La ministre chargée de l'enseignement supérieur, Valérie Pécresse, et le premier ministre, François Fillon, déclarent ne pas vouloir privatiser les universités. En effet, ils proposent d'allouer 1.8 milliards d'euros aux universités dans le budget de l'Etat 2008 puis 5 milliards d'euros sur les cinq années à venir. Ces sommes sont conséquentes. Mais en réalité, l'Etat ne donnera pas d'argent. Il s'agit surtout de défiscalisation et autres avantages indirects. Autrement dit, l'Etat ne donnera pas 1,8 milliards de fonds supplémentaires, mais réduira le montant des impôts et des charges d'autant. Concrètement, cela change tout : les fonds ne sont pas directement disponibles, l'investissement est indirect.

Le manque de moyens dans les universités

Outre le fait que les exonérations d'impôts ne constituent pas de l'argent frais directement disponible, cet argent économisé ne bénéficiera pas aux étudiants. Il ne sera pas utilisé pour les bourses, les aides au logement ou le recrutement des enseignants mais essentiellement pour rattraper les retards de paiements des facultés.
Les budgets demeurent faibles. Ainsi, celui consacré aux étudiants en Licence restera plafonner à 40 millions d'euros alors que c'est en premier cycle que le taux d'échec est le plus élevé. 40% des étudiants se trouvent dans ce cycle. Enfin, le budget 2008 ne prévoit pas de création de postes alors les universités devenant autonomes vont avoir besoin de plus de personnel, plus qualifié de surcroît, pour s'occuper de la gestion, de l'immobilier, des ressources humaines.

Avec toutes ces incertitudes et ces prévisions pessimistes, le mouvement étudiant n'est pas prêt de s'essouffler.

*** Liens

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