breve · 15 nov. 2007 à 22:50
Depuis le début des grèves, il y a quelque chose qui cloche. La mobilisation du 18 octobre était historique. Mais la grève reconductible qui a débuté depuis le 14 novembre 2007 ne mobilise pas autant que prévu. Il y a bien ceux qui cherchent à faire une comparaison avec les grèves de 1995 mais tous reconnaissent que le contexte est très différent. Le geste de la CGT, accepter de négocier entreprise par entreprise alors que le syndicat s'y opposait 48 heures plus tôt, en dit long sur la résignation des dirigeants syndicaux. Et tous les commentateurs de la vie politique sont formels : la grève ne durera pas des semaines, elle sera peut être poussée jusqu'au 20 novembre, mais rien n'est moins sur. Une seule raison à ce rapport de force déséquilibré : l'état de l'opinion, majoritairement favorable à la réforme des régimes spéciaux. Mais selon le vieil adage, "on ne contourne pas un obstacle, on s'appuie dessus", plusieurs éléments indiquent que Nicolas Sarkozy entend bien se servir de ces mouvements sociaux. Explications.
Les négociations n'ont pas encore débuté mais tous savent déjà à quoi s'en tenir. Le gouvernement ne reculera pas sur les 40 ans de cotisation, symbole même de la réforme. En revanche, il cèdera à peu près sur tout le reste, les arrangements techniques étant peu perceptibles par l'opinion.
Le meilleur exemple de cette fausse stratégie de fermeté est l'accord trouvé avec un syndicat de cheminots, FGAAC, le 19 octobre dernier. Un système de bonifications leur permet de ne pas prendre leur RTT et de garder ce temps pour partir plus tôt en retraite : à 55 ans. Le ministre lui-même a fini par reconnaître sur France Inter qu'il s'agissait d'un régime spécial.
Autrement dit, officiellement, tout le monde passera à 40 ans. Dans les faits, des systèmes de bonifications, de prise en compte de la pénibilité permettront de contourner cette barrière symbolique des 40 années de cotisation.
A en croire plusieurs dirigeants syndicaux, la grève permettrait à Nicolas Sarkozy de montrer qu'il est capable d'imposer ses réformes, en résistant à la pression de la rue, là où Alain Juppé avait échoué en 1995. Le président ferait d'une pierre deux coups en réformant les régimes spéciaux et en dissuadant tous mouvements sociaux voués à l'échec car le calendrier 2008 s'annonce charger : application du service minimum en janvier 2008 et début des négociations sur la réforme du régime général de retraite. Autrement dit, sachant que l'opinion est derrière lui, Nicolas Sarkozy tarde un peu avant d'abattre ses cartes, pourtant connues de tous.
Selon le Canard Enchaîné daté du mercredi 14 novembre, Nicolas Sarkozy a demandé à l'UMP de se mobiliser pour contrer les mouvements sociaux et vanter ses mérites. La riposte a lieu en 3 temps :
1. Riposte classique : deux tracts ont été préparés par l'UMP. L'un, tiré à 300 000 exemplaires et distribué aux fédérations UMP, est destiné aux usagers des transports publics d'Ile de France. L'autre, imprimé à 1 million d'exemplaire, doit être distribué le week-end prochain en province pour souligner le caractère "juste, équitable et indispensable" de la réforme.
2. Riposte indirecte : l'UMP a suggéré à l'UNI, le syndicat étudiant de droite, de créer un Collectif des Etudiants Contre le Blocage (ECB). Dès le 9 novembre, le service de presse de l'UMP a publié un communiqué, signé collectif ECB, pour rappeler que les étudiants qui bloquent les facs sont minoritaires.
3. La contre-manifestation : Nicolas Sarkozy a lui-même suggéré l'idée au secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian. Sur le modèle de la contre-manifestation des Gaullistes en juin 1968, l'UMP pourrait organiser une manifestation de ceux qui sont contre les grèves et les régimes spéciaux. Un nom a même été avancé : "Marche citoyenne contre les privilèges". Mais plusieurs responsables UMP, à commencer par Jean-Pierre Raffarin, ont exprimé leur réticence à organiser une telle manifestation. Face aux mouvements sociaux, la provocation est à proscrire.
Quoi qu'il en soit, les hésitations des dirigeants syndicaux, la fragilité de la mobilisation et l'envie de ne pas installer le mouvement dans la durée sont autant de signes que le rapport de force est du côté du gouvernement. Et Nicolas Sarkozy entend bien se servir de cette victoire symbolique.
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