Télévision · 20 nov. 2007 à 19:35
Après les cheminots, c'est toute la fonction publique qui était en grève aujourd'hui : enseignants, postiers, journalistes dans l'audiovisuel public, personnels hospitaliers. Tous protestent contre la réduction des effectifs dans la fonction publique et la baisse de leur pouvoir d'achat. En la matière, la politique de Nicolas Sarkozy est claire : il veut réduire le nombre de fonctionnaires en ne remplaçant qu'un fonctionnaire sur deux au moment des départs en retraite. Les économies faites doivent être réaffectées pour moitié à la baisse du déficit, et pour moitié à la hausse des rémunérations en multipliant les heures supplémentaires.
Sur la question de la fonction publique, le clivage gauche-droite est très net : la droite considère qu'il y a trop de fonctionnaires et que la priorité doit aller à la baisse des déficits. A gauche, on considère qu'au contraire, il faut développer le service public, seul garant de l'égalité de traitement entre les territoires.
Le 23 septembre dernier, lors de la première édition de la nouvelle émission de Christine Ockrent, Duel sur la 3, un débat avait été organisé entre Annick Coupé, porte-parole nationale du l'Union Syndicale Solidaires et François de Closets, journaliste et écrivain. Thème du débat : y a-t-il trop de fonctionnaires ?
La plupart des médias parle de la fonction publique en général. En réalité, il y a des fonctions publiques : 2,5 millions de fonctionnaires travaillent dans la fonction publique d'Etat (ce sont notamment les enseignants), 1,6 million de fonctionnaire travaillent dans la fonction publique territoriale (ce sont ceux qui travaillent dans les collectivités territoriales : communes, départements, régions). Enfin, près d'un million de fonctionnaires travaillent dans la fonction publique hospitalière. Au total, la fonction publique compte donc 5,1 millions de fonctionnaires, ce qui représente 1 actif sur 5 en France.
Nicolas Sarkozy et François Fillon comptent diminuer le nombre de fonctionnaires. En 2008, 22 800 seront supprimés, ce qui correspond au non-renouvellement d'un départ à la retraite sur trois. C'est l'Education nationale qui est la plus touchée avec la suppression de 11 200 postes, suivi de la Défense avec 6 037 postes supprimés, 2 600 postes au ministère des Finances, 2 300 postes au ministère de l'Intérieur. Même le ministère de l'écologie, malgré le Grenelle de l'environnement, est touché avec la suppression de 1 200 postes.
En septembre, Christine Lagarde avait confirmé que le gouvernement préparait un plan de rigueur. Aussitôt, elle avait été désavouée par le Premier ministre qui préférait évoquer un plan d'assainissement des finances publiques, Claude Guéant parlant même de revalorisation de la fonction publique puisqu'il est prévu de mieux payer les fonctionnaires qui restent. En réalité, même si le mot est tabou en politique, il s'agit bien d'un plan de rigueur, c'est-à-dire une politique ayant pour seul objectif de diminuer le coût de la fonction publique.
Depuis 2002, les gouvernements successifs, ceux de Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, ont cherché à diminuer le nombre de fonctionnaires. C'est le cas par exemple de l'Education nationale où le nombre de postes aux concours d'enseignement est en baisse constante, toutes matières confondues, depuis 2003. Au total, le nombre global de fonctionnaires de la fonction d'Etat a commencé à diminuer depuis 2005. Pour autant, il n'y a pas de baisse des effectifs dans la fonction publique.
En effet, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière ont vu leur effectif augmenté : entre 1984 et 2004, les effectifs de la fonction publique des collectivités territoriales ont augmenté de 31%. Au cours de la même période, les effectifs de la fonction publique hospitalière ont également augmenté de 21%.
Le journaliste François de Closets publie depuis des années des pamphlets sur la fonction publique pour réclamer la baisse du nombre de fonctionnaires. Selon lui, dans tous les pays européens, on note une décroissance de la fonction publique. Ceci prouve qu'on peut diminuer le nombre de fonctionnaires sans diminuer la qualité de l'administration. Or, il n'y aurait qu'en France, qu'il y a une augmentation du nombre de fonctionnaires.
Il met en cause, non pas les fonctionnaires, mais l'administration, qui ferait le plus mauvais usage de ses agents. Or, l'Etat est considérablement endetté. Ce sont les contribuables qui payent le salaire des fonctionnaires pendant les 10 premiers mois de l'année. Mais l'Etat n'a plus d'argent pour assurer le salaire des fonctionnaires en novembre et décembre. L'Etat est contraint d'emprunter, d'augmenter le déficit, qui devra être remboursé par la génération future. A ce sujet, Jacques Attali avait eu une phrase assassine à propos de l'Education nationale : "ce sont les enfants des élèves qui payent le salaire des profs". Par conséquent, depuis 25 ans, l'Etat présente un budget en déficit et ne peut plus assurer le paiement des traitements des fonctionnaires sans avoir recours à l'emprunt.
François de Closets considère donc que la baisse des effectifs est une nécessité.
Pour Annick Coupé, porte-parole nationale du l'Union Syndicale Solidaires, la question de l'emploi public n'est ni une question mathématique, ni une question technique. Il s'agit avant tout du type de société que l'on souhaite. Or, les besoins de la fonction publique sont réels et on peut difficilement diminuer le nombre de fonctionnaires sans diminuer l'offre de service public.
En outre, elle n'est pas contre la diminution du nombre de fonctionnaires dans certains secteurs à conditions d'en renforcer d'autres qui manquent cruellement de moyens. C'est le cas par exemple dans les hôpitaux. Mais selon elle, la logique actuelle de baisse des effectifs est une logique purement libérale, aucune réflexion d'ensemble n'a été faite, seule compte l'ampleur de la suppression de postes.
François Closets est pour la baisse du nombre de fonctionnaires et il dénonce ceux qui mettent sur le même plan la baisse des effectifs dans la fonction publique et les licenciements dans les entreprises privées car cette baisse n'a pas la même signification dans le public et dans le privé. Dans le privé, lorsque l'on évoque la baisse des effectifs, il s'agit de licenciement. Aujourd'hui, en moyenne 10 000 travailleurs perdent leur emploi par jour. Dans le public, la baisse des effectifs signifie que l'on va réduire les embauches. Il considère donc que ce sont deux phénomènes totalement différents : d'un côté, il y a un problème social, de l'autre, il y a un problème administratif. Et le journaliste de conclure : "Personnellement, je trouve qu'il est obscène de mélanger les deux dans une même indignation et une même compassion. Ce n'est pas du même ordre".
Selon Annick Coupé, les postes supprimés ne devraient pas l'être car ils correspondent à de réels besoins. Sur les 5,1 millions d'emplois de fonctionnaires, il y a 760 000 emplois précaires qui correspondent à des contrats à durée déterminée. Or, si ces emplois existent, c'est parce qu'ils répondent à un besoin qui ne peut être satisfait par des fonctionnaires titulaires. Autrement dit, Annick Coupé explique qu'on peut diminuer le nombre de postes dans la fonction publique en diminuant les offres d'emploi aux concours de la fonction publique, mais il y a fort à parier que ces emplois supprimés seront compensés par des emplois précaires. Le meilleur exemple est celui de l'Education nationale. Le nombre de postes aux concours n'a cessé de diminuer depuis 2003 car il y aurait trop d'enseignants dans un contexte démographique de baisse du nombre d'élèves dans le secondaire. Mais dans le même temps, l'Etat continue à embaucher des vacataires pour palier au manque de professeurs dans de nombreuses académies.
Y a-t-il trop de fonctionnaires ? Dans certains secteurs, surement. C'est le cas par exemple des fonctionnaires du service des douanes qui sont toujours aussi nombreux alors que les frontières ont été supprimées entre les pays de l'Union Européenne. Mais dans d'autres secteurs, notamment dans la fonction publique hospitalière, il manque du personnel soignant. Sur ces cas précis, un consensus peut être trouvé entre la droite et la gauche. En revanche, sur la question globale des effectifs, le clivage demeure.
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