Les ennuis judiciaires de Jacques Chirac se précisent

Revue de presse · 28 nov. 2007 à 16:09

Chantage

En quittant l'Elysée en mai 2007, Jacques Chirac est redevenu un justiciable comme un autre. Cité dans de nombreuses affaires, il savait à quoi s'attendre mais pensait pouvoir bénéficier d'une certaine clémence liée à ses anciennes fonctions. Durant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac s'étaient d'ailleurs entretenus à ce sujet et le candidat de l'UMP s'était engagé à faire en sorte que le président sortant ne soit pas vraiment inquiété par la justice. Mais c'était sans compter sur la détermination d'une juge d'instruction et la volonté des cadres mis en cause de ne plus vouloir payer pour l'ancien maire de Paris. Le Canard Enchaîné évoque même le "chantage" des anciens directeurs de cabinet de Jacques Chirac. Explications

Les protections de Jacques Chirac n'ont pas fonctionné

A sa sortie de l'Elysée, l'ancien de l'Etat était confiant sur son sort judiciaire. L'ancienneté des affaires, son statut d'ancien président de la République, le soutien de Nicolas Sarkozy, devaient le protéger de tout ennui judiciaire. Certes, il savait qu'il serait entendu par la justice, mais sa mise en examen a pris Jacques Chirac de court.


Depuis des mois, les observateurs expliquent que l'ancien chef de l'Etat est protégé. Une condamnation par la justice porterait atteinte à la fonction. Peu avant l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac s'étaient rencontrés pour évoquer le sujet. Le candidat de l'UMP envisageait de modifier les règles de prescription pénale et d'exercer des pressions "amicales" sur les juges pour que toutes les affaires soient classées. Quelques affaires ont bien été étouffées. Dans un dossier d'emplois fictifs, Jacques Chirac a été entendu cet été, chez lui, sans devoir se déplacer au palais de justice et il devrait bénéficier d'un non-lieu.
Mais deux événements sont venus contrarier la paisible retraite de Jacques Chirac. Tout d'abord, aucun décret n'a été publié concernant une modification des règles de prescription. Selon un collaborateur de Nicolas Sarkozy, "l'aide que le Président apportera à Chirac sera proportionnelle à sa volonté pour tirer au clair l'affaire Clearstream. Sarkozy veut tout savoir sur cette machination". Deuxième problème pour Chirac : la juge Simeoni en charge du dossier des chargés de mission semble totalement hermétique aux pressions et veut aller jusqu'au bout, d'où la mise en examen de l'ancien chef de l'Etat.

Le "chantage" de ses anciens directeurs de cabinet

Mais le coup le plus dur pour Jacques Chirac est le "chantage", pour reprendre l'expression du Canard Enchaîné, exercé par les 4 anciens directeurs de cabinet de Jacques Chirac lorsque celui-ci était maire de Paris. Début novembre, avant la mise en examen de l'ancien président de la République, ils ont envoyé une lettre collective à la juge d'instruction dans laquelle ils précisaient qu'ils n'étaient pas à l'origine des contrats d'embauche des salariés fictifs et qu'ils n'en ont pas profité, sous-entendu, c'est Jacques Chirac qui a souhaité les avoir à ses côtés. Autrement dit, ils refusent de payer la note à la place de l'ancien maire de Paris et menace de tout révéler, même au-delà de cette affaire, si Jacques Chirac nie les faits. Les signataires veulent éviter d'avoir à rembourser les salaires des employés fictifs à la mairie de Paris dont le montant est estimé à 4 millions d'euros.

Les maladresses de la défense de Jacques Chirac

Officiellement, Jacques Chirac est "serein" et s'attendait à cette mise en examen. Mais dans les faits, le président de la République pensait pouvoir passer entre les gouttes. Or, ce n'est pas le cas. Non seulement la juge est déterminée à aller jusqu'au bout, mais l'ancien président de la République a quelques loupés dans sa défense. Ainsi, il affirme que ce sont des faits anciens qui se sont déroulés entre 1977 et 1995 et que cela ne concerne qu'une vingtaine d'emplois. En réalité, l'instruction ne concerne que la période 1983 et 1995 et l'ancienneté des faits est uniquement liée à l'immunité présidentielle dont il bénéficiait. Autrement dit, les faits ont bien 12 ans, mais pour la justice, il n'y a pas prescription puisque toute la procédure le concernant a été suspendue dès 1995 jusqu'en 2007. Aujourd'hui, pour la justice, c'est comme si les faits s'étaient déroulés il y a quelques mois.
Enfin, selon un ancien collaborateur, le nombre d'emplois fictifs pourrait être beaucoup plus élevé. Selon cette source, dès que le cabinet du maire de Paris a eu connaissance en 1995 de la prochaine ouverture d'une enquête judiciaire sur des emplois fictifs, des agendas entiers auraient été complétés et des rapports d'activités bidons auraient été rédigés pour éviter à d'autres chargés de mission d'être mis en cause.



*** Source Hervé Liffran, "Chirac sous la menace d'un grand déballage", Le Canard Enchaîné, Mercredi 28 novembre 2007, page 4

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