Le Canard enchaîné · 29 nov. 2007 à 12:14
Des violences urbaines ont éclaté cette semaine à Villiers dans le Val d'Oise à la suite de l'accident mortel de deux adolescents. Leur moto est entrée en collision avec une voiture de police. Juste après l'accident, des rumeurs ont circulé mettant en cause les policiers et des individus s'en sont pris aux forces de l'ordre et aux pompiers. Des voitures et des bâtiments publics ont été incendiés. Ces incidents rappellent la crise des banlieues de novembre 2005. Lorsque ce type d'événements se produit, les réactions politiques dans les médias sont de deux ordres : les uns dénoncent des actes délictueux qui doivent être lourdement sanctionnés par la justice, les autres préfèrent évoquer les difficultés sociales et la crise des banlieues pour tenter de comprendre comment on en est arrivé là. La crise des banlieues n'est pas récente. Depuis 20 ans, les gouvernements successifs ont mis en place de multiples dispositifs pour tenter de sortir de cette crise. Ce sont ces multiples politiques de la ville qui sont aujourd'hui très critiquées dans un rapport de la cour des comptes.
La cour des comptes vient de publier un rapport sur la gestion des crédits de la politique de la Ville. Ce rapport critique le manque de résultats de ces politiques de la ville et leur extraordinaire complexité. Dans son édition du mercredi 14 novembre 2007, le Canard Enchaîné révèle les principaux éléments du rapport. Et le bilan n'est pas très brillant.
D'après ce rapport, les politiques de la ville ont manqué de lisibilité, les dispositifs se sont empilés et l'ensemble est devenu très obscur. A chaque politique, une nouvelle abréviation : ZUS, ZRU, ZFU, ZEP. Depuis 1990, 19 ministres de la ville se sont succédés (Borloo, Fillon, Tapie, Vautrin...) et des organismes ont été créés successivement : Conseil Interministériel à la Ville (CIV, 1984), Délégation Interministérielle à la Ville (DIV, 198). Les Grands Projets Urbains (GPU) ont été transformés par Lionel Jospin en GPV, Grands Projets de Ville. Cet empilement a eu un coût très élevé.
La multiplication de plans a rendu très aléatoire le financement de ces politiques et celui des associations de quartier. Chaque année, ces associations doivent renouveler leur demande de subventions sans avoir la garantie de les obtenir. Alors que le travail d'une association devrait s'inscrire dans la durée, l'octroi de subventions annuelles complique donc la tâche des associations de quartier. D'une année sur l'autre, une association n'est pas certaine d'obtenir une subvention. Cette incertitude pèse très lourd sur les petites structures qui ne disposent pas de cagnotte de réserve. De fait, il y a un important turn-over (création/suppression) des associations de quartier, ce qui nuit au suivi des politiques.
L'empilement des structures rend peu lisible les politiques de la ville et coûte très cher. En outre, aucun des dispositifs mis en place successivement n'a été évalué. Les fonds sont dépensés mais on ne sait pas si ces politiques sont efficaces. Par exemple, dans les années 1990, l'Etat a multiplié les zones franches dans les quartiers défavorisés. Les entreprises sont incitées à venir s'installer dans les quartiers difficiles pour offrir de nouveaux emplois, en échange de quoi, ces entreprises sont récompensées en bénéficiant d'exonérations fiscales. Seul problème, selon le Canard Enchaîné, près d'un tiers des entreprises bénéficiant de ces exonérations ne sont que des simples boites aux lettres, elles n'ont aucun salarié.
En attendant, les difficultés persistent. Le chômage est deux fois plus élevé que la moyenne dans les quartiers difficiles, le taux d'illettrisme également. Les violences urbaines ont considérablement augmenté ces dernières années au point qu'en moyenne, près de 80 voitures brûlent chaque nuit, sans que ces actes ne fassent la Une de l'actualité.
Fadela Amara a donc pour tâche de préparer un ultime plan pour la banlieue, avec le risque d'empiler un niveau dispositif sur ceux déjà existants. Mais le gouvernement semble déterminer à agir autrement : au lieu d'accorder des aides à une zone, le gouvernement veut individualiser l'aide en favorisant les formations plutôt qu'en finançant de nouvelles infrastructures. Ainsi, le gouvernement fait le pari que l'argent sera mieux utilisé en aidant ceux qui souhaitent s'en sortir qu'en aidant indistinctement tous les habitants d'un même quartier.
*** Sources
- Enquête de la cour des comptes sur la gestion des crédits de la politique de la Ville, 2007
- Jean-François Julliard, "Le rapport qui ne fait pas de quartiers avec la politique de la ville", Le Canard Enchaîné, mercredi 14 novembre 2007, page 4
- Fadela Amara, l'anti-langue de bois
- Fadela Amara annonce un "plan anti-glandouille" pour la banlieue
- Les "jeunes" : analyse d'un terme utilisé par la droite et la gauche
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