Vidéos · 1er déc. 2007 à 22:01
Depuis plus de 4 ans, on était sans nouvelles d'Ingrid Betancourt. Il y a encore quelques semaines, certains diplomates évoquaient sa possible mort en raison du refus systématique des FARC de fournir une preuve de vie. Finalement, elle est arrivée vendredi 30 novembre. Mais les conditions dans lesquelles elle est parvenue et la lettre laissée par Ingrid Betancourt n'inspirent pas à l'optimisme. Retour sur l'itinéraire sinueux de la preuve de vie.
Ingrid Betancourt a été enlevée en Colombie en février 2002. Elle fait partie des 45 otages politiques détenus dans la jungle amazonienne par les FARC, forces armées qui exigent la libération de 500 guérilléros détenues dans les prisons colombiennes. Les dernières nouvelles d'Ingrid Betancourt dataient de 2003. Depuis, plus rien. L'obstination du président colombien, Alvaro Uribe, de refuser de négocier avec les FARC empêche toute libération.
Nicolas Sarkozy l'avait dit pendant sa campagne : il faisait de la libération d'Ingrid Betancourt l'une de ses principales priorités afin de mettre fin au calvaire de la franco-colombienne et de sa famille. Dans un premier temps, la stratégie du président de la République a été de jouer le jeu des FARC. Après l'insistance de la France, le président colombien s'est résolu à libérer un haut dirigeant des FARC pour entamer des négociations. Mais cette solution a vite tourné court.
Le président vénézuélien, Hugo Chavez, avec le soutien de Nicolas Sarkozy, s'est emparé du dossier en août 2007. Contesté dans son pays, préparant une constitution lui accordant les pleins pouvoirs, Hugo Chavez espère utiliser cette affaire médiatique pour améliorer son image sur la scène internationale. Pendant plusieurs semaines, le président du Venezuela a négocié directement avec les FARC et avec le président colombien. Premier objectif : obtenir une preuve de vie.
Fin novembre, alors que la médiation Chavez semble faire avancer le dossier, le président colombien décide contre toute attente de stopper les négociations. Alvaro Uribe considère qu'Hugo Chavez a fait une faute en contactant directement un haut gradé de l'armée colombienne. En réalité, de l'avis de nombreux observateurs, cette bourde d'Hugo Chavez a servi de prétexte à Alvaro Uribe à mettre un terme à des négociations qui allaient aboutir. Depuis le début, le président colombien joue un double-jeu : sur la scène internationale, il se montre ouvert à trouver une issue, mais sur la scène nationale, il se sert des FARC à des fins électorales. Alvaro Uribe a été élu grâce à sa fermeté vis-à-vis de la guérilla colombienne. La victoire contre les FARC sera une victoire armée.
Finalement, les autorités colombiennes ont réussi à mettre la main sur les preuves de vie que le président Hugo Chavez annonçaient avant d'être démis de ses fonctions de médiateur. Trois émissaires des FARC ont été arrêtées le 30 novembre 2007 avec en leur possession des cassettes vidéos et des lettres d'otages. Ces preuves de vie devaient être données aux familles en décembre. Si la vidéo d'Ingrid Betancourt et la lettre permettent d'affirmer qu'elle est bien en vie, le contenu de la lettre, les images et les conditions dans lesquelles ses preuves de vie ont été récupérées inspirent la plus grande inquiétude. Ingrid Betancourt est très atteinte physiquement et psychologiquement. Et les FARC ont annoncé qu'ils ne donneraient plus aucune preuve de vie pour éviter de nouvelles arrestations de leurs émissaires.
Dès que les médias ont eu connaissance de cette preuve de vie, la vidéo et des extraits de la lettre d'Ingrid Betancourt ont circulé sur Internet. Dans cette affaire, le rôle des médias est crucial. Hugo Chavez est intervenue avec succès pour tirer profit de cette affaire sur le plan international. La mobilisation en France permet de faire pression sur les gouvernements pour qu'une solution négociée soit enfin trouvée. La famille d'Ingrid Betancourt redouble d'efforts pour mobiliser l'opinion : pétitions, marches, interviews des membres de la famille Betancourt, tous les moyens sont utilisés pour qu'Ingrid Betancourt ne tombe pas dans l'oubli.
L'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy a incontestablement accéléré les choses. Outre la compassion et la sincérité de la démarche, Nicolas Sarkozy maîtrise parfaitement l'outil médiatique pour savoir qu'une libération d'Ingrid Betancourt aurait un retentissement international phénoménal. Uribe et les FARC ont accepté, samedi 1er décembre, que Nicolas Sarkozy joue un rôle central dans les négociations. Selon les FARC, "le président Sarkozy peut jouer un rôle crucial pour que le processus d'échange reprenne son cours initial qui produisait les meilleurs résultats avec Chavez".
Même Ingrid Betancourt, dans sa lettre, place tous ses espoirs dans la mobilisation française :
"Je sais que ce que nous vivons est plein d'inconnues, mais l'histoire a ses temps propres de maturation et le président Sarkozy est sur le Méridien de l'Histoire. Avec le président Chavez, le président Bush et la solidarité de tout le continent, nous pourrions assister à un miracle"
En février 2008, cela fera 6 ans qu'Ingrid Betancourt est retenue dans la jungle. L'équation "Sarkozy, Uribe, FARC, médias" pourrait constituer la formule miracle d'une probable libération.
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Infos : site web officiel du comité de soutien d'Ingrid Betancourt