Vente d'actions EDF : la précipitation de Sarkozy coûte 1 milliard d'euros

breve · 5 déc. 2007 à 23:26

Actions EDF

La semaine dernière, Nicolas Sarkozy a annoncé que l'Etat allait vendre 3% de titres EDF pour financer un plan d'aide pour les universités. Au total, cette vente devait permettre à l'Etat de récupérer 5 milliards d'euros pour financer son plan. Sauf que la précipitation de Nicolas Sarkozy et le cafouillage du ministère de l'économie ont fait perdre près d'un milliard d'euros en 72 heures.
Retour sur une bourde qui vaut un milliard.

Objectif : financer un plan d'aide pour les universités

Depuis près d'un mois, les étudiants manifestent contre le projet de loi sur l'autonomie des Universités, craignant notamment une privatisation de l'enseignement supérieur. Depuis des années, les universités manquent cruellement d'argent et les facs françaises descendent dans les classements internationaux année après année. Endetté, l'Etat n'a pas les moyens de faire l'effort financier indispensable pour que les universités récupèrent leur retard, d'où la solution de financements privés pour compléter les budgets des universités.
Mais au-delà de la contestation du projet, les étudiants manifestent pour protester contre leurs mauvaises conditions d'études : les logements étudiants sont insuffisants, le montant des bourses trop faible. Après plus d'un mois de manifestations et de blocages en tout genre, le gouvernement a donc décidé de financer un plan d'aides, d'un montant de 5 milliards d'euros.

Jeudi 29 novembre : Sarkozy annonce la vente d'actions EDF

Faute de moyens, le gouvernement va financer ce plan en procédant à la vente d'actions EDF détenues par l'Etat. C'est Nicolas Sarkozy en personne qui a annoncé ce plan jeudi 29 novembre en précisant que 3% des parts d'EDF seraient vendues pour un montant de 5 milliards d'euros. Aujourd'hui, l'Etat possède 87% d'EDF, après cette vente, il en détiendra 83%.

Christine Lagarde et Bercy sont pris de court

Seul problème, l'annonce de Nicolas Sarkozy a pris de court le ministère de l'Economie qui n'était pas au courant de l'arbitrage présidentiel. Christine Lagarde a appris la nouvelle à la télévision si bien que le lendemain, Bercy n'était absolument prêt à mettre en vente ces actions, un minimum de démarches administratives est nécessaire. Faute d'une coordination entre l'Elysée et le ministère de l'Economie, il a fallu attendre lundi 03 décembre pour que l'Etat mette en vente ces actions. Et ce délai de 72 heures coûte cher car entre temps, le cours de l'action a baissé de 3% et la capitalisation publique a perdu 4,7 milliards d'euros. Cette chute était prévisible et correspond à une règle de base des boursiers : pourquoi acheter cher aujourd'hui ce qu'on peut avoir pour moins cher demain, puisqu'un plus grand nombre d'actions sera mis sur le marché.

Un manque à gagner de près d'un milliard d'euros

Résultat : lundi 3 décembre, l'Etat a vendu 2,47 % des titres d'EDF (soit 45 millions d'actions) mais non pas pour un montant de 5 milliards d'euros, mais pour un montant de 3,7 milliards d'euros, suite à la baisse du cours de l'action. Autrement dit, pour financer le plan d'aide aux universités, l'Etat devra vendre à nouveau des actions d'EDF. Pour faire passer la pilule de ce raté, l'Etat pourrait procéder à la vente d'actions EDF uniquement aux salariés de l'entreprise. En détenant 83% des parts d'EDF, l'Etat a encore une grande marge de manoeuvre puisque selon la loi, l'Etat doit conserver 70% des parts de l'entreprise.

De l'argent frais à courte vue

Cette stratégie de vente d'actions semble être à courte vue. Non seulement la précipitation présidentielle a fait perdre près d'un milliard d'euros à l'Etat, mais en vendant des actions, l'Etat se prive de dividendes sur le long terme. En effet, le groupe EDF est en excellente santé financière au point que début novembre, le ministère de l'Economie a réclamé à l'entreprise une avance sur dividendes pour boucler le budget 2007 d'un montant de 920 millions d'euros. Plus l'Etat vend ses parts, moins il pourra compter sur ces dividendes de fin d'année.


*** Sources
- Interview de Nicolas Sarkozy, TF1-France 2, Jeudi 29 novembre 2007
- "Sarko disjoncte en Bourse", Le Canard Enchaîné, mercredi 5 décembre 2007
- Jean-Michel Bezat, "L'Etat ne retire que 3,7 milliards d'euros de la vente de 2,5 % d'EDF", Le Monde, mercredi 5 décembre 2007

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