breve · 22 jan. 2008 à 23:55
Nicolas Sarkozy n'a aucun tabou avec l'argent : vacances luxueuses, train de vie de star, Rolex et rayban, le chef de l'Etat affiche sans complexe son goût du luxe. Au cours de la série en 30 épisodes que Politique.net vient de débuter, nous verrons que l'Elysée n'hésite jamais à la dépense. Pourtant, dépenser sans compter n'interdit pas un minimum de rationalisation. Ce sera donc la seule fois, dans cette longue série inédite qui commence, où nous aurons l'occasion d'évoquer la chasse aux gaspillages entreprise par Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy. Un exemple ? Traditionnellement, les administrations s'envoyaient mutuellement des cartes de voeux pour la nouvelle année. Elle y a mis fin.
Politique.net propose une série sur l'argent du pouvoir en 30 épisodes : Quel est le coût des déplacements présidentiels ? Comment un élu de 6000 habitants peut-il cumuler 7000 euros de revenus ? Comment 160 000 pièces du mobilier national ont-elles pu disparaître des ministères ? A chaque fois, les sources sont publiées en bas de page et les estimations recoupées à partir de plusieurs enquêtes pour essayer de s'approcher au plus près de la réalité.
Episode 2 : La directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy part à la chasse aux gaspis
Lorsqu'Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet de l'Elysée, a pris ses fonctions, le chef de l'Etat lui a confié la gestion des finances de l'Elysée afin de revoir l'ensemble des dépenses, de rationaliser le budget et réduire les coûts. Pour l'assister dans cette tâche, Emmanuelle Mignon a sollicité les services d'un "cost killer" (tueur de coûts), qui travaille dans le privé et qui est spécialisé dans les audits des comptes et la recherche d'économies. L'objectif est de réduire les dépenses de fonctionnement.
Nicolas Sarkozy est entouré de 49 conseillers, et 50 autres travaillent dans les différents cabinets. Jusqu'à présent, tous les collaborateurs du chef de l'Etat étaient nourris gratuitement par l'Elysée. Emmanuelle Mignon a mis fin à ce privilège. Désormais, les notes de frais ne sont acceptées que si le conseiller peut justifier qu'il s'agissait d'un déjeuner de travail. Dans le cas contraire, les conseillers dégustent des plateaux-repas sur le coin de leur bureau, moyennant la somme de 6 euros.
Dès son arrivée à l'Elysée, la directrice de cabinet a repéré quelques anomalies très coûteuses. Par exemple, jusqu'en mai de l'année dernière, il y avait des permanences de nuit qui mobilisaient du personnel tous les soirs pour qu'un repas pour 10 personnes invitées puisse éventuellement être servi. Ces permanences de nuit ont été supprimées, car "trop coûteuses et inefficaces" selon elle. Les dîners organisés sont désormais prévus à l'avance.
De même, elle s'est rendue compte que le sommelier du château traitait tous les hôtes de la même manière, qu'ils soient ministres, parlementaires ou simple élu, en leur servant systématiquement des grands crus. Emmanuelle Mignon a donc demandé à ce que des vins intermédiaires soient achetés pour les visiteurs de second rang. L'économie réalisée serait de plusieurs dizaines de milliers d'euros par an.
Pendant longtemps, les principaux collaborateurs du président étaient logés tous frais payés (y compris le téléphone, l'eau et l'électricité) au 11 quai Branly dans le palais de l'Alma. C'est là que résident, par exemple, le secrétaire général, Claude Guéant, le conseiller spécial, Henri Guaino. Non seulement Emmanuelle Mignon a réduit la liste des conseillers logés par l'Etat, mais désormais les charges reviennent à leur locataire.
Par ailleurs, au début du XXe siècle, les conseillers vivaient à l'Elysée. Il existe donc une quarantaine de salles de bains, et presque autant de petites cuisines, dans le palais de l'Elysée. Ces pièces n'ont aujourd'hui plus aucune justification, et des bureaux pourraient y être installés.
En ce qui concerne la gestion du personnel, la directrice de cabinet compte bien revenir sur certains avantages, notamment au niveau du rythme de travail. Cet été, elle a eu la surprise de découvrir que tous les chefs de service étaient en congé au même moment, tout simplement parce que ces fonctionnaires avaient droit à 10 jours de vacances en plus de leurs RTT et des 5 semaines de congés payés. Elle entend donc revenir sur ce type de privilèges pour faire des économies sur la gestion du personnel.
Ce travail de réduction de coûts ne signifie pas pour autant une baisse des dépenses de l'Elysée. En effet, la Direction du patrimoine a été chargée de réaliser un audit de la présidence afin d'établir le coût des prochains travaux. Si les appartements du roi où loge Nicolas Sarkozy ont été refaits sous Chirac, certaines pièces du château auraient besoin d'être rafraichies. Voilà ce qu'Emmanuelle Mignon déclarait au Figaro pour justifier ces travaux : « Il n'y a pas eu de travaux depuis trente-cinq ans. L'autre jour, dans le salon des ambassadeurs, un morceau d'angelot s'est détaché et a failli tomber sur un homologue de Sarkozy ! ». Autrement dit, les économies réalisées sur le budget seront aussitôt dépensées.
*** Sources
- Charles Jaigu, "Emmanuelle Mignon, la bûcheuse de l'Élysée", Le Figaro, 16 janvier 2008
- Sylvie Pierre-Brossolette, "Enquête sur l'Etat Sarkozy", Le Point n°1938, Décembre 2007
- Eric Mandonnet, "Sarkozy et l'argent de l'Elysée", L'Express, novembre 2007
- Le tabou de l'argent du pouvoir
- La polémique sur l'augmentation de salaire de Sarkozy
- Nicolas Sarkozy a perçu son salaire de ministre de l'intérieur de mai à décembre 2007
- Le budget de l'Elysée a été multiplié par 9 sous Jacques Chirac
- Le problème du budget de l'Elysée
- L'Elysée, un château entretenu par les autres ministères
- Les résidences du président de la République
- Jacques Chirac, une retraite à 30 000 euros par mois
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