breve · 24 jan. 2008 à 22:55
C'est devenu une habitude et personne ne s'en étonne. A chaque jour de grèves, deux estimations circulent dans les médias : le taux de grévistes fourni par le ministère, et celui par les syndicats. L'un est toujours plus élevé que l'autre. Mais qui dit la vérité ?
Aujourd'hui, les salariés de la fonction publique étaient en grève, notamment ceux de l'éducation nationale. Depuis la rentrée de septembre, c'est la deuxième journée d'action des enseignants. Le 20 novembre dernier, ils manifestaient déjà pour obtenir une augmentation de leur pouvoir d'achat et protester contre la réduction des effectifs. Cette fois-ci, toutes les fédérations syndicales appelaient à manifester même le SNALC (Syndicat national des lycées et collèges) qui se déclare apolitique mais qui est en fait situé à droite. Le fait que ce syndicat, dont les membres ont largement voté pour Nicolas Sarkozy, appelle à la grève, est un signe de la tension qui monte au sein de l'Education nationale.
A chaque grève, syndicats et ministère publient les chiffres de la mobilisation. Et à chaque fois, celui du ministère est plus faible que celui des syndicats. Le pouvoir a intérêt à minimiser l'ampleur de la protestation alors que les syndicats ont intérêt à gonfler les chiffres pour montrer l'importance de la contestation.
A la mi-journée, le ministère annonçait un taux de grévistes de 34,21 % pour les personnels de l'éducation portant sur l'analyse des chiffres de 27 académies sur 30. La précision du chiffre et la base solide de référence sont censés prouver la fiabilité de l'estimation.
D'ailleurs, les chiffres sont exacts. Au premier regard, le mode de calcul du nombre de grévistes semble logique : le ministère comptabilise le nombre de grévistes, par rapport au total des effectifs de la fonction publique.
Les chiffres des syndicats sont beaucoup plus élevés. Selon eux, environ 55 % des personnels de l'éducation nationale étaient grévistes aujourd'hui dans les collèges et lycées. Ces chiffres ont été établis à partir des remontées de 400 établissements sur tout le territoire.
La bataille des chiffres peut donc s'enclencher : 34% pour le ministère, 55% pour les syndicats.
Le mode de calcul des syndicats est différent de celui du ministère : ils comptabilisent le nombre de grévistes par rapport au nombre de personnes qui devaient travailler ce jour-là. En effet, un enseignant du secondaire travaille 18h devant élèves (le temps de préparation des cours et de correction de copies n'est pas comptabilisé). De fait, de nombreux enseignants ne travaillent donc pas à la date fixée pour la grève. Les syndicats considèrent donc qu'il faut calculer le taux de grévistes par rapport au nombre de personnes qui sont censées réellement travailler ce jour-là.
Et voilà comment s'explique l'écart : le chiffre du ministère revient à considérer d'office que ceux qui ne travaillent pas ce jour-là ne sont pas grévistes (alors que formellement, on ne peut pas connaître leurs intentions) alors que les syndicats calculent le taux de grévistes par rapport à ceux qui étaient censés travailler ce jour-là.
L'administration de chaque établissement fait toujours remonter les deux chiffres : celui ramené à l'ensemble du personnel et celui calculé par rapport à ceux qui devaient effectivement travailler ce jour-là. Mais le ministère ne communique toujours que le premier chiffre.
Moralité, aucun des deux chiffres n'est faux d'un point de vue mathématique. Mais celui des syndicats est le bon chiffre car il prend en compte le nombre de personnes qui font grève par rapport à ceux qui devaient travailler. Malgré cela, les journalistes préféreront utiliser les deux chiffres, pensant ainsi donner une moyenne, qui pour le coup ne représente aucune réalité chiffrée.
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