Enquête · 27 jan. 2008 à 19:30
La politique est devenue un bien de consommation comme un autre. La vie politique se décline désormais sous tous les supports qui font vendre : livres, presse, photographies. Si le phénomène n'est pas nouveau, il s'est accéléré depuis quelques années au point que les responsables politiques ont désormais été récupérés par la presse people. Dans cette marchandisation de la politique, une nouvelle étape a été franchie avec la conception de campagne publicitaire où le produit est vanté par les hommes politiques eux-mêmes. RTL et Europe 1 s'y sont essayés, et plus récemment, la Mutualité Française a récupéré des affiches de la campagne 2007. Depuis deux ans, les politiques sont devenus des acteurs malgré eux de publicité commerciale. Décryptage.
C'est la première radio de France qui avait été l'une des pionnières en matière de publicité politique. En février 2006, RTL avait financé une campagne de communication bâtie sur son slogan "Vivre ensemble" avec des "couples" politiques : Ségolène Royal et François Hollande, Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin. Les intéressés n'avaient pas été contactés pour donner leur accord préalable. Le Premier ministre de l'époque, Dominique de Villepin, s'en était d'ailleurs agacé en déclarant que les hommes politiques "n'avaient pas vocation à devenir des mannequins publicitaires, ni à faire la publicité de quelque marque que ce soit".
Quelques mois après la campagne de RTL, Europe 1 l'avait imitée en faisant une campagne publicitaire avec comme mannequins vedettes quatre responsables politiques de premier plan : Bayrou, Sarkozy, Royal, Lang. Ces derniers apparaissaient déguisés en "jeunes" au-dessus d'un slogan un peu racoleur : "Que faire pour que les jeunes croient de nouveau à la politique ?". Là encore, les personnalités politiques en question n'avaient pas été contactées et n'avaient pas donné leur accord pour le détournement de leur image.
A son insu, Laurent Fabius a été l'acteur d'une campagne de publicité pour le magazine people "Voici" en septembre 2006. L'hebdomadaire à scandales s'est amusée à reprendre la phrase choc que l'ancien Premier ministre avait prononcé en pleine primaire socialiste, le 24 Août 2006, lors d'une interview au magazine L'Express à propos de Ségolène Royal : "Je préfère dire Voici mon projet, plutôt que : mon projet, c'est Voici". Il s'était moqué ainsi de la favorite des sondages, une icone sans projet.
Sauf que Laurent Fabius a été pris à son propre piège puisque l'hebdomadaire a financé une campagne d'affichage en reprenant sa phrase avec ce commentaire "Quand Laurent Fabius nous fait de la pub, c'est Royal". Il avait répliqué dans un communiqué en expliquant qu'il était "tout à fait opposé à la dérive people de la politique et de la presse, et cette utilisation faite à [son] insu, [le] renforçait dans sa conviction".
L'ancien candidat malheureux à la présidentielle oubliait de dire à l'époque qu'il avait lui-même participé à une publicité pour le journal Les Echos. En 1999, lorsqu'il était président de l'Assemblée Nationale, il avait accepté de prêter gratuitement son image avec le slogan "Quand j'avance des propositions, j'ai besoin d'une analyse serrée des faits". Il s'était alors justifié en qualifiant cette opération "d'aide à la presse".
La dernière campagne publicitaire mettant en scène des responsables politiques a été financée par la Mutualité française. Le 23 octobre 2007, une publicité déclinée sous trois pleines pages avait envahi les quotidiens français. On y voyait Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et Jean-Pierre Davant, le président de la Mutualité française. A chaque fois, on y voit une des trois personnalités derrière un pupitre, en plein meeting, avec un chiffre : 17 millions de personnes pour Ségolène Royal, 19 millions de personnes pour Nicolas Sarkozy et 38 millions de clients des mutuelles de France. Contrairement aux publicités précédentes, les intéressés avaient été contactés par La Mutualité Française et n'avaient pas opposé de veto. Mieux, l'agence de pub chargée de la réalisation de la campagne s'était même tournée vers le Parti Socialiste pour obtenir une photographie de Ségolène Royal en meeting. Les clichés de Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont été achetés environ 1000 euros pour être exploité dans la campagne publicitaire.
Ces différentes campagnes de publicité montrent bien que les politiques, loin du désamour des électeurs, font vendre. La marchandisation de la vie politique se décline sous tous les supports, et les responsables politiques eux-mêmes sont devenus des mannequins publicitaires, souvent à leur insu. Prochaine étape, des publicités avec des responsables politiques consentants et rémunérés ?
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