Revue de presse · 29 jan. 2008 à 22:50
Nicolas Sarkozy a effectué son 29ème voyage officiel, toutes sorties confondues, depuis son arrivée à l'Elysée. Destination : l'Inde. Contrairement aux autres voyages, l'objectif de ce déplacement était plus politique qu'économique. Aucun contrat chiffré n'a filtré, le chef de l'Etat s'est contenté de rencontrer les autorités du pays et s'est prêté volontiers aux cérémonies officielles de la célébration de l'indépendance. Au lendemain de ces 48 heures de voyage, la presse dresse donc un bilan mitigé de ce voyage dont les finalités et les retombées politiques et économiques ne sont pas évidentes. En revanche, on en sait un peu plus sur les coulisses de ce voyage, qui en disent long à la fois sur le dispositif de l'Elysée pour que les médias couvrent l'événement et sur les relations entre la presse et le pouvoir.
- Le Monde : 37 heures à Delhi
- L'Express : "De retour de Bombay"
- Le Figaro : Nicolas Sarkozy visite seul le Taj Mahal
Le journaliste du Monde, Philippe Ridet, a rendu compte, dans les colonnes de son quotidien, des coulisses du voyage en Inde de Nicolas Sarkozy. L'Elysée a ainsi accrédité 80 journalistes et techniciens pour couvrir l'événement, en échange de quoi, ces derniers ont dû débourser chacun le somme de 1 500 euros pour les frais d'avion et d'hôtel.
Pour que le voyage officiel de Nicolas Sarkozy soit couvert intégralement, les journalistes ont été regroupés en « pools », c'est-à-dire en équipes. Il leur aurait été impossible de suivre tous les événements officiels prévus en Inde. Pour être certain que les événements hors programmes seront également couverts, un « éventuel pool » est organisé. Pourtant, si l'Elysée semble avoir bien balisé le voyage, les journalistes, de leur côté, ne sont pas contents. Ils n'ont pas décidé de l'événement qu'ils ont à suivre, c'est l'organisatrice des voyages officiels présidentiels, Evelyne Richard, qui les a répartis dans les pools et leur a imposé le programme. Tous les journalistes sont donc mécontents... Tous sauf Jean-Pierre Elkabbach qui a eu le privilège de voyager dans le même avion que le chef d'Etat, à l'écart de ses confrères. On se souvient combien les Guignols de l'Info se sont moqués de la complicité de Nicolas Sarkozy et du patron d'Europe 1 pendant la campagne présidentielle. De nouveau, force est de constater les liens que le Président entretient avec les dirigeants des grands médias et les honneurs qu'il leur accorde, quitte à créer la polémique.
Il ressort de ces 37 heures de séjour en Inde une impression de grand cafouillage. D'abord, les journalistes affichent leur mécontentement envers l'organisation même du voyage, ensuite, il semblerait que la venue de Nicolas Sarkozy en Inde soit uniquement diplomatique et non économique. Mais avant de comprendre que la France ne signerait pas de contrats avec son hôte, les journalistes ont fait montre de beaucoup de patience. Le service de presse de l'Elysée a voulu organiser un briefing avec le porte-parole adjoint, Pierre-Jérôme Hénin, pour gagner du temps. Après plusieurs rendez-vous reportés, des embouteillages, des repas officiels, le conseiller parvient à rencontrer la presse et expliquer en off les dessous du voyage présidentiel.
Si les journalistes ont perdu beaucoup de temps et n'ont guère obtenu des informations intéressantes, Nicolas Sarkozy ne semble guère plus réjoui. A peine arrivé en Inde, il se rend sur la tombe du Mahatma Gandhi. Quittant les lieux, il se contente de signer le livre d'or, sans laisser de message ni exprimer un mot. Les journalistes couvrant l'événement sont déçus : hormis quelques images, ils n'ont récolté aucune parole présidentielle. Le lendemain, le Président assiste à la parade du jour de l'indépendance sur Raj Path, attraction qui semble également l'ennuyer : une caméra indienne le surprend en train de se regarder les ongles tandis que sa délégation a quitté les lieux un quart d'heure avant la fin du défilé.
Enfin, la presse indienne et française a rencontré le Président pour une conférence. Deux questions par pays sont prévues. Côté France, on opte pour la diplomatie et la Société générale. Mais depuis la conférence du 8 janvier, les tensions entre les journalistes et Nicolas Sarkozy sont palpables. Celui-ci refuse de répondre à certaines questions prétextant qu'en démocratie, il n'y a qu'au commissariat que l'interrogé a des obligations envers son interlocuteur.
Au final, le bilan de ce voyage est mitigé : pas de contrats entre la France et l'Inde, pas de réponse de la part du Président à certaines questions de journalistes...
En outre, une ombre a plané pendant tout le séjour : Carla Bruni. Les rumeurs sur sa venue n'auront cessé de courir. Dès l'organisation des pools dans l'avion les menant en Inde, l'agacement se fait sentir. Tous les journalistes pronostiquent sur la présence de la chanteuse à tel ou tel endroit. Certains espèrent être dans « l'éventuel pool », le pool hors programme, au cas où elle viendrait pour une petite escapade imprévue avec le Chef d'Etat. L'ambassadeur de France en Inde, Jérôme Bonnafont, tente de mettre fin aux rumeurs en annonçant que Carla Bruni n'est pas du voyage, pourtant, jusqu'à leur retour en France, les journalistes continuent d'espérer.
Pour la première fois d'ailleurs dans un voyage officiel, des journalistes people sont conviés à couvrir l'événement. La directrice de la rédaction de Point de Vue, Colombe Pringle, est particulièrement enthousiaste : elle espère bien que le couple le plus en vue de ces dernières semaines aura l'occasion de se retrouver en Inde. Les journaux indiens comme l'Indian Times, annoncent que Carla Bruni pourrait assister à la cérémonie au Taj Mahal, « temple de l'amour », avant de se rendre au festival du film français à Bombay.
Finalement Carla Bruni n'est pas venue en Inde mais elle aura fait parler d'elle. Les journalistes qui ont fait couler beaucoup d'encre sur la peopolisation de la politique ont prouvé, une nouvelle fois, leur part de responsabilité.
En Inde, Nicolas Sarkozy a voyagé avec une délégation spéciale. Outre le journaliste Jean-Pierre Elkabbach, ses habituels conseillers, Jean-David Levitte, Henri Guaino et Catherine Pégard, ainsi que cinq ministres et cinq parlementaires l'accompagnent. Mais il y avait un grand absent : le porte-parole de l'Elysée, David Martinon. Officiellement, il est resté à Paris pour s'occuper de sa campagne à Neuilly-sur-Seine. En réalité, Nicolas Sarkozy est particulièrement en colère contre son conseiller qui mène une campagne désastreuse dans la ville qui n'a cessé de le plébisciter pendant des années. Certaines rumeurs prétendent que David Martinon serait écarté de l'Elysée une fois les élections municipales passées.
Autre malaise ressenti lors du voyage officiel : le déni de Nicolas Sarkozy envers celle qui figurait jusqu'alors sa protégée : Rachida Dati. A nouveau, il apparaît que les frontières entre vie privée et vie publique soient floues : l'ancienne amie privilégiée du couple Nicolas/Cécilia Sarkozy est désormais exclue du sérail et hérite d'une position au sein du gouvernement fort inconfortable.
Le voyage officiel en Inde du Président de la République aura suscité de nombreuses frustrations de la part de tous. D'abord, Nicolas Sarkozy lui-même semble s'être ennuyé, n'ayant pas de contrats à signer. Il s'est contenté d'assister à des cérémonies officielles. L'organisation a passablement agacé certains journalistes. Et des tensions au sein de la délégation de Nicolas Sarkozy ont illustré l'absence de sérénité du pouvoir exécutif. La baisse de la cote de popularité du président de la République au profit de son Premier ministre n'y est pas étrangère.
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- Compagnie aérienne de la République : 8 appareils et 4500 euros l'heure de vol
- Le voyage en Chine de Sarkozy : les droits ou les contrats
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