Eco + Net · 1er fév. 2008 à 23:26
Le moral des Français est au plus bas. Les dernières enquêtes d'opinion réalisées dans les différents pays européens révèlent un niveau de pessimisme inégalé en France. L'avenir est une crainte, la peur de perdre son emploi est permanente et le scepticisme est total à l'égard d'un pouvoir politique incapable de résoudre la crise de pouvoir d'achat.
L'économie, la politique et le social sont liés. Quand l'économie déraille, le gouvernement mène une politique de rigueur qui préfigure un mécontentement social. En clair, une crise financière entraîne une crise économique, qui entraîne du chômage et du déficit budgétaire, lequel ne se résorbe que par une politique de hausse d'impôts et de baisse des dépenses (santé, éducation). C'est le scénario catastrophe. Et cette semaine, le coup de grâce est venu du quartier de La Défense à Paris : un trader aurait fait perdre à la Société Générale près de 5 milliards d'euros. Nicolas Sarkozy réclame la démission du président de la Société Générale, les épargnants s'inquiètent, le Français moyen broie du noir.
Retour sur le traitement médiatique du plus grand scandale financier du monde.
Cette semaine, la Société Générale a annoncé une perte record de près de 5 milliards d'euros. Selon la version officielle, un trader travaillant dans le quartier de la Défense a caché pendant des mois des opérations boursières à la banque. Il aurait effectué des opérations fictives, achat et vente de produits financiers, sans en avertir ses supérieurs. Pour clarifier et assainir ses comptes, la Société Générale a donc vendu les titres acquis par le trader. Sauf qu'en pleine crise boursière, la perte s'élève à près de 5 milliards d'euros.
Devant l'ampleur des dégâts, le président de la Société Générale a proposé sa démission à son conseil d'administration et celle-ci a été refusée. Un capitaine ne quitte pas le navire en pleine tempête.
Pourtant, Nicolas Sarkozy en personne s'est prononcé pour un départ du président de la Société Générale. C'est qu'entre temps, l'affaire a fait des dégâts considérables dans l'opinion : les clients craignent pour leur épargne, les salariés de la Société Générale s'inquiètent d'un rachat (Offre Publique d'Achat) de la banque par une banque étrangère et l'opinion qui se plaint d'un problème de pouvoir d'achat reste effarée devant l'ampleur des pertes.
Pour clôturer la semaine en beauté, Le Parisien révèle dans son édition du 1er février, que Daniel Bouton, le PDG de la Société Générale, aurait parfaitement géré ses stocks options en les vendant dans le courant de l'année 2007 avec une plus-value (un bénéfice net pour lui) de 7 millions d'euros.
Les chiffres sont terribles : 5 milliards de perte pour la banque, 7 millions de bénéfice pour son président.
Face à tous ces chiffres dont les proportions échappent en grande partie à l'opinion, les médias sont restés curieusement très obscurs. "Le trader, qui officiait sur les marchés à termes, aurait réalisé des opérations fictives sans se couvrir. Travaillant dans le back-office à la Défense, il aurait voulu montrer qu'il était un trader d'exception".
L'élite financière et l'étudiant en Master d'économie comprend. Le lecteur moyen de la presse quotidienne et le téléspectateur des journaux de 20 heures n'y comprend pas grand chose. Aux détails précis de l'affaire, l'opinion préfère ne retenir que les chiffres symboliques et le raisonnement de bon sens d'Olivier Besancenot : avec 5 milliards de perte, la banque n'est pas en faillite. Cela signifie donc qu'elle avait largement les capacités financières pour procéder à une augmentation de salaire de ces salariés. Et voilà comment on part d'un scandale financier pour aboutir à la crise du pouvoir d'achat et à la stigmatisation d'une élite financière qui joue avec des milliards et reste en place même en cas de perte.
L'absence d'information étant par nature anxiogène, pourquoi la presse et les journaux télévisés n'ont-ils pas essayé d'expliquer plus concrètement l'affaire de la Société Générale ? Trader, marchés à terme, backoffice, sont des termes très obscurs.
En réalité, faire preuve de pédagogie rappelle l'école. Et l'école, c'est ennuyeux, tout le monde le sait. Publier en Une de la presse : "Lexique d'un trader" ne fait pas vendre. Il vaut mieux publier le document brut du procès verbal du trader : on n'y comprend pas grand chose, mais le lecteur a l'impression d'y être. Le lecteur revit la garde-à-vue du "trader fou" comme l'ont surnommé certains journaux.
Parce que politique et économie sont indissociables et que la pédagogie fait partie de notre métier, on a décidé à Politique.net de tenter de vous expliquer l'affaire de la semaine en vous proposant un cours simplifié d'économie. Qu'est-ce qu'un trader ? Un marché à termes ? Un Front-office ? C'est le week-end de l'économie sur Politique.net, ou comment devenir un "trader" en 5 leçons.
L'affaire de la Société Générale
- Trader, marchés à terme, front office : le vocabulaire de l'élite, la peur de l'opinion
- L'affaire de la Société Générale expliquée par les journaux télévisés
Comment devenir trader en 5 leçons
1. Qu'est-ce qu'un trader ?
2. Qu'est-ce qu'un Front office, un middle office et un back office ?
3. Qu'est-ce qu'un marché à terme ?
4. Que signifie "prendre des positions" et "se couvrir" ?
5. Comment faire perdre à sa banque 5 milliards d'euros ?
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