Qu'est-ce qu'un marché à terme ?

Eco + Net · 3 fév. 2008 à 22:04

Marché à terme

Cette semaine, dans la presse, on pouvait lire ceci : "Le trader de la Société Générale travaillait comme arbitragiste dans le domaine des futures, des contrats à terme sur les actions". Vous n'avez rien compris ? C'est normal.
Le trader de la Société Générale travaillait sur les marchés à terme. Au meilleur de sa forme, il aurait investi jusqu'à 50 milliards d'euros. Mais concrètement qu'est-ce qu'un marché à terme ? Quel était le travail du trader de la Société Générale ?


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Leçon 3 : Comment acheter un produit plusieurs mois à l'avance, à un prix fixe ?

Logo, affaire société générale

Principe du marché à terme

Dans une transaction classique, un individu achète un bien à un vendeur qui en a lui-même fixé le prix. C'est le lot quotidien du consommateur moyen. C'est le principe du marché, de la loi de l'offre et de la demande : on vend et on achète des biens.
Un marché à terme, c'est le même principe, sauf que la transaction ne s'effectue pas tout de suite. L'acquéreur s'engage à acheter à terme un produit dont le prix est fixé à l'avance. La transaction peut avoir lieu plusieurs mois avant l'achat effectif. En clair, c'est comme si un consommateur s'engageait à acheter une baguette de pain à son boulanger au prix d'un euro dans 3 mois. Double avantage : l'acheteur est sur de payer sa baguette de pain 1 euros dans 3 mois (pas de risque de hausse du prix) et le vendeur est sur de vendre une baguette dans 3 mois (il est certain d'avoir 1 euro dans 3 mois).
Evidemment, tout l'intérêt du marché à terme est de mettre en jeu des sommes bien plus importantes.

Un marché à terme sur des produits agricoles

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce ne sont pas les analystes financiers, si prompts à mettre au point des systèmes complexes, qui ont inventé le principe du marché à terme. A l'origine, le négoce à terme a été mis au point pour les marchés de produits agricoles et de matières premières. Les prix de ces produits sont par nature fluctuants : par exemple, si la récolte de blé est mauvaise, il y aura moins de production, donc les prix vont fortement augmenter (demande supérieure à l'offre). A l'inverse, si les quantités produites sont trop importantes, les prix du blé diminuent fortement.
Aujourd'hui, la variation des prix des produits agricoles dépend moins du niveau des récoltes que de la pression des pays développés sur les pays en développement pour qu'ils baissent leurs prix. Les industries agro-alimentaires, en achetant plusieurs tonnes de marchandises à de petits producteurs, parviennent à leur mettre la pression pour qu'ils baissent au maximum leur prix. L'offre est à prendre ou à laisser, et le petit producteur est souvent contraint de se plier à leurs demandes, au risque de ne pas pouvoir vendre sa production à d'autres s'il refuse de baisser ses prix.
Le marché à terme a donc été inventé pour palier au problème de la variation des prix. Ainsi, un client va s'engager à acheter une quantité de la production plusieurs mois à l'avance à un prix fixe. Dans ce cas de figure, l'acheteur et le vendeur ont des stratégies différentes : l'agriculteur qui vend sa production à un prix fixe pense que le prix va baisser dans les prochains mois et se rassure donc en faisant la transaction à l'avance, alors que l'acheteur pense qu'il va y avoir une hausse des prix et est donc convaincu de faire une affaire.
En outre, le marché à terme apparaît bien adapté pour une transaction de produits agricoles : par exemple, la récolte de blé se fait en été, mais les ventes n'auront lieu qu'en automne. Or, un agriculteur commence déjà à chercher un acquéreur avant même d'avoir terminé sa récolte. Le marché à terme est là pour ça.

Un marché à terme sur des produits financiers

Le principe du marché à terme se complique lorsqu'il s'agit de produits financiers. Les financiers ont transposé le système destiné aux matières premières et aux produits agricoles au marché des produits financiers.
Ainsi, un trader va s'engager à acheter des titres (action, obligations ou autres) dans quelques mois à un prix fixé à l'avance. Si au cours de ces quelques mois, l'action augmente, le trader aura donc acquis l'action à un prix plus faible (celui d'il y a quelques mois) et pourra la revendre aussitôt pour faire une plus-value (un bénéfice) immédiate. A l'inverse, si l'action a baissé, le trader a fait une mauvaise affaire : il devra acheter une action plus chère que son cours du moment, il enregistrera alors des pertes. On appelle ce type de contrats, des "Futures", c'est-à-dire des contrats à terme d'actions. C'est ce que gérait le trader la Société générale qui a fait perdre la banque près de 5 milliards d'euros.
Tout le travail du trader est donc d'anticiper les fluctuations du marché et de faire la bonne mise : acheter des actions à bas prix à l'avance, pour les revendre au prix les plus élevés.

Qu'est-ce qu'une activité d'arbitrage ?

Reprenons la phrase retrouvée dans la presse : "Le trader de la Société Générale travaillait comme arbitragiste dans le domaine des futures, des contrats à terme sur les actions". On vient de voir ce qu'étaient des contrats à terme sur des actions et quel était le rôle d'un trader. Reste maintenant à expliquer le principe d'arbitrage.
L'arbitrage est l'opération qui consiste à tirer profit des écarts de cours entre différents marchés. C'est censé être l'activité la moins risquée : le trader achète des titres en pariant sur une hausse de ceux-ci mais dans le même temps, il doit vendre d'autres titres qui sont liés aux premiers en faisant le pari inverse. En clair, dans le premier cas, il parie sur une hausse, mais dans le deuxième cas, il parie aussi à la baisse. C'est l'écart entre les deux qui fait le bénéfice ou la perte.
Application simplifiée : un trader achète une action UGC en espérant qu'elle va augmenter (il anticipe une hausse car les cinémas UGC vont proposer de très bons films) mais dans le même temps, pour éviter de prendre trop de risques, il va acquérir une action Gaumont (il pense qu'elle ne va pas augmenter contrairement à l'action UGC) au cas où il se serait trompé dans le premier cas. Comme les actions UGC et Gaumont sont liées, quand l'une augmente, l'autre a plutôt tendance à baisser, le trader minimise les risques. S'il perd dans un cas, il compense dans l'autre.
Tout le travail du trader qui a une fonction d'arbitrage est donc de trouver la meilleure combinaison possible pour qu'au final, il soit bénéficiaire.
Evidemment, la réalité est plus compliquée : le trader acquiert des titres d'indices et achète des actions pour compenser. Mais le principe est le même que l'exemple des actions UGC et Gaumont.

En résumé, le "trader fou" de la Société Générale avait une fonction d'arbitragiste sur les marchés à terme. Il achetait des titres sur les marchés à terme tout en vendant d'autres titres et la différence entre les deux faisait son bénéfice.



*** Sources
- Nicolas Cori, "Société générale : une énigme, trois questions", Libération, 28 janvier 2008
- Raphaëlle Bacqué, "Les traders pur-sang des marchés", Le Monde, 3 février 2008 - Thami Kabbaj, Psychologie des grands traders, Eyrolles, 2007
- Mikael Petitjean, Le Guide du trader : Méthodes et Techniques de spéculation boursière, Dunod, 2004

*** Liens

L'affaire de la Société Générale
- Trader, marchés à terme, front office : le vocabulaire de l'élite, la peur de l'opinion
- L'affaire de la Société Générale expliquée par les journaux télévisés

Comment devenir trader en 5 leçons
1. Qu'est-ce qu'un trader ?
2. Qu'est-ce qu'un Front office, un middle office et un back office ?
3. Qu'est-ce qu'un marché à terme ?
4. Que signifie "prendre des positions" et "se couvrir" ?
5. Comment faire perdre à sa banque 5 milliards d'euros ?

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