Enquête · 13 fév. 2008 à 23:38
Le "bruit médiatique" lié à la polémique sur la bataille de Neuilly et de la chute de Nicolas Sarkozy dans les sondages empêche tout autre événement politique d'émerger dans les médias. L'actualité politique est saturée par les municipales et les déboires du président. C'est l'amer constat qu'a du faire Ségolène Royal, de retour d'un voyage aux Etats-Unis passé complètement inaperçu en France. Pourtant, elle n'avait pas ménagé sa peine pour produire des phrases choc... contre son propre parti.
La semaine dernière, Ségolène Royal a donné une série de conférences à la prestigieuse université de Harvard et au Massachusetts Institute of technology (MIT) de Boston. Son voyage est passé complètement inaperçu. Sur place, tout ne s'est d'ailleurs pas passé comme prévu. Elle a notamment assisté à un meeting de Barak Obama, sans avoir pu le rencontrer et donner ainsi une autre dimension à son voyage. Au lieu de cela, ce déplacement est tombé à contretemps en pleine campagne pour les municipales.
L'ex-candidate socialiste à la présidentielle n'a pourtant pas ménagé ses efforts pour essayer d'attirer les médias. Elle s'est particulièrement illustrée en s'en prenant directement au Parti Socialiste. Devant les étudiants venus l'écouter, elle a fustigé "un PS vieux jeu qui doit cesser de faire de la politique à partir des livres". Deux jours plus tard, elle a critiqué les "tensions" et les "désaccords" du parti à propos du traité de Lisbonne et du Congrès de Versailles. Lors d'une conférence sur le thème "Refonder la gauche européenne", elle a déclaré que le PS devait se démocratiser en consultant régulièrement les adhérents et les sympathisants. Malgré cette proposition, la virulence des attaques à l'égard d'un Parti dont elle est censée prendre la direction peut étonner.
Au PS, ces sorties de la présidente de la région Poitou-Charentes ont été peu appréciées. Même ses anciens alliés qui l'ont soutenu lors de la campagne de 2007 en ont assez de sa stratégie solitaire, peu respectueuse de la force collective du parti et de l'histoire de celui-ci. Arnaud Montebourg a déjà pris ses distances avec la candidate, tout comme Julien Dray. Même Pierre Mauroy, l'ancien Premier ministre de François Mitterrand qui avait été l'un des premiers poids lourds à se rallier à elle, vient de faire marche arrière en expliquant dans une récente interview qu'il n'était pas nécessaire qu'elle soit candidate au poste de premier secrétaire du PS.
Cette séquence manquée de Ségolène Royal correspondait pourtant à un classique du genre : un voyage officiel ponctué de quelques phrases clés censées être reprises dans les médias français. A l'étranger, les responsables politiques pensent que l'éloignement leur confère une plus grande liberté de parole. Et l'évocation du contexte politique du pays visité est souvent l'occasion pour le responsable politique de faire des parallèles avec la situation politique de son propre pays. C'est ce qu'a fait Ségolène Royal lorsqu'elle a commenté sur France Info les primaires démocrates : "Il ne faudrait pas que, dans le camp démocrate, les choses se durcissent et qu'ils s'affaiblissent l'un contre l'autre". Cette allusion à peine voilée à ce qui s'est passée après son investiture en 2006 reflète l'inquiétude de l'ex-candidate socialiste de se lancer dans une bataille à couteaux tirés entre elle et Bertrand Delanoë pour prendre le contrôle du PS.
Tous les ingrédients étaient donc réunis pour faire de ce voyage un temps fort de la lente marche vers le pouvoir de Ségolène Royal. Ce voyage devait lui permettre d'affiner sa vision de l'avenir du parti socialiste tout en renforçant sa stature internationale. Au lieu de cela, il est passé totalement inaperçu dans les médias et il a laissé des traces au Parti Socialiste. En poursuivant sa stratégie de conquête du Parti par l'extérieur, en critiquant les instances et les principaux cadres, Ségolène Royal s'isole de plus en plus. Si les hiérarques du parti n'avaient pas réussi à lui barrer la route de la candidature à la présidentielle, ils sont déterminés à ne pas lui laisser les clés du parti.
- Congrès du PS : les "reconstructeurs" contre Royal et Delanoë
- Michel Rocard déplore la faiblesse du PS et flingue Ségolène Royal
- Ségolène Royal passe à l'offensive pour contrer Bertrand Delanoë
- Désirs d'avenir, l'outil de conquête de Ségolène Royal
- Rétro 2007 : Quand Ségolène Royal demandait les questions à l'avance
- Rétro 2007 : quand les "éléphants" soutenaient Ségolène Royal
- Rétro 2007 : quand Ségolène Royal jugeait son pacte présidentiel pas crédible
_____________________________________________________
Quiz : Quel responsable socialiste s'est déclaré candidat au poste de Premier secrétaire du PS en janvier 2008 ?