Présidentielle américaine · 17 fév. 2008 à 22:31
En France, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont dépensé environ 20 millions d'euros chacun pour la campagne présidentielle de 2007. Il s'agit du plafond maximum de dépenses autorisées. A chaque élection, les comptes de campagne sont vérifiés par une commission nationale : hébergement, frais d'organisation de meeting, dépenses de maquillage, tout y passe. Aux Etats-Unis, les dépenses de campagne s'élèvent à plusieurs centaines de millions de dollars. Alors que les campagnes électorales sont financées sur fonds publics en France, l'appel au don de personne morale et de personne physique est un élément central dans la campagne américaine. Il suffit de voir la place prépondérante de ces appels au don sur les sites web de campagne des candidats pour s'en rendre compte. Mais pourquoi John McCane, Barak Obama et Hillary Clinton amassent-ils autant d'argent ?
Sunday Time, chronique n°05
Politique.net vous propose de suivre pendant un an le déroulement de l'élection présidentielle américaine en décryptant les enjeux du scrutin et le fonctionnement du système politique aux Etats-Unis. Tous les dimanches, vous retrouverez donc notre chronique "Sunday Time" qui expliquera les spécificités de la présidentielle américaine par rapport au système politique français.
Dans la bataille électorale que se livrent les candidats démocrates et républicains, l'argent collecté est une donnée déterminante, du point de vue politique, psychologique et bien sûr, économique. Tous les candidats ont consacré l'année 2007 à la collecte de fonds pour mener la bataille électorale de 2008. Collecter des fonds, c'est se donner les capacités de faire campagne. C'est aussi une manière de tester la popularité d'un candidat. Hillary Clinton et Barack Obama ont beaucoup communiqué sur leur capacité à mobiliser les électeurs et à collecter des fonds. En une année, les deux candidats ont dépassé chacun les 100 millions de dollars collectés. Un record.
Collecter plus de fonds que son adversaire permet également d'avoir un ascendant psychologique sur lui. Au fur et à mesure de la campagne, les candidats ont plus ou moins de mal à collecter des fonds en fonction des premiers résultats aux primaires et des sondages. Or, les dons sont essentiels pour la campagne d'un candidat.
Pour comprendre le rôle décisif de la collecte de fonds, il suffit de faire un parallèle entre les fonds collectés et les courbes des sondages. Alors que les deux candidats démocrates, Hillary Clinton et Barack Obama, avaient collecté à peu près la même somme en 2007, environ 100 millions de dollars, le mois de janvier 2008 a indiqué un renversement de tendance. L'équipe de campagne de Barack Obama a révélé que le candidat démocrate avait réussi à collecter près de 32 millions de dollars rien que pour le mois de janvier 2008. Dans le même temps, Hillary Clinton n'a pas réussi à collecter au cours de la même période les 13 millions de dollars qui lui étaient nécessaires pour compléter son budget de campagne. Elle a donc dû emprunter personnellement 5 millions de dollars.
Cet écart de dons reflète la tendance des sondages : alors qu'Hillary Clinton devançait très largement Barack Obama depuis plusieurs mois, les deux candidats démocrates sont presque revenus à égalité, Hillary Clinton conservant encore une légère avance sur son adversaire.
Mais après le "Super Tuesday" qui n'a pas été la victoire tant attendue de la sénatrice de New York, l'écart financier s'est accentué. Au lendemain de ce mardi si décisif, Barack Obama a collecté 7,2 millions de dollars en 48 heures. Dans le même temps, Hillary Clinton n'a collecté que 4 millions de dollars. La femme de Bill Clinton apparaît donc en difficulté.
Si les candidats récoltent autant d'argent, c'est avant tout pour financer des sports de publicité dans chacun des Etats organisant des primaires. En France, les médias sont tenus d'accorder un temps de parole proportionnel à la représentativité des candidats. Pendant la campagne officielle, des clips de campagne sont diffusés d'une durée égale entre tous les candidats à la présidentielle.
Aux Etats-Unis, les spots de publicité sont libres. Pour chaque primaire, dans chaque Etat, les candidats tournent des spots de publicité. Et dans ce domaine, c'est Barack Obama qui dépense le plus. A la veille du Super Tuesday, jour des primaires dans une vingtaine d'Etats, le candidat démocrate est le seul à avoir diffusé des spots de publicité de 30 secondes pendant l'événement sportif le plus regardé des Etats-Unis : la finale du Super Bowl. Il s'agissait de l'aboutissement de sa campagne télévisée, pour un budget total de plus de 10 millions de dollars. Et depuis qu'il a rattrapé son retard sur Hillary Clinton, son équipe de campagne a lancé une offensive publicitaire télévisée sans égal dans tous les Etats qui n'ont pas encore organisé de primaires.
Du côté d'Hillary Clinton, l'heure est aux économies faute de dons suffisants. Elle a donc concentré ses dépenses publicitaires dans 16 Etats avec notamment des spots en espagnol en Californie et dans l'Arizona.
La publicité à la télévision est le meilleur moyen pour les candidats de toucher un large public. Selon la sensibilité des électeurs d'un Etat, le thème de campagne plébiscité par eux, les candidats adaptent leurs discours et leurs spots de publicité.
Côté républicain, les primaires attirent beaucoup moins les électeurs. Les appels au don fonctionnant beaucoup moins bien, l'heure est donc à la modération : John McCain s'est contenté d'une campagne d'environ 1 million de dollars sur des chaînes nationales câblées et compte sur la couverture gratuite des informations télévisées. De son côté, Mitt Romney, le rival le plus sérieux de John McCane, s'est lui aussi montré prudent. Bien qu'ayant récolté plus de 88 millions de dollars en 2007, il n'a investi "que" 2 millions de dollars dans les dépenses publicitaires sur des chaînes nationales câblées et sur les médias locaux de quelques Etats, dont la Californie. Depuis son échec lors du Super Tuesday, il a jeté l'éponge. Malgré la modération des dépenses de campagne des candidats républicains, le coût de la campagne présidentielle 2008 devrait atteindre un record.
L'élection présidentielle de 2008 sera la campagne la plus chère du monde. Les candidats aux primaires ont déjà dépensé près d'un milliard de dollars. A chaque nouvelle élection, les présidentielles américaines coûtent de plus en plus chères. En 1800, Abraham Lincoln avait dépensé environ 100 000 dollars pour être élu, soit l'équivalent de ce qu'aurait dépensé Mitt Romney par jour au cours des neuf premiers mois de l'année 2007.
Il y a 20 ans, la campagne de 1988 avait coûté 59 millions de dollars. En 2004, le candidat démocrate, John Kerry, avait dépensé au total 384 millions de dollars, contre 345 millions de dollars pour Georges W. Bush. En 2008, le coût total de l'élection pourrait dépasser le milliard de dollars.
Paradoxalement, ce n'est pas la campagne officielle qui coûte le plus cher, mais la bataille des primaires et des caucus. Ainsi, en 2004, John Kerry avait dépensé 309 millions de dollars pour les primaires et "seulement" 75 millions de dollars lors de la campagne officielle qui se déroule de septembre à novembre.
Les Etats-Unis, première puissance économique mondiale, ont donc la campagne électorale la plus chère du monde, dépassant désormais le milliard de dollars. Avec un président élu tous les 4 ans et des primaires qui sont préparées presque deux ans à l'avance (Hillary Clinton a déclaré sa candidature en janvier 2007, 23 mois avant l'élection), les Etats-Unis vivent en situation quasi-permanente de campagne électorale. Les préparatifs d'une élection étant enclenchés tous les deux ans : la présidentielle américaine est donc un véritable gouffre financier.
Présidentielle américaine
- Mode d'emploi des primaires et des caucus
- Qui sont les principaux candidats démocrates et républicains ?
- Qu'est-ce que le "Super Tuesday" ?
- Les règles de financement de la campagne
- L'argent de la campagne et les dépenses des candidats
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