Revue de presse · 21 fév. 2008 à 16:35
La chute de Nicolas Sarkozy dans les sondages est en train d'enrayer toute la mécanique du pouvoir. Non seulement le chef de l'Etat n'arrive pas à stopper son dévissage spectaculaire dans les enquêtes d'opinion, mais un sentiment de flottement s'est emparé de l'Elysée. Alors que tous les commentateurs s'accordent à dire que le président de la République est coincé jusqu'aux municipales et qu'il ne pourra reprendre l'initiative qu'à l'issue d'un remaniement, l'Elysée s'entête à lancer de nouveaux chantiers sans attendre. Mais dans une période de crise, voire de doute, les dernières annonces faites par le président ou ses conseillers ont constitué autant de bombes médiatiques qui contribuent à installer durablement la majorité UMP dans la crise.
- Le JDD : Shoah : Les Français contre l'idée de Sarkozy
- L'Express : Sarkozy prône la fermeté vis-à-vis des sectes
- L'Express : David Martinon revient, après l'intermède malheureux de Neuilly
- Le Figaro : La mère de Sarkozy soutient le dissident UMP à Neuilly
- NouvelObs : L'Elysée défend la nomination de Christine Ockrent à France Monde
La méthode de communication de Nicolas Sarkozy avait fait ses preuves du temps où il était ministre de l'Intérieur : imposer un rythme très soutenu à la presse, multiplier les opérations médiatiques, lancer des sujets polémiques pour rester au coeur du débat public. Cette stratégie du "gavage des médias" lui permettait de ne pas subir l'agenda médiatique mais de le provoquer. A peine les journalistes commençaient-ils à analyser les conséquences d'une décision du ministre que Nicolas Sarkozy était passé à un autre dossier. Et selon la bonne veille méthode des contre-feux, lorsqu'un responsable politique est en difficulté sur un sujet, il en lance un autre pour détourner l'attention des médias du sujet initial. C'est ce que tente de faire depuis plusieurs semaines Nicolas Sarkozy pour essayer de stopper la succession d'articles commentant sa baisse dans les sondages. Mais cette fois-ci, la stratégie des contre-feux ne semble plus fonctionner.
A l'occasion d'un dîner au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Nicolas Sarkozy avait tenté d'éteindre la polémique suite à ses propos sur les instituteurs et les prêtres. En affirmant que la morale laïque était aussi importante que la morale religieuse, il comptait donc mettre un terme à la polémique qu'il avait déclenché en affirmant que les instituteurs ne remplaceraient jamais les prêtres.
Mais la dernière partie de son discours comportait une proposition choc : confier à chaque élève de CM2 la mémoire d'un enfant juif assassiné pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec une proposition aussi forte, Nicolas Sarkozy était certain de faire sensation et de créer le débat, manière comme une autre de se replacer au centre du débat public. Sauf que cette fois-ci, son idée a suscité un véritable tollé. Même Simone Veil, qui avait soutenu Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, a eu des mots très durs : "C'est inimaginable, insoutenable, dramatique et, surtout, injuste" avait-elle déclaré. Xavier Darcos, ministre de l'Education, a commencé une marche arrière en se montrant ouvert aux modalités d'application d'un exercice mémoriel décidé d'en haut, sans aucune concertation. Le contre-feu s'est transformé en matière à polémique.
Avec la chute de Nicolas Sarkozy dans les sondages, une certaine fébrilité s'est emparée des conseillers de l'Elysée. Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, reconnue pour son professionnalisme, accorde peu d'interview à la presse. Bosseuse, prudente, elle joue un rôle clé dans l'équipe de Nicolas Sarkozy. Mais l'entretien qu'elle a accordé au magazine VSD est une véritable bombe médiatique. Elle a déclaré que "les sectes étaient un non-problème en France", laissant planer le doute sur une éventuelle reconnaissance officielle de la Scientologie, considéré jusque là comme une secte. Suite au début de polémique, Emmanuelle Mignon a publié un démenti en affirmant qu'elle n'avait pas tenu ces propos. Mais la rédaction confirme aux mots près tout ce qui a été publié. Le chef de l'Etat a été contraint de rappeler sa fermeté à l'égard des sectes et de nombreux responsables politiques ont jugé sévèrement les propos de la collaboratrice de Nicolas Sarkozy. Elle s'est notamment faite rappeler à l'ordre par l'ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, qui a déclaré cinglant : "S'exprimer c'est un métier, on ne passe pas de l'ombre à la lumière sans éclat (...) ce genre de polémique on s'en passerait surtout en période électorale". Le dérapage de la directrice de cabinet du chef de l'Etat illustre la perte de contrôle de la communication de l'Elysée.
Après le choix contesté de David Martinon comme candidat UMP à Neuilly, deux autres nominations ont provoqué quelques remous à gauche comme à droite. La nomination de Christine Ockrent, au poste de directrice générale de France Monde, la holding de l'audiovisuel extérieur regroupant RFI, TV5 Monde et France 24, a suscité la polémique. Libération a même titré en Une "L'affaire Ockrent". En accédant à ce poste, la question de l'indépendance des rédactions de ces chaînes est posée puisque son mari, Bernard Kouchner, est ministre des Affaires étrangères.
Preuve que Nicolas Sarkozy n'a plus la main, un autre de ses choix a été contesté au point même qu'il a renoncé à cette nomination. Suite à sa proposition de supprimer la publicité sur France Télévisions et Radio France, Nicolas Sarkozy a souhaité créer une commission pour étudier les différentes pistes de financement alternatif. En signe d'ouverture, il voulait nommer Frédéric Mitterrand comme président de cette commission. Mais les députés UMP l'en ont dissuadé, après le tollé du rapport Attali, ancien conseiller de Mitterrand, en début d'année. Pour éviter de créer de nouvelles tensions avec les députés UMP, Nicolas Sarkozy s'est donc résolu à renoncer à cette nomination et à installer Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée, à la tête de cette commission.
Les ratés de communication à propos de la Shoah, de la secte et des différentes nominations illustrent la fébrilité qui s'est emparée de l'Elysée. Professionnel des médias, Nicolas Sarkozy semble avoir perdu le contrôle de sa communication. Tout laisse à croire que les turbulences vont se poursuivre jusqu'au prochain remaniement. Mais d'ici là, la droite devra encaisser une défaite électorale qui pourrait se transformer en une véritable déroute aux municipales.
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