Rétrospectives · 26 fév. 2008 à 23:37
C'est l'un des aspects les plus sombres et les plus secrets de la vie de François Mitterrand. Le futur président de la République a-t-il été pétainiste pendant la Seconde guerre mondiale ? Bien que polémique, cette question n'est pas dénuée de sens historique. Sur ce sujet délicat, un travail historique sérieux a déjà été accompli.
François Mitterrand a eu plusieurs vies : un passé trouble pendant la guerre, une carrière de ministres sous la IVe République, 23 ans d'opposition avant devenir le premier, et pour l'instant l'unique, président de gauche de la Ve République. A cette vie professionnelle si remplie s'ajoutait une double vie personnelle et une personnalité énigmatique. Homme de lettres, souvent distant, le 4ème président de la Ve République fascine encore aujourd'hui, 12 ans après sa mort.
Politique.net publie la biographie de François Mitterrand sous la forme d'un feuilleton en 15 épisodes, du 25 février au 10 mars 2008.
2ème épisode : Mitterrand pendant la Seconde guerre mondiale
Le 19 juin 1942, il arrive à Vichy et parvient à trouver un emploi de documentaliste à la légion des combattants et des volontaires de la Révolution nationale, sorte de parti unique qui reprend la propagande pétainiste.
Dans les premiers mois de l'année 1942, François Mitterrand éprouve de l'admiration pour le maréchal Pétain et collabore à une revue de Vichy : "France, revue de l'Etat nouveau". Mitterrand est donc pétainiste. Dans une lettre retrouvée dans ses archives, François Mitterrand fait même l'éloge du SOL (Service d'Ordre Légionnaire), groupe paramilitaire chargé de pourchasser les ennemis du régime.
Pendant la collaboration, Mitterrand est donc à Vichy et fait la connaissance de René Bousquet, secrétaire général de la police. En juin 1942, ce dernier négocie avec le chef de la police allemande les modalités de collaboration de la police française pour participer aux rafles des juifs.
Les rares fois où François Mitterrand a accepté de parler de cette période, le président de la République se justifiait en expliquant qu'il n'était pas au courant de ce qui se passait pour les Juifs. Lors du vote des lois de 1941 qui excluent les Juifs de la communauté nationale, Mitterrand était en Allemagne. Toutefois, on peut remettre en cause cette version. Il est difficile de croire que Mitterrand ignorait le sort qui était réservé aux Juifs. Il était à Vichy lorsque les fonctionnaires de la police française arrêtaient les Juifs à Paris et dans la zone sud, sous les ordres de René Bousquet.
En juin 1942, Mitterrand entre au service de presse du commissariat général au prisonnier. Au sein de cette organisation chargée de faire parvenir des colis aux soldats qui sont emprisonnés en Allemagne, Mitterrand s'occupe du bulletin de propagande. C'est au sein de cette organisation qu'il va faire la connaissance d'un groupe de résistants qui ont infiltré le commissariat général. Dès lors, François Mitterrand va jouer un double-jeu et participer à des actions illégales, qui consistent à fabriquer de faux-papiers pour des hommes évadés d'Allemagne. Excellent faussaire, Mitterrand sculptait des pommes de terre pour en faire des tampons imitant le cachet de l'Etat français. Parallèlement à ses activités clandestines, François Mitterrand poursuit son travail au service de Vichy et rencontre même le maréchal Pétain en octobre 1942.
En janvier 1943, Laval renvoie Maurice Pinault du commissariat général au prisonnier pour placer un de ses hommes. Les principaux collaborateurs de Pinault, dont fait partie Mitterrand, démissionnent également. A partir de cette date, Mitterrand prend ses distances avec Vichy. Il prend des contacts avec des groupes de résistants sans rompre définitivement avec Vichy puisqu'en avril 1943, François Mitterrand reçoit la francisque. Or, pour obtenir cette décoration, il faut en faire la demande en remplissant un formulaire sans ambiguïté : "Je fais don de ma personne au maréchal Pétain, comme il a fait don de la sienne à la France. Je m'engage à servir ses disciples et à rester fidèle à sa personne et à son oeuvre". Plus tard, Mitterrand atténuera la portée symbolique de cette déclaration en affirmant qu'il était en Angleterre quand la Francisque lui a été remise. Sauf qu'il a signé avant de partir le formulaire pour l'obtenir.
Par conséquent, au printemps 1943, Mitterrand hésite entre la résistance et le pouvoir de Vichy.
Dans la nuit du 15 au 16 novembre 1943, François Mitterrand s'envole pour Londres pour s'assurer de la légitimité de son organisation résistante auprès des responsables de la France libre. Il se rend ensuite à Alger où il est reçu par le général de Gaulle. Ce dernier lui demande d'accepter la dissolution de son organisation au sein d'une seule organisation résistante placée sous l'autorité de son neveu. Mais Mitterrand refuse la proposition de De Gaulle.
Lorsqu'il rentre à Paris en 1944, Mitterrand est un homme traqué par la Gestapo. Il change d'identité des dizaines de fois et échappe de peu à l'arrestation. De l'avis de ceux qui l'ont connu à l'époque, Mitterrand faisait preuve d'un réel courage physique. Il avait un sang-froid distancié qui lui était naturel. Mitterrand, qui se fait appeler "Morlan", est à la tête d'une importante organisation résistante en 1944, composée notamment de tous ces amis connus au 104 et au stalag.
En 1944, De Gaulle désigne Mitterrand comme commissaire général du ministère des prisonniers, sorte de ministre par intérim avant la mise en place du gouvernement provisoire. Dès le début de l'insurrection à Paris, Mitterrand, l'arme au poing, occupe le bâtiment du commissariat aux réfugiés.