Le Canard enchaîné · 27 fév. 2008 à 20:45
L'information révélée par le Canard Enchaîné dans son édition du jour a peu de chance d'être relayée dans les grands médias (radio/télévision) : un peu complexe, trop technique, elle manque de lisibilité immédiate. Pourtant, l'article du Canard Enchaîné révèle une forme de gestion du pouvoir plutôt étonnante. La ministre de la Santé a demandé aux services chargés de lutter contre les fraudes des pharmaciens, d'annuler toutes les procédures pour l'année 2007. Les services des fraudes avaient établi que de nombreuses pharmacies avaient vendu des génériques à un prix trop élevé, pour augmenter leurs bénéfices. Explications.
Comme pour les biens de consommation courante, les médicaments génériques sont soumis à des règles tarifaires strictes : les prix de vente sont fixés par un Comité économique de santé. Si les pharmacies ne fixent pas le prix du générique, elles ont tout de même tout le loisir de négocier avec les fournisseurs. Selon les quantités commandées, les pharmacies peuvent ainsi négocier certains rabais. C'est ce qu'on appelle des marges arrière.
Exemple : la pharmacie achète 10 000 boites de générique au prix de 9 euros la boite, mais le fournisseur, étant donné les quantités vendues, va faire une ristourne à 8 euros la boite. Résultat : les boîtes de médicament sont vendues 9 euros (le prix légal) alors que les pharmacies les ont acheté 8 euros (1 euro par boite = marge arrière).
Ce système de marges arrière a été instauré pour tenter de protéger les fournisseurs et interdire la vente à perte.
Si ces marges arrière permettent aux fournisseurs d'avoir un revenu garanti, elle pénalise les patients qui ne bénéficient pas des ristournes obtenues par les pharmaciens. Ces derniers n'ont en effet pas le droit de vendre moins cher que le prix fixé légalement. Mais depuis la loi Dutreil de 2005, les pharmaciens ont l'obligation de répercuter une partie de ces marges arrière lorsque celles-ci sont importantes, en baissant le prix de vente de ces médicaments génériques. Grâce à cette loi, les marges arrière ont été ramenées à 20% en 2006 et à 15% en 2007.
Les services départements et régionaux de la DGC-CRF (qui luttent contre les fraudes des pharmaciens) ont décelé des manquements aux règlements dans de nombreuses pharmacies. En clair, certains pharmaciens n'ont pas répercuté les marges arrière sur le prix de vente des médicaments et continuent à empocher les 20% de ristournes pour leur seul bénéfice. A ce tarif, les médicaments étaient donc vendus à un prix bien plus élevé que le prix d'achat aux fournisseurs. En temps normal, une fois l'infraction constatée, les pharmaciens doivent être sanctionnés et contraints à payer une lourde amende.
Selon le Canard Enchaîné du 27 février 2008, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a demandé à Christine Lagarde, sa collègue des finances qui a autorité sur les services de contrôle des pharmacies, de suspendre les sanctions, sous prétexte de "trouver, avec les différents acteurs, des solutions constructives sur ce dossier". Début janvier, la direction des Fraudes a reçu comme consigne de suspendre les enquêtes en cours et de détruire les procès verbaux rédigés en 2007. Et le 22 janvier, les services des Fraudes ont appris qu'ils n'avaient plus à enquêter sur les marges arrière puisqu'une loi avait été votée autorisant les pharmaciens à encaisser jusqu'à 17% de marges arrière. Grâce à cette nouvelle loi, les fraudeurs sont désormais dans les clous.
Roselyne Bachelot, docteur en pharmacie dans le civil, a donc bien soigné sa clientèle grâce à sa politique clientéliste en amnistiant les fraudeurs des pharmacies... sur le dos des patients.
*** Source
- "Bachelot soigne les pharmaciens", Le Canard Enchaîné n°4557, 27 février 2008
- La ministre de l'Economie gagnait 800 000 dollars par an
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