Rétrospectives · 28 fév. 2008 à 23:57
De nombreux ministres de la IVe République n'ont pas survécu au passage à la Ve République en 1958. François Mitterrand s'est tout de suite opposé au retour du général de Gaulle. Mais lorsque celui-ci obtient les pleins pouvoirs, François Mitterrand comprend qu'il entre dans l'opposition pour longtemps.
François Mitterrand a eu plusieurs vies : un passé trouble pendant la guerre, une carrière de ministres sous la IVe République, 23 ans d'opposition avant devenir le premier, et pour l'instant l'unique, président de gauche de la Ve République. A cette vie professionnelle si remplie s'ajoutait une double vie personnelle et une personnalité énigmatique. Homme de lettres, souvent distant, le 4ème président de la Ve République fascine encore aujourd'hui, 12 ans après sa mort.
Politique.net publie la biographie de François Mitterrand sous la forme d'un feuilleton en 15 épisodes, du 25 février au 10 mars 2008.
4eme épisode : Mitterrand, quatre années de solitude
En 1958, le général De Gaulle est chargé par le président René Coty de former un nouveau gouvernement. La gauche manifeste alors contre ce qui est considéré comme un coup de force de l'armée. Le 31 mai 1958, le général de Gaulle réunit tous les chefs de parti de la IVe République. François Mitterrand s'oppose alors au général en expliquant que son groupe parlementaire ne voterait pas les pleins pouvoirs en sa faveur. Le lendemain, le général De Gaulle devient président du conseil. La Ve République est en marche et François Mitterrand, qui est apparu alors comme son principal opposant, comprend qu'il entre, à 49 ans, dans l'opposition pendant au moins 10 ans. Dans les faits, celle-ci va durer 23 ans.
Lors des élections législatives de 1958, François Mitterrand perd son siège de député de la Nièvre. Il trouve néanmoins refuge au Sénat. La gauche a perdu de nombreux sièges : il n'en reste que 10. Les socialistes, Guy Mollet en tête, se sont ralliés au Général de Gaulle et participent à son gouvernement tandis que Mitterrand demeure à l'écart, fervent opposant au chef d'Etat. Il n'est pas le seul : une minorité des socialistes décide de s'écarter de Mollet et de créer le Parti socialiste autonome (ancêtre du PSU). Savary, Mendès-France y adhèrent. François Mitterrand voudrait lui aussi y entrer mais à cause de son passé vichyssois et ses errances dans différents partis, il n'est guère le bienvenu au PSA. Même s'il semble seul, il apparaît comme l'un des leaders opposé à de Gaulle. Pour faire face à l'adversité, il s'entoure d'un cercle d'amis qui lui resteront fidèles tout au long de sa carrière comme Dayan, Estier, Dumas, Mermaz ... Dès cette époque, il veut créer une nouvelle gauche.
Nouveau scandale, nouvelle traversée du désert : en octobre 1959, tandis que François Mitterrand est au volant de sa voiture dans le centre de Paris, un véhicule le suit. Pris de panique, il s'arrête devant l'Observatoire, sort de son véhicule en courant et se jette dans un fourré. Au même moment, sa voiture est perforée par des balles de mitraillettes. Selon lui, il s'agirait d'extrémistes politiques. Cette affaire est relayée par la presse et la télévision. Il reçoit de nombreux témoignages de sympathies et recouvre une certaine popularité. Une semaine plus tard, la vérité éclate : François Mitterrand aurait mis en scène lui-même ce faux attentat. L'ancien député d'Extrême droite, Robert Pesquet le trahit : il se rend chez le juge d'instruction et lui apporte deux lettres dans lesquelles François Mitterrand lui explique toute la marche à suivre pour accomplir l'attentat.
Non seulement le socialiste est déconsidéré mais en plus, le 25 novembre1959, le Sénat vote la levée de son immunité parlementaire. Il est inculpé mais il n'y aura jamais de suites judiciaires. Mais cette affaire a de graves conséquences pour lui : certains proches et collaborateurs n'ont plus confiance en un homme capable de monter de faux attentats et de coopérer avec l'Extrême droite.
Mitterrand devra attendre 1962, et l'annonce de l'élection du président de la République au suffrage universel, pour commencer à refaire surface.