Questions d'actualité · 29 fév. 2008 à 14:34
En voyage officiel en Afrique du Sud, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours sur les relations entre l'Afrique et la France. Après un discours de Dakar raté l'été dernier, ce nouveau déplacement sur le continent africain était une session de rattrapage pour le président de la République. Parmi les annonces faites par Nicolas Sarkozy figurent la renégociation de tous les accords de défense entre la France et l'Afrique et la volonté du président de la République de ne plus vouloir "gendarmer" l'Afrique. Certains médias évoquent la fin de la "Françafrique". Quelle est l'origine de cette expression ? Quelles sont les caractéristiques de la Françafrique ?
L'expression "France-Afrique" a été utilisée pour la première fois en 1955 par l'ancien président de la Côte d'Ivoire Félix Houphouët-Boigny pour évoquer les relations particulières entre la France et ses anciennes colonies africaines. Bien que la décolonisation date des années 1960, la France a toujours maintenu d'étroites relations, à la fois politique et économique, avec ses anciennes colonies.
L'évolution sémantique vers le terme de "Françafrique" revient à François-Xavier Verschave. Journaliste économique, il a voulu désigner par ce terme les réseaux souterrains qui unissent la France à l'Afrique. Dans son livre intitulé La Françafrique, le plus long scandale de la République, il définit la Françafrique comme "une nébuleuse d'acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisé sur l'accaparement de deux rentes : les matières premières et l'Aide publique au développement. La logique de cette ponction est d'interdire l'initiative hors du cercle des initiés. Le système autodégradant se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie".
La Françafrique désigne donc une politique de clientélisme entre des élites politiques et économiques afin de tirer bénéfice du partenariat Françafrique. Corruption, marchandage, soutien de coups d'Etat contre l'exploitation de matière première sont les caractéristiques de la Françafrique. De nombreux dictateurs africains ont été soutenus et protégés par la France. Des accords secrets, des soutiens militaires indirects, des financements occultes ont été négociés par la France avec des Etats africains. L'objectif pour la France était politique et économique : maintenir une sphère d'influence importante en Afrique (déterminant par exemple pour les votes à l'ONU) et exploiter la richesse des matières premières. A cela sont venus se greffer des réseaux de corruption qui ont permis à certains dirigeants politiques mais aussi dirigeants d'entreprise de s'enrichir.
Les colonies africaines ont obtenu leur indépendance dans les années 1960. Aussitôt, une "cellule" composée de plusieurs diplomates a été constituée à l'Elysée, sous l'autorité du général De Gaulle, pour maintenir d'étroites relations avec les anciennes colonies. Jacques Foccart a dirigé cette cellule africaine jusqu'en 1974. Les présidents suivants, Giscard, Mitterrand et Chirac, ont maintenu cette cellule africaine. Pendant toutes ces années, la "cellule Afrique" aurait soutenu des dirigeants, déjoué des coups d'Etat et fomenté d'autres, encouragé des fraudes électorales massives pour préserver ses intérêts et pour maintenir l'influence de la France dans ses anciennes colonies. Tout ceci s'est fait au détriment du développement de la démocratie et du développement économique dans ces pays.
A plusieurs reprises, les dirigeants français ont démenti les agissements de la cellule Afrique de l'Elysée et promis de nouvelles relations avec ces pays. Nicolas Sarkozy vient de réitérer ces promesses au nom de la France, avec peut être cette fois-ci, une réelle volonté d'en finir avec la Françafrique des années 1960. Lors de son voyage officiel en Afrique du Sud, il a donc annoncé une renégociation des accords de défense entre la France et les pays d'Afrique. Actuellement, 9 000 soldats français sont présents dans différents pays africains. Le contingent devrait être réduit, des bases militaires vont être fermées. La France veut oeuvrer au développement démocratique et mettre un terme à ces réseaux parallèles.
L'objectif de Nicolas Sarkozy n'est pas d'opérer un désengagement de la France du continent africain mais d'inclure la politique d'aide au développement et de coopération dans un cadre européen pour mettre un terme aux accusations contre une politique post-coloniale française. La fin de la Françafrique est décidée, il ne reste plus qu'à transformer ces principes en actes.
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