Rétrospectives · 3 mar. 2008 à 23:44
La mort soudaine de Georges Pompidou a entraîné la tenue d'une présidentielle anticipée. Après avoir signé un programme commun avec les communistes, François Mitterrand était le candidat unique de la gauche quand la droite se divisait l'héritage gaulliste. Mais l'élection de 1974 va se jouer à 424 000 voix près.
François Mitterrand a eu plusieurs vies : un passé trouble pendant la guerre, une carrière de ministres sous la IVe République, 23 ans d'opposition avant devenir le premier, et pour l'instant l'unique, président de gauche de la Ve République. A cette vie professionnelle si remplie s'ajoutait une double vie personnelle et une personnalité énigmatique. Homme de lettres, souvent distant, le 4ème président de la Ve République fascine encore aujourd'hui, 12 ans après sa mort.
Politique.net publie la biographie de François Mitterrand sous la forme d'un feuilleton en 15 épisodes, du 25 février au 10 mars 2008.
7ème épisode : L'échec de 1974
Etant donné les circonstances de la mort soudaine de Pompidou, la campagne allait être brève et les candidatures ont été annoncées dans la plus grande confusion.
A gauche, depuis la signature du programme commun en 1972 entre le Parti Communiste et le Parti Socialiste, François Mitterrand est le candidat naturel. Dès la mort de Pompidou, les communistes se sont ralliés à sa candidature. Mais, en réalité, François Mitterrand aurait préféré que la gauche présente deux candidats pour pouvoir ratisser plus large et éviter d'apparaître comme le candidat d'un Parti Communiste qui peut encore effrayer une partie des électeurs. De ce fait, Mitterrand n'a pas donné sa réponse immédiatement : il a d'abord attendu l'investiture du PS pour bien donner l'impression que les communistes s'étaient ralliés à lui et non l'inverse.
Outre François Mitterrand à gauche, deux candidats d'extrême-gauche se présentent : Arlette Laguiller pour Lutte Ouvrière et Alain Krivine pour le Front Communiste Révolutionnaire.
Depuis le début de la Ve République, la droite est divisée en deux camps : les gaullistes avec l'Union pour la Défense de la République (UDR) et les Républicains Indépendants de Giscard d'Estaing. Ce dernier a été ministre des Finances de 1962 à 1966 avant de rompre avec le général De Gaulle et de défendre le « non » au référendum qui a aboutit à la démission du fondateur de la Ve République. Puis, il a retrouvé le ministère des Finances de 1969 à 1974 sous Pompidou. Déjà tenté de se présenter en 1969, Valéry Giscard d'Estaing franchit le pas le 8 avril 1974 en annonçant sa candidature depuis sa mairie de Chamalières dans le Puy-de-Dôme. De son côté, l'UDR décide de soutenir l'ancien premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, considéré comme le mieux placé pour maintenir l'héritage gaulliste par la branche la plus dure des gaullistes de l'UDR qui s'était opposée à Pompidou. Enfin, côté centriste, alors que Jean Lecanuet s'était présenté en 1965, et Alain Poher en 1969, il n'y avait pas de candidat en 1974.
D'après les sondages, François Mitterrand devait arriver en tête au 1er tour du scrutin. Pour la 2ème place, tout devait se jouer à droite entre Chaban-Delmas et Giscard d'Estaing. D'après les premiers sondages, les deux candidats sont au coude à coude, avec 26% des voix chacun. Mais progressivement, Giscard d'Estaing va creuser l'écart. Les résultats du 1er tour ont confirmé ces tendances : François Mitterrand est arrivé en tête avec 43,2% des voix, Giscard d'Estaing arrive second avec 32,6% des voix et Jacques Chaban-Delmas s'est complètement effondré, ne recueillant que 15,1% des voix.
Le duel François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing au deuxième tour de la présidentielle s'annonce serré. Dans les sondages, aucun des deux candidats ne se détache. A gauche, Mitterrand tente de s'attirer le soutien de quelques personnalités gaullistes pour récupérer quelques voix. A droite, la stratégie consiste à agiter l'épouvantail de la présence, en cas de victoire de la gauche, de ministres communistes au gouvernement. Le moment fort de la campagne du deuxième tour est le débat télévisé du 10 mai 1974. Ce débat, qui se tient pour la première fois lors d'une élection présidentielle et qui sera traditionnellement reproduit lors des élections suivantes, est suivi par 25 millions de téléspectateurs. Outre le débat d'idées, les deux candidats se sont échangés beaucoup de petites phrases cruelles, Giscard renvoyant Mitterrand à l'image d'un « homme du passé » (Giscard est 10 ans plus jeune) ou lui rappelant que sur les questions sociales, la gauche « n'a pas le monopole du coeur ». Même si ce débat a donné un léger avantage à Giscard d'Estaing, il est difficile d'estimer son réel impact dans les urnes.
Les résultats du second tour ont été extrêmement serrés, Giscard l'emportant avec 50,8% des voix contre 49,2% pour Mitterrand. L'écart n'est donc que de 424 000 voix sur plus de 25 millions exprimées. En analysant le résultat du scrutin, il est difficile de dire précisément ce qui a fait la différence. Il semble que Giscard d'Estaing a bénéficié d'une forte mobilisation de l'opinion puisque les 2/3 des abstentionnistes du 1er tour qui sont allés voter au second tour, ont voté pour Giscard. Vraisemblablement, Giscard doit son élection à la mobilisation de l'électorat gaulliste qui craignait la présence de ministres communistes en cas de victoire de François Mitterrand.
A 58 ans, Mitterrand échoue pour la deuxième fois à l'élection présidentielle. Mais loin d'être abattu, il confie à ses proches que la prochaine tentative sera la bonne.