Le nouveau style présidentiel de Nicolas Sarkozy

Enquête · 24 mar. 2008 à 11:33

Sarkozy, plateau des Glières

Depuis trois mois, le dévissage du président de la République dans les sondages fait la Une des quotidiens. La défaite des municipales étant passée, le chef de l'Etat est bien décidé à corriger le tir. Première étape de cette reconquête de l'opinion : adopter un style plus présidentiel. Exit la Rolex, les ray-bans, l'envoi de SMS en visite officielle, les sorties people, les interventions médiatiques quotidiennes sans cohérence globale. Comme il le répète lui-même en coulisse, il doit "faire président". Décryptage du nouveau style contre-nature du président Sarkozy.

Nicolas Sarkozy n'a pas réussi à imposer son style

En trois mois, Nicolas Sarkozy a perdu des années de travail, d'analyses de sondages pour suivre les soubresauts de l'opinion et maintenir une bonne cote de popularité. Discret pendant la campagne des municipales, il a pu utiliser toutes ces semaines pour analyser les raisons de cette chute spectaculaire dans les sondages. Parmi elles, son style présidentiel. Selon un sondage CSA, 58 % des Français estiment qu'il doit s'efforcer d'adopter un style plus présidentiel.
Lui qui avait eu comme principal slogan de campagne, la "rupture", il n'a pas réussi à imposer son nouveau style. Il pensait pouvoir adapter la fonction présidentielle à sa personnalité. Mais force est de constater que dix mois après son entrée à l'Elysée, c'est un échec.
Son goût de l'argent, l'étalage de sa vie privée dans la presse, son refus des conventions, les coûts médiatiques quotidiens ont fini par lasser l'opinion puis désorienter ses propres électeurs. L'heure est donc au changement.

Réorganisation de son staff à l'Elysée

Les principaux changements intervenus après la défaite des municipales concernent avant tout l'équipe de l'Elysée, le grand remaniement gouvernemental étant repoussé à plus tard. Exit David Martinon, le porte-parole à l'Américaine, la communication est désormais confiée à Franck Louvrier, conseiller presse qui travaille pour le chef de l'Etat depuis des années. Fini aussi la prise de parole désordonnée : seuls Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, et Jean-David Levitte, proche conseiller diplomatique du chef de l'Etat, sont habilités à intervenir dans les médias pour porter la parole présidentielle.
Catherine Pégard, ancienne journaliste politique du Point, monte en grade. Simple conseillère en images au cours des premiers mois de la présidence Sarkozy, elle prend désormais la tête d'un "pôle des affaires politiques" réunissant des conseillers de l'Elysée et des élus UMP pour mettre un terme à la cacophonie au sein de la majorité et améliorer les liens entre l'Elysée et les députés UMP.
Apaiser les tensions, améliorer l'articulation entre l'exécutif et le législatif, retrouver une plus grande cohérence d'action, tels sont les principaux objectifs de ces réajustements.

Un président plus sobre, plus cohérent, plus réservé

Depuis quelques semaines, le président de la République peaufine son nouveau style. Première illustration de ce changement, le voyage en Afrique du Sud en février. Le président de la République a délaissé ses Ray-ban, ranger son téléphone portable qu'il manipulait en permanence, envoyant des SMS même devant le Pape. Sa familiarité habituelle a laissé la place à une plus grande distance.
Après le président "bling-bling", les sorties médiatiques quotidiennes accompagnées de prises de bec avec des marins-pêcheurs ou des agriculteurs, l'heure est désormais à la sobriété. Le chef de l'Etat a revu son agenda : il n'y aura plus un événement par jour comme au ministère de l'Intérieur. Ses interventions seront plus rares et mieux calibrées. S'il n'entend pas adopter totalement le style de ses prédécesseurs qui intervenaient peu dans les médias pour donner plus de poids à la parole présidentielle, Nicolas Sarkozy s'est convaincu qu'il devait prendre un peu plus de hauteur et davantage déléguer à son Premier ministre, François Fillon.

La semaine où Nicolas Sarkozy a voulu "faire président"

La première semaine de l'après municipales devait illustrer ce changement de style. Nicolas Sarkozy s'est donc attelé à donner une image plus présidentielle en multipliant les interventions sur des sujets plus régaliens et en prenant des postures plus présidentielles.
- Lundi 17 mars 2008, il a rendu hommage au dernier poilu de la Première guerre mondiale, mort la semaine dernière. Cette cérémonie officielle lui a permis de renouer avec les grands moments des débuts de la Ve République en endossant les habits du "père de la Nation".
- Le lendemain, mardi 18 mars 2008, il rejoue la scène au Plateau des Glières, où il a rendu hommage à la Résistance. Pendant la campagne présidentielle, il avait annoncé qu'il reviendrait chaque année sur ce lieu symbolique. A l'image de la "roche de Solutré" de François Mitterrand, le Plateau des Glières devient le lien du pèlerinage présidentiel annuel.
- Mercredi 19 mars 2008, premier conseil des ministres post-municipales. Nicolas Sarkozy a accueilli les six nouveaux secrétaires d'Etat. Son intervention a surtout étonné les 39 ministres et secrétaires d'Etat présents autour de la table du conseil dans le salon Murat de l'Elysée : "Plus les obstacles se multiplient, plus il faut de calme et de sang- froid" a-t-il déclaré. Distance, sagesse, il reprend les recettes de Chirac et Mitterrand.
- Le même jour, on apprenait également que Nicolas Sarkozy retirait sa plainte contre le journaliste du NouvelObs qui avait publié un article sur le soi-disant SMS envoyé par le président de la République à son ex-femme. Le retrait de cette plainte pour "faux, usage de faux et recel" est une autre illustration de sa prise de distance avec les événements.
- Vendredi 21 mars 2008 : Nicolas Sarkozy termine sa semaine à Cherbourg, en endossant le costume de "chef des armées". Dans son premier discours sur la Défense nationale, il rappelle la politique de dissuasion nucléaire et brandit la menace d'une riposte nucléaire contre tous ceux qui s'en prendraient aux intérêts vitaux de la Nation. Avec des accents gaulliens, Nicolas Sarkozy a définitivement terminé sa mue présidentielle.


Dans les prochains mois, le Premier ministre, François Fillon, devrait donc prendre en charge les dossiers explosifs comme celui des retraites. Si le chef de l'Etat n'entend pas totalement délaisser les affaires intérieures en continuant ses déplacements en province, il devrait tout de même consacrer l'essentiel de son temps à la préparation de la présidence française de l'Union Européenne entre juillet et décembre 2008. Ce changement de style et cette volonté de moins s'exposer devraient lui permettre d'entamer sa remontée dans les sondages. Reste une inconnue : Nicolas Sarkozy parviendra-t-il à adopter ce nouveau style présidentiel, si éloigné de sa nature profonde ?

*** Liens

- Qui sont les 23 présidents de la République française depuis 1848 ?
- Nicolas Sarkozy modifie la nature de la fonction présidentielle
- Sarkozy et les médias : l'information neutralisée par la communication
- Les conséquences politiques de l'information spectacle
- Sarkozy, l'homme pressé demande du temps
- Nicolas Sarkozy se donne deux ans pour remonter la pente
- Cote de popularité en baisse : les 3 erreurs de Nicolas Sarkozy

_____________________________________________________
Quiz : Qui est le nouveau porte-parole du gouvernement Fillon ?

Commentaires