Enquête · 27 mar. 2008 à 23:53
On la disait menacée, Christine Lagarde sort finalement renforcée du mini-remaniement effectué au lendemain des municipales. Non seulement, elle a conservé le portefeuille de l'Emploi, qui était convoité par Xavier Bertrand, mais elle a désormais sous son autorité quatre secrétaires d'Etat importants : Laurent Wauquiez (emploi), Luc Chatel (consommation), Anne-Marie Idrac (commerce extérieur), Hervé Novelli (Artisanat, PME).
Après des débuts difficiles et une série de couacs médiatiques, la ministre de l'Economie a désormais trouvé son rythme de croisière. Depuis quelques jours, la ministre a commencé une opération vérité sur la situation économique du pays. Lors d'une conférence de presse jeudi 27 mars, elle a dressé un sombre état des lieux de la croissance tout en promettant la poursuite des réformes de structure.
C'est la première fois sous la Ve République qu'une femme accède au poste de ministre de l'Economie. Retour sur le parcours politique d'une femme atypique.
Christine Lallouette est née à Paris, le 1er janvier 1956, dans le 9ème arrondissement au sein d'une famille d'intellectuels. Ses parents sont enseignants : son père à l'université et sa mère dans le secondaire. Enfant, elle va à l'école au Havre et commence la natation synchronisée. Elle intègre l'équipe de France et participe à des compétitions. Son père meurt quand elle a 17 ans. Son baccalauréat en poche, elle décide de commencer des études aux Etats Unis. Elle suit des cours à Bethesda puis fait un stage au Capitole pour le représentant républicain du Maine, William S. Cohen. L'année écoulée, elle passe une maîtrise d'anglais puis d'intègre l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence. Elle tente par la suite l'Institut d'études politiques de Paris, mais n'obtient pas le diplôme. Elle poursuit des études de droit social et obtient son DESS. Elle rencontre un soir l'énarque Catherine Tasca chez ses parents et décide de tenter l'ENA, concours qu'elle échoue par deux fois. Sur les conseils du fils de Simone Veil, Jean, avocat d'affaire, elle décide de se spécialiser en droit international et de devenir avocate au barreau de Paris et enseignante à l'université Paris X.
Christine Lagarde devient donc avocate au barreau de Paris en 1981. Elle entre au bureau parisien du cabinet international Baker & McKenzie en tant que spécialiste en droit du travail et en droit de la concurrence. C'est l'un des cabinets les plus puissants au monde avec plus de 4 000 avocats étendus dans 35 pays mais elle comprend que ce cabinet laisse une certaine place aux femmes. Christine Lagarde accède aux différents postes à l'intérieur du cabinet. Elle crée notamment un département de droit social. Enfin, en 2004 elle est nommée présidente du comité stratégique mondial. Femme d'affaires avertie, elle parvient à augmenter le chiffre d'affaires du cabinet d'avocats de 50 % en 2004.
Le magazine Forbes a classé Christine Lagarde trentième femme la plus puissante du monde et le Wall Street Journal Europe comme la cinquième femme d'affaires européenne.
Pour parvenir à faire de tels chiffres d'affaires, Christine Lagarde voue ses journées à sa société, décidée à organiser les plans sur des périodes de six mois et fait des allers-retours entre Paris et Chicago. Son comité exécutif est évidemment cosmopolite. Il compte un Chinois, un Singapourien, un Brésilien, un Australien, un Allemand, un Anglais, deux Américains. Le cabinet compte de nombreux clients prestigieux comme Levi's, LVMH, Abbott, Suez ou HP Compaq. A cette époque, Christine Lagarde gagne 50 000 euros par mois.
En 2005, lorsque son contrat se termine avec Baker & McKenzie, Christine Lagarde rentre en France pour entamer une carrière politique. C'est Jean-Pierre Raffarin qui la repère mais c'est le Premier ministre, Dominique de Villepin, qui lui propose le poste de ministre déléguée au Commerce extérieur. Elle accepte et, forte de son expérience de plus de vingt ans dans une société américaine, elle souhaite réformer le code du travail en France sur le modèle anglo-saxon, en le rendant plus flexible. Son souhait est notamment de libéraliser l'embauche et les contrats de travail. Cette sortie lui vaut un rappel à l'ordre du Premier ministre. Elle s'implique alors dans les négociations de l'OMC et tente de développer davantage l'exportation française.
La nomination de Christine Lagarde au poste de ministre délégué au commerce extérieur a pu en étonné certains. Le site d'informations « Bakchich » a mené l'enquête et s'est rendu compte qu'au cours de sa carrière aux Etats-Unis, la ministre a défendu des intérêts opposés à celui de la France. Elle s'est notamment occupée de libéraliser les échanges américano-polonais tout en défendant les intérêts des Etats-Unis contre ceux du commerce extérieur de la France. Elle a également voulu aider la Pologne à développer ses marchés en Afghanistan et en Irak.
Très brièvement ministre de l'Agriculture et de la Pêche dans le premier gouvernement Fillon, Christine Lagarde est nommée ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi après l'éviction de Jean-Louis Borloo pour ses propos sur la TVA sociale.
La presse internationale a félicité de façon unanime le choix du président de la République et du Premier ministre. Parmi le G8, elle est la seule femme à avoir occupé un tel poste. Jusqu'en mars 2008 et le remaniement gouvernemental, elle est entourée par deux secrétaires d'État : Luc Chatel, chargé du Tourisme, et Hervé Novelli, chargé du Commerce extérieur.
Malgré ses compétences reconnues dans le monde des affaires, Christine Lagarde peine quelque peu dans le monde politique. Elle est régulièrement rappelée à l'ordre. En janvier 2008 notamment, elle est chargée de communiquer sur le problème de l'inflation mais commet plusieurs erreurs de com : à la télévision, elle se veut rassurante tandis qu'à la radio, elle annonce une inflation croissante pour l'année à venir. De même, la ministre est très attendue sur la croissance. Tandis que l'Elysée attend une progression de 2.5%, elle a annoncé une stagnation à 2%, annonce jugée prématurée par l'Elysée.
Enfin, face à la crise économique, Christine Lagarde a dévoilé qu'il y aurait un plan de rigueur dans la fonction publique avant de se rétracter quelques jours plus tard suite au tollé de ses déclarations.
Malgré une défaite lors des élections municipales de 2008 dans le 12ème arrondissement de Paris, Christine Lagarde a été maintenue à son poste et doit désormais faire front face à la crise financière mondiale pour tenter d'en limiter les effets en France.
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