Revue de presse · 28 mar. 2008 à 20:34
Les résultats des élections municipales et cantonales ont confirmé la tendance de ces dernières années : la droite gagne les élections nationales, la gauche remporte les élections locales. Depuis 2002, ce phénomène est constaté à chaque élection : la droite a gagné les deux élections présidentielles et législatives, la gauche a gagné les régionales en 2004, les municipales et les cantonales en 2008. Cette cohabitation d'un nouveau genre, collectivités territoriales de gauche et Etat central de droite, pose la question de la réalité des pouvoirs de chacun de ces acteurs. Qui fait quoi ? Quelles sont les pouvoirs des collectivités territoriales par rapport à l'Etat ? Peut-on réellement parler d'un contre-pouvoir socialiste ?
- Le Figaro : Le PS en contre-pouvoir ?
- Le Monde : Contre-pouvoir local ou bouclier ?
- Les Echos : Déficit public : départements et régions protestent
En 2004, la gauche a remporté 20 régions sur 22. A l'époque, François Fillon avait qualifié la débâcle de la droite de "21 avril à l'envers" en référence à l'absence de Lionel Jospin au second tour de la présidentielle de 2002. Cette vague rose sans précédent constituait le point de départ d'une conquête des territoires par le Parti Socialiste.
Les élections municipales et cantonales de mars 2008 ont renforcé la mainmise de la gauche au niveau local : les deux tiers des départements sont désormais présidés par la gauche et sur les 20 plus grandes villes de France, seules six ont un maire de droite.
Pour la gauche et le Parti Socialiste en particulier, tout l'enjeu est donc de transformer ces succès électoraux au niveau local en marchepied pour partir à la conquête du pouvoir national. Afin d'améliorer la lisibilité des actions de ces collectivités territoriales, le PS a avancé l'idée d'un "conseil des territoires" qui communiquerait régulièrement dans les médias les avancées des politiques locales dans les régions, les départements et les communes détenus par la gauche.
Objectif : se servir des collectivités locales comme des laboratoires pour expérimenter des politiques et montrer que la gauche constitue une alternative crédible à la droite.
Si les socialistes ne sont pas vraiment d'accord sur la nature de ce pouvoir local, contre-pouvoir ou simple rempart à la politique nationale, tous veulent montrer que la gauche peut agir au quotidien pour améliorer la vie des citoyens. La réussite au niveau local serait alors un gage de réussite sur le plan national.
Les collectivités territoriales (régions, communes) interviennent dans des domaines importants : transports, logement, développement de l'urbanisme et mixité sociale, versement des aides sociales, subventions du monde culturel et associatif, adaptation d'une fiscalité locale qui ménage les revenus les plus modestes. Avec la décentralisation, les collectivités territoriales voient leurs prérogatives sans cesse augmentées.
Même si ces collectivités territoriales n'ont pas directement en charge les principales préoccupations des Français, l'emploi ou le pouvoir d'achat, les élus ont tout de même des moyens d'action pour infléchir une politique gouvernementale. Par exemple, pour améliorer le pouvoir d'achat de ses administrés, un élu peut décider d'offrir des services gratuits à ceux qui ont des revenus modestes : cantine scolaire, accueil de la petite enfance, activités sportives, gratuité des transports scolaires.
Pour autant, être à la tête d'une collectivité territoriale ne permet pas de mener des politiques dans tous les champs d'action. En ce sens, certains socialistes préfèrent parler d'un rôle de bouclier ou de rempart face à la politique gouvernementale, plutôt que de "contre-pouvoir".
Sur tout un tas de sujets, les régions, les départements ou les communes n'ont aucune latitude d'action : c'est le cas pour la justice, la politique économique, le montant des prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales). Sur le pouvoir d'achat, les collectivités territoriales ne peuvent agir qu'à la marge. De même, sur la question des franchises médicales, du financement de la sécurité sociale, des retraites, les élus locaux n'ont aucun moyen d'action.
Enfin, sur de nombreux sujets, les financements sont mixtes. En matière de logement ou de politique de la ville, un projet est souvent financé en grande partie par l'Etat. Le pouvoir local négocie donc en permanence avec l'Etat central.
Par conséquent, n'ayant pas la maîtrise des principaux dossiers, la gauche ne constitue pas vraiment un contre-pouvoir mais exerce un pouvoir local qui peut parfois infléchir les conséquences d'une décision gouvernementale.
Finalement, le pouvoir ultime se trouve à Matignon, à l'Elysée et toutes les victoires aux élections intermédiaires ne pourront compenser une défaite à la présidentielle. Les collectivités territoriales peuvent constituer un laboratoire pour expérimenter des politiques, mais leur rôle de contre-pouvoir reste limité. D'ailleurs, la gauche et les socialistes en particulier, n'auraient pas intérêt à chercher à élargir leur champ d'action. A chaque fois qu'un élu local cherche à augmenter ses prérogatives, cela passe par une hausse de la pression fiscale, ce qui peut entraîner des conséquences contraires au but recherché : instaurer la gratuité des transports en augmentant les impôts locaux n'arrangerait pas le pouvoir d'achat, développer des infrastructures en laissant filer la dette porterait préjudice à l'équilibre des finances publiques de la ville ou de la région. La tentation du Parti Socialiste de s'enfermer dans un socialisme municipal pour contenter les élus locaux serait le meilleur moyen pour ne plus revenir au pouvoir, le vrai celui-ci, c'est-à-dire au gouvernement.
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