Revue de presse · 31 mar. 2008 à 20:29
La ministre du logement, Christine Boutin, prépare un projet de loi qui risque de faire grand bruit. Depuis une semaine, les membres de son cabinet ont orchestré plusieurs fuites dans la presse pour préparer le terrain. Ce projet qui devrait être présenté prochainement en conseil des ministres prévoit de baisser les plafonds de ressources pour être logé en HLM (Habitat à Loyer Modéré). L'objectif est double : chasser la classe moyenne des HLM et éviter ainsi de devoir construire 100 000 logements sociaux par an pour loger les foyers les plus modestes, promesse faite par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle.
- Le Point : Le marché du logement menacé de net ralentissement en 2008
- Les Echos : L'examen du projet de loi sur le logement reporté
- L'Express : Rejet d'une proposition PS sur le logement, débat houleux à l'Assemblée
La crise du logement touche de plein fouet les classes populaires et la classe moyenne. Les listes de locataires en demande d'HLM ne cessent de s'allonger, tout comme la durée d'attente pour obtenir un logement. Certaines familles, faute de mieux, doivent se loger dans des hôtels de fortune dans l'attente de l'attribution d'un logement social.
Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s'était engagé à financer la construction de près de 100 000 logements sociaux par an. Mais au moment où l'exécutif déclare que "les caisses sont vides", le gouvernement pourrait trouver une alternative moins coûteuse : libérer des HLM en baissant les plafonds de ressources donnant droit à un logement social pour réserver les logements sociaux aux foyers les plus modestes.
Un rapport de la cour des comptes préconise une baisse des plafonds de l'ordre de 40%, ce qui reviendrait à diviser par deux le nombre de foyers pour prétendre à un HLM. Christine Boutin plaide pour une évolution moins brutale avec une baisse des plafonds de 10%. D'autres conseillers de Matignon et de l'Elysée réclament une baisse de 30%.
Quoi qu'il arrive, certains foyers ne vont plus pouvoir prétendre à un HLM. Actuellement, en Ile de France, un célibataire peut faire une demande d'HLM si ses revenus sont inférieurs à 1962 euros par mois. Si le plafond était baissé de 30%, un célibataire pourrait prétendre à un logement social si ses revenus étaient inférieurs à 1374 euros...
L'objectif recherché par le gouvernement est donc de réserver les HLM aux foyers les plus pauvres et de renvoyer vers le parc privé les ménages dont les revenus ont fortement augmenté. Après les scandales des personnalités politiques logées en HLM, la mesure a valeur de symbole.
Si l'idée de départ peut sembler juste, les effets collatéraux sont loin d'être négligeables. Tout d'abord, l'abaissement des plafonds va écarter toute une partie de la classe moyenne des HLM. Le retour dans le parc privé de ces foyers va forcément avoir un coût pour eux. Dans un contexte de crise de pouvoir d'achat, la mesure pénalise donc la classe moyenne, qui a déjà des difficultés pour se loger dans les grandes villes. Deuxième victime de la réforme : la mixité sociale. En réservant les HLM aux foyers les plus pauvres, le projet de loi risque de renforcer le phénomène de ghettoïsation des quartiers. La mixité sociale ne serait plus alors un objectif recherché ce qui entraînerait la création de véritables ghettos de pauvres vivant en dessous du seuil de pauvreté (actuellement, cette catégorie représente par an 25% des nouveaux résidents de HLM).
Si les principes de la réforme sont actés, les modalités d'application vont s'avérer complexe. Le principal problème concerne ceux qui occupent déjà un HLM mais qui, avec la nouvelle réforme, dépasseraient le plafond de revenus autorisé. A priori, dans le projet de loi, Christine Boutin prévoirait une forte augmentation des surloyers, c'est-à-dire du supplément que doit payer un ménage si ses revenus sont trop élevés pour rester en HLM.
L'augmentation des surloyers serait alors une mesure déguisée d'expulsion, certains ménages ne pouvant pas payer le nouveau loyer surtaxé. Là encore, la mesure paraît en parfaite adéquation avec l'objectif de réserver les HLM aux locataires les plus modestes. Mais selon plusieurs sources, le projet de loi ne toucherait pas les logements de type intermédiaire, c'est-à-dire ceux qui se trouvent à mi-chemin entre le logement social classique et le parc privé. Ce sont ces HLM un peu particuliers qui ont défrayé la chronique il y a quelques mois. Ces appartements de bon standing, principalement construits en Ile de France, sont loués à la moitié du prix du marché et réservés à la classe moyenne. Or, ce sont ces appartements qui sont aussi occupés par de nombreux cadres du privé et des responsables politiques. Mais à priori, Christine Boutin ne touchera pas à ces logements.
La difficulté d'un responsable politique est de gérer des impératifs contradictoires : aider les foyers les plus modestes à trouver un logement sans pénaliser la catégorie sociale juste au-dessus. Réserver les HLM à ceux qui en ont le plus besoin en évitant de créer volontairement des quartiers de pauvre qui seraient de véritables bombes sociales à retardement.
Si les motivations sont louables, deux interrogations subsistent : ce plan va-t-il se substituer à la promesse de Nicolas Sarkozy de créer plus de 100 000 logements par an ? Et pourquoi les logements de type intermédiaire, dont bénéficient certains responsables politiques, seraient-ils écartés de toute réforme ?
- Qu'est-ce que le droit au logement opposable ?
- Qui sont les personnalités politiques logées en HLM ?
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Quiz : Quel acteur a failli faire partie du cabinet de Christine Boutin ?