Revue de presse · 7 avr. 2008 à 10:52
L'histoire se répète. Les trois derniers présidents de la République ont tous été obligés de mener une politique de rigueur, peu après leur élection. Depuis la crise économique de la fin des années 1970, après chaque élection présidentielle, les promesses de campagne laissent place à la réalité du pouvoir. Dans des contextes certes différents, mais avec une similitude frappante, François Mitterrand, Jacques Chirac et maintenant Nicolas Sarkozy se sont sentis obligés à un moment donné d'infléchir leur ligne politique pour plus de rigueur budgétaire. Si Nicolas Sarkozy se défend depuis des mois de vouloir mettre en place un plan de rigueur, la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) impose une rigueur budgétaire similaire à ce qu'ont fait Mitterrand et Chirac après leur élection, même si l'appellation différente dissimule les objectifs réels de cette politique : réduire le train de vie de l'Etat pour diminuer les déficits publics. Décryptage.
- Le Monde : Nicolas Sarkozy présente 166 mesures pour économiser 7 milliards d'euros
- L'Express : Comment Sarkoy veut réduire la dépense publique
- Libération : Le ministre du Budget met de la rigueur dans la réforme
Pendant les premières années de son mandat, François Mitterrand a appliqué une grande partie du programme commun de la gauche en réalisant d'importantes réformes sociales au bénéfice du salarié : semaine de 39h, congés payés, augmentation des salaires. Mais dès 1983, les comptes publics étant dans le rouge, le gouvernement de Pierre Mauroy a été contraint de changer de politique : dévaluations, blocage des prix et des salaires, c'est le tournant de la rigueur.
En 1995, Jacques Chirac est élu sur le thème de la "fracture sociale", sur le problème de la croissance des inégalités sociales au sein de la société. Mais moins de six mois après son élection, devant la réalité des déficits publics, le Premier ministre, Alain Juppé, a élaboré un plan de rigueur avec hausse d'impôts et réduction des dépenses de l'Etat. Les grèves de décembre 1995 contre le Plan Juppé ont définitivement plombé le premier septennat de Jacques Chirac.
En 2007, Nicolas Sarkozy a axé toute sa campagne sur le pouvoir d'achat : hausse des heures supplémentaires, suppression d'une partie des droits de succession, le "paquet fiscal" était censé provoquer un choc de croissance et améliorer le pouvoir d'achat. Six mois après, l'effet escompté n'a pas eu lieu. Et le ralentissement de la croissance lié en partie à la crise financière mondiale a aggravé les déficits publics. En janvier 2008, Nicolas Sarkozy reconnaît que "les caisses de l'Etat sont vides". Les 15 milliards d'euros du paquet fiscal n'ont pas arrangé une situation déjà critique avant son arrivée à l'Elysée. Mais pour éviter d'annoncer un plan de rigueur, les services de l'Elysée travaillent sur un plan de réduction des dépenses et sur la manière de l'annoncer dans les médias. Résultat : il n'y a pas officiellement de plan de rigueur, car les prélèvements obligatoires ne vont pas augmenter mais il y aura bien une "rigueur budgétaire", c'est-à-dire une baisse des dépenses cachée sous l'appellation de "Révision Générale des Politiques Publiques".
Sur les 7 milliards d'économies annoncées par Nicolas Sarkozy, 3,5 milliards seront économisées par le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Le reste des économies proviendra de la révision des politiques publiques, à commencer par la distribution des subventions aux entreprises qui sera désormais concentrée aux seules PME et limitées dans le temps. Idem pour le logement, avec la réservation des HLM pour les plus pauvres. A chaque fois, l'objectif est de réduire le champ d'action au nom de l'efficacité, tout en se réservant la possibilité de diminuer l'enveloppe budgétaire accordée par l'Etat pour ses politiques.
L'Etat va surtout réorganiser son administration pour faire des économies d'échelle : plusieurs services vont fusionner ou mutualiser leurs moyens. Ainsi, les services du ministère des Affaires étrangères prévoient le regroupement de plusieurs ambassadeset une meilleure répartition de ses agents dans le monde. En France, le nombre de directions régionales de l'Etat va passer de 30 à 8. Plusieurs services vont être externalisés dans les administrations. En matière de sécurité, la gendarmerie va passer sous l'autorité du ministère de l'Intérieur afin de mutualiser les moyens de la gendarmerie et de la police.
Echaudé par les conséquences négatives sur l'opinion des politiques de rigueur de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy a donc décidé de s'y prendre plus subtilement en étalant dans le temps les décisions et en travaillant sur la sémantique. Il n'y a pas de "politique de rigueur", mais une gestion "sérieuse" des dépenses. Il n'y a pas de "plan de rigueur", mais une "Révision Générale des Politiques Publiques". Pourtant, il s'agit bien d'une politique de rigueur, à un détail prêt, le gouvernement Fillon n'a pour l'instant pas évoqué d'augmentation des prélèvements obligatoires. Cela pourrait intervenir dans quelques mois, notamment par l'instauration d'une TVA sociale, d'une hausse de la CRDS ou d'une réforme de la Sécurité sociale, l'objectif recherché étant de faire passer toute hausse comme une réforme de structure. Au final, réforme de structure (recherche de nouvelles recettes) et révision des politiques publiques (baisse des dépenses), Nicolas Sarkozy a inventé le plan de rigueur en kit pour rendre moins perceptible le montage final.
- Portrait d'Eric Woerth, ministre de la rigueur budgétaire
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- Déficit public : le débat Jacques Attali / Olivier Besancenot
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- Mitterrand : de l'Etat de grâce au tournant de la rigueur (1981-1986)
- Retour sur les grèves de 1995
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