Revue de presse · 10 avr. 2008 à 20:22
La journée du 9 avril 2008 a été riche en rebondissement. Attaques, coups bas, invectives, députés UMP et ministres ont bataillé dur sur la question des OGM. Et c'est la secrétaire d'Etat à l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a fait les frais des tensions au sein de la majorité. Depuis une semaine, le président du groupe UMP à l'Assemblée, Jean-François Copé, dénonçait l'attitude trop conciliante de la secrétaire d'Etat à l'égard de la gauche à propos de la loi sur les OGM. Il a suffi d'une sortie trop appuyée de la secrétaire d'Etat pour que les principaux responsables de l'UMP lui tombent dessus. Retour sur la chronologie d'un psychodrame prémédité.
- Le Figaro : Premier revers pour l'ambitieuse NKM
- Le JDD : La folle journée de NKM
- Libération : OGM : un texte de loi complexe qui ouvre les champs aux OGM
Lors du Grenelle de l'environnement, Nicolas Sarkozy a répondu favorablement aux craintes suscitées par l'utilisation des Organismes Génétiquement Modifiés, ces plantes transformées par des laboratoires et dont on ne connaît pas à ce jour les conséquences sur la santé. Le chef de l'Etat a donc annoncé un moratoire sur le seul OGM commercialisé, le "Monsanto" et laissé le soin à ses ministres d'élaborer un projet de loi pour mieux encadrer l'utilisation des OGM.
Le psychodrame qui a eu lieu hier au sein de la majorité s'explique par le décalage entre la position de Nicolas Sarkozy et celle de la majorité UMP. Sur la question des OGM, Nicolas Sarkozy s'est montré beaucoup plus prudent que les députés UMP, moins sensibilisés sur les questions d'écologie. En clair, le président de la République veut limiter l'utilisation d'OGM sans pour autant interdire la recherche en laboratoire alors que les députés UMP sont majoritairement pro-OGM.
La discussion sur le projet de loi sur les OGM ne pouvait donc être que tendue, d'autant plus que les céréaliers ont fait beaucoup de lobbying auprès des députés UMP. Le texte est en deuxième lecture à l'Assemblée nationale après avoir été modifié par les sénateurs. Les débats au sein de la majorité sont houleux, les pro-OGM sont nerveux et craignent de voir passer une loi trop restrictive.
Le mercredi 2 avril 2008, en séance de nuit, le député UMP, Louis Giscard d'Estaing, dépose un amendement destiné à préserver les "écosystèmes régionaux" dans le but de restreindre l'utilisation des OGM. En l'absence de Jean-Louis Borloo, c'est Nathalie Kosciusko-Morizet qui représente le gouvernement. Au moment de l'amendement est proposé, elle déclare s'en remettre à la "sagesse" de l'Assemblée, sous-entendu, si les députés UMP veulent une loi plus stricte, elle ne s'y oppose pas.
Mais après une suspension de séance à 23h20, Louis Giscard d'Estaing cède à la pression amicale de ses amis politiques et retire son amendement. La gauche en profite aussitôt pour déposer un nouveau amendement, copie conforme de celui de Giscard d'Estaing, le terme d'écosystèmes régionaux étant simplement remplacé par "écosystèmes locaux". L'amendement est adopté et constitue un revers sérieux pour les pro-OGM et le ministre de l'agriculture, Michel Barnier.
Le lendemain, les attaques contre la secrétaire d'Etat se multiplient. Michel Barnier, Bernard Accoyer (président de l'Assemblée nationale), Jean-François Copé (président du groupe UMP) s'acharnent contre la secrétaire d'Etat qui ne s'est pas opposée à l'amendement de l'opposition. De mauvaise foi, ils oublient de préciser que la première version de l'amendement avait été déposée par un député UMP. Ces attaques ont pour but de masquer leurs propres insuffisances : Accoyer a déserté la présidence de l'Assemblée au moment des débats, Jean-François Copé n'arrive pas à tenir ses troupes et Jean-Louis Borloo a laissé sa secrétaire d'Etat faire le sale boulot.
Après plusieurs jours d'attaques personnelles, la secrétaire d'Etat à l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, finit par répliquer violemment en dénonçant dans un article publié par le journal Le Monde la "lâcheté" et "l'inélégance" de Jean-François Copé et Jean-Louis Borloo. Elle reproche au président du groupe UMP de ne pas avoir assez travaillé le dossier en amont et à son ministre de tutelle d'être aux abonnés absents.
Dès la publication de l'article, la virulence de la réplique de la secrétaire d'Etat suscite l'émoi dans les rangs de la majorité. L'occasion est trop belle pour les pro-OGM de se payer la secrétaire d'Etat. Copé et Borloo s'insurgent contre ces insultes. François Fillon, dont les relations avec la secrétaire d'Etat se sont quelque peu dégradées depuis l'annonce de son arrivée à la direction de l'UMP, se saisit de cette polémique pour exiger des excuses publiques. La secrétaire d'Etat, contrainte de le faire sous peine d'être débarquée du gouvernement, s'exécute en deux temps. Une première fois sur France Inter, dans une version soft. Mais ça ne suffit pas, sous l'insistance de François Fillon, elle rédige un communiqué où elle s'excuse officiellement.
Résultat, les députés UMP vont continuer leur travail de sape du Grenelle de l'environnement. Ils ont réussi à affaiblir la secrétaire d'Etat à l'écologie. Ironie du sort, c'est le même jour où elle est désignée officiellement secrétaire générale adjointe de l'UMP. Mais malgré les apparences, c'est bien elle qui a été flinguée par les députés UMP et le Premier ministre, qui a souhaité qu'elle ne le suive pas lors de son voyage officiel au Japon, contrairement à ce qui était prévu. Le temps des représailles n'est pas terminé.