Enquête · 15 avr. 2008 à 23:24
On la disait menacée par le remaniement de l'après-municipales. Finalement, Christine Boutin est toujours à son poste et continue sur sa lancée. Depuis son entrée au gouvernement en mai 2007, la ministre du logement n'a cessé de multiplier les coups médiatiques : une délocalisation de son ministère à Lyon, la tentation de débaucher le leader des Enfants de Don Quichotte, les prises de bec avec sa secrétaire d'Etat, Fadela Amara, qui lui fait trop d'ombre. Dernièrement, la ministre du logement a proposé de réserver les HLM à ceux qui sont le plus en difficulté, quitte à expulser la classe moyenne de ces logements. Et plus récemment, elle a proposé la « maison à 15 euros par jour », mesure porteuse d'un point de vue médiatique et floue quant aux contours de son financement. Finalement, Christine Boutin gère son ministère en fonction d'un baromètre purement médiatique. Et la ministre sait de quoi elle parle puisqu'elle a débuté sa carrière en tant que journaliste.
Portrait de Christine Boutin.
Christine Boutin est née le 6 février 1944 à Levroux dans l'Indre. Sa mère, Bernadette Durand, décède quand elle n'a que cinq ans. Christine Boutin suit sa scolarité à Tours puis fait des études de droit public à Paris. Elle obtient une maîtrise. Elle ne poursuit pas dans cette voie et se dirige comme son père vers le journalisme. A 23 ans, elle se marie avec son cousin germain Louis Boutin qui est informaticien. Ensemble, ils ont trois enfants. Elle commence par être attachée de presse au CNRS puis journaliste au mensuel Dossier familial du Crédit agricole.
Ce n'est qu'en 1977 que Christine Boutin se lance en politique. Elle se présente aux élections municipales dans les Yvelines et est élue en 1977 conseillère d'Auffargis. Cinq ans plus tard, elle est promue conseillère générale de Rambouillet. En 1986, elle est élue députée des Yvelines. Enfin, entre 1989 et 2001, elle demeure adjointe au maire de Rambouillet. Elle parvient donc à s'implanter localement et à siéger à l'Assemblée nationale pour défendre ses valeurs catholiques et traditionalistes.
Christine Boutin a une place à part en politique puisque contrairement à la majorité des élus, elle affiche non pas les valeurs laïques de la République mais un attachement plein de zèle au catholicisme. Elle associe ainsi son engagement religieux à son engagement politique. En tant que militante pour le droit à la vie sous toutes ses formes, elle rejette fermement le droit des femmes à avorter comme le recours à la pilule du lendemain.
Lorsque paraît en 1995 l'encyclique Evangelium vitae, le Pape nomme Christine Boutin consulteur de la Sacrée congrégation Pontificale pour la famille. Grâce à cette nomination, elle incarne d'une certaine manière le statut de diplomate du Vatican. Ce sont ses positions contre le droit à l'avortement et l'accouplement des homosexuels au nom de la vie et de la procréation qui lui valent cette promotion. Pour combattre ses idées, elle milite au sein de plusieurs associations comme le « Cercle de la cité vivante » qui s'attaque aux déviances sexuelles et à la perversion des moeurs ou « la Trêve de Dieu ».
En 1998, elle milite farouchement contre le PACS qui permet notamment aux homosexuels de s'unir légalement. Une véritable hérésie à ses yeux. Les larmes aux yeux, une Bible à la main, pendant cinq heures, elle proteste contre le vote de cette loi.
Christine Boutin est un véritable électron libre, piochant des idées et créant des réseaux aussi bien parmi les adhérents à l'UDF comme au Front national ou à l'UMP. Jusqu'en 2002, officiellement, elle appartient au groupe UDF mais elle doit quitter le parti à la demande de François Bayrou au moment où elle annonce qu'elle souhaite se présenter à l'élection présidentielle. Obtenant moins de 2%, elle décide de se rallier à l'UMP.
En raison de son profil « catholique traditionnelle », elle ne fait guère l'unanimité au sein de l'UMP. Malgré l'hostilité, elle continue de défendre ses idées contre vents et marées, s'opposant ainsi en juin 2006 au texte sur le droit d'auteur ou au projet de loi de privatisation de GDF. Très critique sur la politique gouvernementale de Dominique de Villepin, elle ira jusqu'à demander son départ.
A l'approche des présidentielles, elle multiplie les critiques contre Nicolas Sarkozy, sa politique sécuritaire dénuée de prévention et son dernier projet de loi sur l'immigration. Comme en 2002, elle souhaite être candidate à l'élection présidentielle. En réalité, elle sait très vite qu'elle ne parviendra à réunir les 500 signatures et fait monter les enchères pour espérer obtenir un poste au gouvernement en cas de victoire de Nicolas Sarkozy. Son retrait lui vaut d'être nommée le 4 décembre 2006 conseillère politique de Nicolas Sarkozy.
Parce qu'elle a soutenu activement la candidature de Nicolas Sarkozy et qu'elle défend l'idée du droit au logement opposable, François Fillon nomme Christine Boutin ministre du Logement et de la Ville. Elle travaille de concert avec sa secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, Fadela Amara mais le couple semble improbable et incompatible. L'une prône les valeurs catholiques l'autre est la fondatrice du mouvement féministe et laïque Ni putes ni soumises.
Les deux femmes ont des visions radicalement opposées sur les problèmes du logement et de la politique de la ville. En janvier 2008, à Vaulx-en-Velin, tandis que Fadela Amara expose son projet concernant son plan « Espoir banlieue », sa ministre de tutelle est intervenue pour déclarer qu'elle ne croit pas en un tel projet en banlieue, préférant miser sur les problèmes des centres-villes et la décentralisation.
Au cours de ses premiers mois en tant que ministre, Christine Boutin a dû gérer beaucoup de polémique. En décembre 2007, Le Canard Enchaîné avait notamment révélé que son directeur de cabinet, Jean-Paul Bolufer, louait un appartement de standing à Paris de 190 m² au prix d'un logement HLM. Suite à cette affaire, le directeur de cabinet a démissionné et la ministre a mis au point un projet de réforme de l'attribution des HLM, réservant ceux-ci aux classes populaires qui sont le plus en difficulté.
Pour faire face à la crise du logement qui s'est aggravée ses dernières années, Christine Boutin Christine Boutin souhaite développer la construction de nouveaux logements sociaux. Pour y parvenir, elle vient de proposer un nouveau dispositif « la maison à 15 euros par jour », mesure permettant aux primo-accédants à revenus modestes (entre 1 500 et 2 000 euros par mois) de pouvoir accéder à la propriété. Après le fiasco des maisons à 100 000 euros de Jean-Louis Borloo, ce nouveau dispositif sera un simple gadget médiatique si les financements publics ne suivent pas.
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