Revue de presse · 17 avr. 2008 à 22:48
Si l'on en croit le Canard Enchaîné du 16 avril, Nicolas Sarkozy a reconnu auprès de ses conseillers que la semaine dernière fut "la plus bordélique" depuis son élection. Après le rétropédalage du gouvernement suite au propos de Rama Yade sur les éventuelles conditions pour que Nicolas Sarkozy assiste à la cérémonie d'ouverture des JO, après la polémique entre Nathalie Kosciusco-Morizet et son ministre de tutelle à propos des OGM, la semaine s'est terminée par le "couac gouvernemental" sur la suppression de la carte "Famille nombreuse" de la SNCF. Devant le tollé d'une telle décision, Nicolas Sarkozy a fait marche-arrière et annoncé que la carte serait maintenue et même élargie.
Sauf que cette mesure n'était pas un "couac", mais une volonté du gouvernement de faire passer la mesure en catimini. Décryptage.
- Libération : Carte famille nombreuse, bien plus qu'un couac
- La République du Centre : L'Etat continuera à financer tous les tarifs sociaux de la SNCF
- Arrêt sur Images : Familles nombreuses, comment le gouvernement a tenté de cacher la mesure (article sur abonnement)
Tout a débuté avec une brève au journal de 20 heures de TF1 le mardi 8 avril 2008. Patrick Poivre d'Arvor, en plein milieu du journal, annonce que l'Etat ne remboursera plus la carte famille nombreuse à la SNCF. L'annonce, explosive, est lâchée telle qu'elle, sans aucune explication.
Le lendemain, mercredi 9 avril, la SNCF publie un communiqué : "Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le gouvernement a annoncé la fin de la compensation versée à la SNCF au titre des tarifs dits sociaux. Cette annonce va conduire la SNCF à construire une nouvelle offre pour prendre le relais de ces tarifs dès 2009. En 2008, les tarifs sociaux existants restent tous applicables". Dans ce communiqué relativement obscur, le président de la SNCF annonce une concertation avec les associations de consommateurs pour définir une nouvelle politique tarifaire.
Après la brève du 20h et le communiqué obscur de la SNCF, la presse s'empare de l'affaire. Et c'est le journal Le Parisien qui va frapper le plus fort en titrant en Une : "Carte famille nombreuse : la mesure qui fâche". A l'intérieur, le journal explique que le gouvernement a décidé de ne plus verser d'aides financières à la SNCF pour les tarifs sociaux. En clair, c'est à l'entreprise d'assumer seule l'effort financier accordé aux familles nombreuses qui bénéficient de tarifs préférentiels. Sauf que la suppression des aides de l'Etat équivaut à la suppression de la carte "Famille nombreuse", la SNCF ne pouvant assumer seule son financement.
Au flou de la décision s'ajoute la cacophonie gouvernementale. Dans les pages intérieures du Parisien, Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, affirme qu'il est "hors de question de la supprimer". Le matin même, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, avait affirmé le contraire sur France Info en déclarant que "la carte famille nombreuse allait sans doute disparaître". Le Premier ministre, François Fillon, en déplacement au Japon, avait lui aussi affirmé qu'elle allait être supprimée : "La SNCF doit financer sa propre carte familiale. C'est désormais une entreprise comme les autres. C'est à elle de mettre en oeuvre cette politique familiale et c'est elle qui le fera".
Finalement, quelques heures plus tard, à la sortie d'une réunion de crise à l'Elysée, Nicolas Sarkozy annoncera dans un communiqué le maintien de la carte "Famille nombreuse" et même son extension aux familles monoparentales et aux familles modestes avec deux enfants alors qu'elle était réservée jusque-là aux familles avec 3 enfants.
La décision de Nicolas Sarkozy laisse penser que la décision n'avait pas été prise collectivement. Pour expliquer cette confusion générale, la presse a évoqué un "couac gouvernemental". En réalité, Gilles Klein, du site Arrêtsurimages.net, a démontré que le gouvernement a cherché à cacher cette mesure. Loin d'être un couac, il s'agissait plutôt d'une mesure fantôme.
La suppression de la carte "Famille nombreuse" était présente dans les 166 mesures présentées par Nicolas Sarkozy pour réduire les déficits publics. Mais tous les médias étaient passés au travers car la mesure était bien cachée. Elle figurait en page 3 du document intitulé "la modernisation du ministère de l'écologie". Dans un des paragraphes, on peut lire que "les tarifs sociaux du train s'inscrivent dans la politique commerciale de la SNCF. Ils seront maintenus mais devront être financés par les utilisateurs du train (en particulier les professionnels) plutôt que par les contribuables".
Le document ne parle donc pas explicitement de la carte Famille nombreuse mais derrière un langage très technique, il faut comprendre que l'Etat n'assumera plus le financement des tarifs sociaux. Et vu le montant élevé de l'aide publique, il s'agissait indirectement de la suppression de la carte "Famille nombreuse".
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