Livres politiques · 7 mai 2008 à 21:42
Convaincre, voilà l'objectif principal des responsables politiques pour accéder au pouvoir. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir : exposer un programme clair, défendre des valeurs, prendre des exemples précis pour illustrer une démonstration, jouer sur la corde sensible pour émouvoir et susciter l'adhésion. L'art de convaincre est un mélange d'arguments et d'émotions. Dans "La revanche de l'opinion", Laurent Cayrol, directeur de l'institut de sondages CSA et chercheur au centre de recherches politiques de Sciences-Po, analyse la manière dont les électeurs se forgent une opinion.
Cette semaine, à l'occasion du premier anniversaire de l'élection de Nicolas Sarkozy, Politique.net publie une série en 5 volets sur la démocratie d'opinion, à un moment où le président de la République peine à remonter dans les sondages.
Les Français préfèrent se tenir à l'écart des informations politiques, qu'elles proviennent de la télévision ou de la presse écrite. Ils se font donc leur propre opinion par d'autres médias, persuadés que la presse écrite comme la télévision leur cachent la vérité. Pour choisir leur candidat, ils se fondent sur différents critères émotionnels et rationnels.
Les électeurs veulent savoir comment les candidats vont résoudre les problèmes majeurs auxquels ils sont confrontés. En 1981, par exemple, le chômage était la préoccupation principale des Français. Ils ont estimé que François Mitterrand était plus apte à trouver des solutions à ce fléau même si Valéry Giscard d'Estaing était perçu comme le candidat le plus apte à gouverner !
Ensuite, ils se fient à la personnalité des candidats. Aujourd'hui, on accorde davantage de crédit à un homme plutôt qu'à un parti voire à un programme. Dans ce cas concret, ce sont les émotions qui priment sur les arguments. Ainsi, en 2007, le charisme de Nicolas Sarkozy a séduit au détriment des autres candidats.
Enfin, les électeurs sont sensibles aux valeurs prônées par les candidats. Pour séduire et convaincre, ceux-ci ont recours à la fois aux arguments et aux émotions. Lors de l'élection 2007 par exemple, les valeurs du patriotisme et du travail ont été mises en avant par les deux principaux candidats.
Pour se faire élire, tout candidat doit à la fois tenir compte de son programme comme des valeurs qu'il défend et la façon dont il les présente. Sa personnalité a autant d'importance que le contenu même de son programme. La difficulté du candidat est de faire passer ses idées et de convaincre tout en restant dans le domaine de l'émotion.
Pour se faire une opinion, les électeurs ont tendance à fuir les grands quotidiens nationaux au profit des nouveaux médias et en particulier Internet. Lors de la campagne de 2007, les blogs et sites politiques ont fleuri partout sur la toile : les candidats comme les citoyens ont pu s'exprimer librement et ouvrir le débat. Les citoyens ont pu montrer leur intérêt pour la politique. Ce nouveau média plaît davantage que les journaux parce que de nombreux sites sont tenus par des citoyens lambda qui essaient de rendre compte d'une réalité, de décrypter des informations... Certaines images, non diffusées à la télévision, ont circulé sur Internet. Une partie du corps enseignant a décidé de ne plus soutenir Ségolène Royal à partir du moment où une vidéo la montrait remettre en cause le nombre d'heures de travail. Cette déclaration, qui n'était pas destinée au grand public, a suscité la polémique, la télévision à son tour a diffusé la vidéo. Dès lors, certains téléspectateurs ont pris conscience que le Net permet de donner des informations tues par la plupart des médias. Toutefois, Roland Cayrol rappelle que sur Internet, les images peuvent être diffusées librement sans que les sources ne soient exigées. Il peut donc y avoir manipulation. Ceux qui écrivent sur des blogs ou envoient des images peuvent vouloir manipuler, déformer la vérité. Les internautes comme les téléspectateurs doivent donc rester vigilants et ne pas succomber aux émotions.
Série : "La revanche de l'opinion"
1. La revanche de l'opinion : l'importance des sondages dans la vie politique
2. Emotions et arguments : comment se forger une opinion ?
3. Les divisions de l'opinion : ceux qui votent, ceux qui s'abstiennent
4. Le rôle de la télévision et de la radio dans la formation de l'opinion
5. Divertissement et humour en politique : l'autre manière de toucher l'opinion
> Roland Cayrol, La Revanche de l'opinion, Médias, sondages, Internet, Editions Jacob-Duvernet, 205 p., 2007
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